chemsexSexe, drogue & addiction : comment gérer face au chemsex

Par Mathias Chaillot le 09/10/2022
illustration chemsex

Consommer des drogues comporte des risques, dont certains peuvent être évités avec une bonne connaissance de soi, de ses pratiques, des produits, mais aussi avec l'aide des associations et des professionnels de santé qui accompagnent notamment les adeptes du chemsex.

Par Mathias Chaillot et Nicolas Scheffer

▶ Écoutez votre corps

Les drogues modifient votre rapport au corps. Ainsi, les méthamphétamines offrent une sensation de puissance et coupent les effets de la faim, et les cathinones de synthèse procurent un sentiment de compréhension accrue du monde. Au-delà des effets recherchés dans les stupéfiants, votre corps est donc le premier témoin de votre consommation et de votre maîtrise, ou non, de celle-ci. “Le problème, c’est quand on commence à perdre son autonomie par rapport aux produits”, résume Iris Bichard, praticienne en réduction des risques. Un état de stress inexpliqué, une irritabilité ou des pertes de mémoire sont des symptômes qui doivent vous alerter sur votre niveau de consommation.

▶ Connaissez vos prods

Quels sont les effets ? Quelles sont les doses ? Y a-t-il un effet d’accoutumance ou de dépendance ? Si vous prenez de la drogue, soyez un consommateur informé et attentif. Connaître les modes de prise, les effets secondaires ou les éventuels dangers participe grandement à la réduction des risques. Par exemple, si vous consommez des cathinones, savez-vous qu’une pause d’au moins dix jours entre deux sessions est nécessaire afin de recharger ses stocks de dopamine ? Apprendre à préparer correctement un slam, ou même un para ou une trace (par exemple sur technoplus.org ou asud.org) vous évitera nombre de conséquences parfois dangereuses. N’hésitez d’ailleurs pas à faire tester vos produits par des associations spécialisées : le marché de la drogue étant illégal, il n’y a pas de contrôle qualité ! 

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▶ Notez ce que vous prenez

Lorsqu’on est perché, la perception de notre consommation est brouillée. Lors d’une session chems, prévoyez un endroit (papier, tableau, téléphone) pour noter ce que vous prenez, avec les doses et les heures de prise. Cela peut vous permettre de faire plus attention aux surdoses et aux mélanges déconseillés. En cas de problème, ce tableau sera également d’une grande aide au personnel de santé. Il vous permettra aussi d’estimer votre consommation sur le mois ou l’année, les chiffres pouvant s’avérer de bons indicateurs de votre rapport, détaché ou addictif, aux produits. “Quand on veut diminuer, regarder sur un mois le temps et l’argent dépensé, c’est assez révélateur”, glisse Iris Bichard.

▶ Anticipez

Pour mieux contrôler votre consommation, vous pouvez décider de ce que vous allez prendre avant une séance de chemsex. En essayant, bien sûr, de respecter votre décision… Une fois le cycle de dépendance enclenché, la prise de produits stupéfiants vire à une habitude venant combler le moindre interstice d’ennui. “Le plus important est d’anticiper au maximum les moments où l’on va consommer, et ceux où l’on ne veut pas le faire,insiste Iris Bichard. Dans ce cas, on peut planifier heure par heure son week-end. C’est contraignant, mais ça fonctionne. Pour ne pas être sollicité, prévenez vos amis que vous ne voulez pas consommer à telle période, et organisez des choses agréables à la place.”

▶ Entendez vos proches

Vos proches sont aux premières loges pour repérer si quelque chose ne va pas. S’ils vous font remarquer que vous délaissez vos centres d’intérêt, que vous fuyez leur compagnie, que vous avez raté plusieurs rendez-vous, voire manqué le travail, que vous êtes de moins en moins joignable ou de plus en plus irritable, essayez de rester ouverts et de prendre en compte leurs inquiétudes.

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▶ Ne vous cachez pas

Vous consommez des produits illégaux, certes. Mais ne restez pas seul : discutez-en avec vos proches, avec votre psy… Les groupes d’autosupport d’usagers de drogue ne sont d’ailleurs pas réservés aux seuls addicts. Un symptôme de la dépendance est de (se) mentir sur sa consommation. Si vous échouez à tenir vos objectifs garde-fous, ne vous découragez pas, et cherchez de l’aide.

▶ Soyez bien accompagné

Votre meilleur ami peut aussi devenir votre Sam. S’il n’est pas consommateur, vous pouvez, par exemple, lui confier la drogue que vous n’aviez pas prévu de consommer de suite, au moment où votre détermination faiblit. Vous pouvez également installer un contrôle parental sur Grindr, et lui en laisser les rênes : l’obligation de faire appel à lui en cas de sensation de manque pourra ainsi réfréner vos ardeurs. En soirée, il vaut aussi mieux être accompagné d’une personne expérimentée et de confiance. “Avec un ami, on sort en binôme. Il prend du G, et j’ai l’impression qu’il a besoin que je sois là”, témoigne Jarod. Cet ami peut également vous aider à être attentif à votre niveau de consommation, car la surdose de GHB/GBL, notamment, survient très rapidement.

▶ Gardez une vie hors du chemsex

Essayez de ne pas faire des chems l’alpha et l’oméga de votre vie sexuelle. On peut s’intéresser à vous en dehors des produits, pour vos qualités, et l’éprouver devrait renforcer votre confiance en vous. “Le risque, c’est de perdre les automatismes, l’habitude de faire des rencontres, d’essayer de plaire, et ça peut être compliqué à réapprendre”, souligne Iris Bichard. D’ailleurs, si votre date ne prend pas de chems et que vous avez le sentiment de ne pas pouvoir assurer sans, cela doit être un signal d’alarme. Au début, on prend des chems pour avoir une vie sexuelle foisonnante, puis le sexe peut finir par passer au second plan, et la consommation se faire dans la solitude, pour elle-même. Afin d’éviter cet écueil, ne consacrez pas tous vos week-ends au chemsex : prévoyez d’autres activités, socialisantes si possible. 

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▶ Attention aux “paliers” 

Gardez un œil lucide sur vos modes de prise. Une fois que l’on a goûté à la drogue en intraveineuse (slam), on retourne rarement aux “simples” parachutes. À force, l’injection en elle-même peut devenir un rituel dont on peine à se départir. Problème : le slam est plus dangereux que les autres modes d’administration, tant en matière d’effets addictogènes que de conséquences physiques (blessures, infections, dégâts sur la circulation veineuse et risques associés, comme la thrombose…).

▶ Pas de chems à la maison 

Pour éviter d’être trop tenté, n’achetez que ce que vous prévoyez de consommer à court terme. C’est peut-être plus cher, plus galère, mais ça vous évitera justement de vous torturer à coups de “et si je prenais juste une toute petite trace ce soir ?”. Quand l’envie arrive, et si vous ne souhaitez pas y céder, allez vous balader, appelez un pote, masturbez-vous rapidement pour faire redescendre la pression, etc.

▶ Prenez soin de vous

Êtes-vous satisfait de votre pratique du chemsex ? Si vous ressentez des problèmes, que ce soit avec la drogue ou avec le sexe, des structures peuvent vous aider à arrêter. Notez bien que, même si votre consommation ne vous cause aucun souci, elle peut avoir des effets sur votre santé. N’hésitez pas à en parler à un médecin de confiance (voir medecin-gay-friendly.fr)

> Quelques questions à se poser :

• Quelle est votre substance préférée et comment vous l’administrez-vous ?

• Passez-vous un bon moment lors de vos séances de chemsex ?

• Êtes-vous OK avec votre consommation de produits ?

• Quand a eu lieu votre dernier rapport sexuel sans aucune drogue ?

• Délaissez-vous vos amis ou vos centres d’intérêt au profit de la drogue ?

• Votre consommation a-t-elle un impact sur votre vie professionnelle ?

• Souhaiteriez-vous en parler à un spécialiste ?

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> Contacts pour trouver de l'aide :

Aides a mis en place un numéro d’écoute disponible à toute heure via WhatsApp ou Signal  – 07 62 93 22 29 – et propose dans toute la France des groupes de discussion entre chemsexeurs. Des entretiens individuels sont également possibles avec des militants formés à l’écoute (aides.org/chemsex). Sur Facebook, le groupe fermé Info Chemsex (by Aides) est dédié à l’autosupport. Par ailleurs, Drogue info service est joignable (08 00 23 13 13) de manière anonyme et gratuite, tous les jours de 8h à 2h, pour connaître les effets et les risques des drogues consommées, faire le point sur votre consommation ou être orienté pour obtenir de l’aide.

Dans les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd), vous pouvez vous faire dépister gratuitement de différentes IST, mais aussi vous faire prescrire la PrEP ou un traitement post-­exposition (TPE).

Si vous souhaitez rencontrer un professionnel de santé, les centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) vous reçoivent gratuitement et anonymement. Vous pouvez également y recevoir un suivi médical et psychologique, ainsi qu’un accompagnement dans votre sevrage, y compris dans le suivi des traitements de substitution aux opiacés. Ces structures accueillent également les proches des personnes dépendantes.

En dehors des premiers soins, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogue (Caarud) ne sont pas des lieux dédiés à l’accompagnement médical. Vous pouvez toutefois y trouver du matériel stérile et des informations sur les différentes substances, mais aussi faire tester vos produits. Surtout, les Caarud apportent un soutien aux usagers dans l’accès au logement, et dans l’insertion ou la réinsertion professionnelle.

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En cas d’urgence, n’hésitez pas à contacter le 112, qui fera intervenir le Samu ou les pompiers.

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Illustration : Paul-Antoine Bernardin - Vaadigm Studio