EuropeGiorgia Meloni, une nostalgique de Mussolini aux portes du pouvoir en Italie

Par Nicolas Scheffer le 22/09/2022
Giorgia Meloni

Les intentions de vote donnent Giorgia Meloni largement vainqueure des élections législatives prévues en Italie ce dimanche 25 septembre. Encore une très mauvaise nouvelle en Europe pour les personnes LGBTQI+…

Les électeurs italiens auraient-ils perdu la mémoire ? Alors que Benito Mussolini est mort en 1945 pendu par les pieds et lynché par la foule qui a ensuite craché sur sa dépouille, 77 ans plus tard, leurs descendants sont sur le point de mettre au pouvoir Giorgia Meloni. Nostalgique assumée du dictateur fasciste, elle l'a qualifié de "bon politicien", ce qui vous pose une femme… Or Fratelli d'Italia, la formation post-fasciste présidée par cette Romaine âgée de 45 ans, domine la coalition d'extrême droite qui caracole en tête des intentions de vote aux élections législatives de ce dimanche 25 septembre, créditée de 46% d'opinions favorables, contre 30% pour la gauche. Sans surprise, c'est une très mauvaise nouvelle en particulier pour les personnes LGBTQI+.

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Née dans un quartier huppé de Rome en 1977, cette cheffe de parti de 163 cm se présente régulièrement ainsi : "Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne." Les Italiens la connaissent déjà pour ses phrases provocatrices et son discours ultra-conservateur. Hostile à l'immigration, elle souhaite également limiter l'avortement. Avec son slogan "Dieu, la patrie et la famille", elle fait aussi de la "lutte contre les lobbies LGBT" l'un de ses chevaux de bataille. Haranguant la foule, elle tonnait mi-juin dans un discours : "Oui à la famille naturelle, non au lobby LGBT ! Oui à l'identité sexuelle, non à l'idéologie du genre ! Oui à la culture de la vie, non à l'abîme de la mort ! Oui au travail de notre peuple, non à la finance internationale !"

Giorgia Meloni opposée aux droits LGBTQI+

Au cours de la campagne électorale, Giorgia Meloni s'est opposée à l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe. Dans un face-à-face avec Enrico Letta, du parti démocrate (PD), le 13 septembre, elle a justifié son refus sur l'adoption ainsi : "Il faut garantir le meilleur aux enfants qui ont déjà beaucoup souffert, c'est-à-dire qu'il faut leur apporter, selon moi, un père, une mère, la stabilité du couple." "Ce que doivent recevoir les enfants, c'est de l'amour", lui a rétorqué un Enrico Letta dépité. Lors d'un discours à Rome en 2019, la nouvelle pasionaria de l'extrême droite a carrément comparé les homos souhaitant adopter à des "ogres qui volent des enfants pour les manger", comme le rappellent Les Échos.

"Des ogres qui volent des enfants pour les manger."

Le programme de Fratelli d'Italia sur les sujets LGBTQI+ se borne donc à "s'opposer à toute discrimination fondée sur les choix sexuels (sic) et sentimentaux des personnes, à maintenir la loi sur les unions civiles [en 2016, la députée Giorgia Meloni s'est abstenue de voter le texte, ndlr], tout en réaffirmant l'interdiction des adoptions homoparentales et la lutte contre toute forme de gestation pour autrui, dans l'intérêt suprême des mineurs", énumère le média gay.it. L'Italie échoue depuis 30 ans à faire adopter une loi luttant contre les LGBTphobies – dernier épisode en date, l'opposition du Sénat en août 2021, soutenue par Fratelli d'Italia.

Collabo avec Viktor Orbán

Giorgia Meloni ne partage pas avec Marine Le Pen que sa blondeur rassurante pour l'extrême droite, mais aussi son admiration pour le Premier ministre nationaliste et LGBThobe hongrois, Viktor Orbán, qui a fait interdire la "promotion de l'homosexualité" auprès des mineurs, fait aujourd'hui la guerre à l'IVG et dont le Parlement européen estime désormais que le pays sous sa direction ne peut plus être qualifié de démocratie. "Nous avons établi des liens [avec Orbán] qui continueront quand nous serons au gouvernement. Je voudrais que l'Italie collabore avec les pays du groupe de Visegrad – Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie –, qui, depuis 1993, s'attellent à sauvegarder les intérêts nationaux de la pensée unique et de l'homogénéité que Bruxelles cherche à nous imposer", déclarait Giorgia Meloni en 2018, lors d'un voyage à Budapest.

Or, contrairement à la Hongrie, l'Italie ne dispose pas de législation antidiscrimination, ce qui permet au gouvernement d'avoir les coudées franches. Et Giorgia Meloni passe mieux que Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue du Nord : "Elle est beaucoup plus maline. Elle a su lisser son discours sur de nombreux aspects, notamment sur les sujets LGBTQI+", indique à têtu· Yuri Guaiana, militant auprès de l'association LGBTQI+ All out et lui-même candidat aux législatives sous l'étiquette "plus d'Europe". Il cite à titre d'exemple un événement s'étant produit lors d'un meeting de Giorgia Meloni. Alors qu'un militant avait débarqué sur scène en brandissant un drapeau arc-en-ciel pour réclamer le mariage pour tous, la présidente de Forza Italia a demandé à la sécurité de ne pas intervenir. Avant de tailler en pièces la nécessité d'autoriser le mariage aux couples de même sexe. "De quoi vous plaignez-vous, nous reconnaissons déjà les contrats d'union civile", a-t-elle lancé, galvanisée par la foule.

"L'Italie est face à un choix fondamental, entre une société ouverte aux valeurs européennes ou devenir un régime autoritaire à la Russe. Ces élections sont vraiment inquiétantes, on risque gros", s'inquiète Yuri Guaiana. "Les plaisanteries sont finies", revendique Giorgia Meloni.En effet, l'heure est à la résistance !

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Crédit photo : Eliano Imperato / Controluce via AFP