politiqueVIH : Darmanin propose à l'armée d'autoriser le recrutement de gendarmes séropos

Par Nicolas Scheffer le 04/05/2023
Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin

[Info têtu·] Hors toute justification médicale, les personnes séropositives n'ont actuellement pas le droit de devenir gendarmes ou sapeurs-pompiers militaires. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a écrit à son homologue des Armées pour lui proposer de revenir sur cette discrimination sérophobe.

Les associations attendent de longue date la fin cet anachronisme discriminatoire. Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont exclues du recrutement au sein des gendarmeries ainsi que des casernes de sapeurs-pompiers qui dépendent du ministère des Armées (ceux de Paris et les marins-pompiers de Marseille). Selon nos informations, le ministère de l'Intérieur a écrit ce 2 mai à celui des Armées lui enjoignant de faire cesser "à très brève échéance" cette discrimination, anticipant de quelques mois une décision du Conseil d'État.

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Concrètement, au moment de leur embauche, les gendarmes et les sapeurs-pompiers militaires se voient attribuer un coefficient d'état de santé. Selon les règlements actuels du ministère des Armées, les séropositifs doivent être affublés d'un coefficient de trois à cinq qui les exclut de fait du recrutement. "Cet état de fait lié au statut de militaire et aux contraintes qu'il impose, semble devoir évoluer", écrit laconiquement le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à son homologue des Armées, Sébastien Lecornu, dans le courrier que nous avons pu lire. Cette restriction ne se base en effet sur aucune justification médicale : les traitements antrétroviraux ont évolué de telle manière qu'une personne traitée ne transmet pas le virus, même par le sperme ou le sang. Et l'état de santé global de ces personnes est aujourd'hui comparable à celui d'une personne séronégative au VIH.

Mais à quoi pense le Darmanin nouveau ?

En novembre 2020, sept associations, parmi lesquelles Flag!, qui défend les agents LGBT+ du ministère de l'Intérieur, avaient déposé une requête devant le Conseil d'État contre cette discrimination à l'embauche. "Au cours de la journée d'audience des associations, le Conseil d'État semblait pencher de notre côté. La jurisprudence du Conseil indique que des mesures restrictives doivent être évaluée individuellement et ne pas être catégorielles", indique à têtu· Étienne Deshoulières, avocat de Stop homophobie, association qui s'est constituée partie civile dans ce dossier. La décision du Conseil d'État, attendue d'ici à la fin de l'année, pourrait donc intervenir après le changement règlementaire, souligne l'avocat, puisqu'"il suffit d'un arrêté signé par le ministre pour mettre à jour ces conditions de recrutement".

Il y a six mois, en décembre 2022, le ministère de l'Intérieur avait mis fin à cette discrimination dans les rangs de la police nationale, mais le ministère des Armées n'avait pas suivi. De son côté, Gérald Darmanin s'est découvert depuis deux semaines une fibre LGBT-friendly, lui qui s'était opposé en 2013 – tout comme Sébastien Lecornu – à l'ouverture du mariage aux couples homosexuels. "Je me suis trompé. Si c’était à refaire, je voterais le texte du mariage pour tous", a-t-il déclaré à La Voix du Nord pour les dix ans du mariage pour tous, avant d'annoncer une série de mesures destinées à mieux lutter contre les violences LGBTphobes. Tandis qu'Élisabeth Borne travers une mauvaise passe et que lui n'a jamais caché ses ambitions, Gérald Darmanin se souvient peut-être du sort d'une certaine Catherine Vautrin, qu'Emmanuel Macron avait d'abord choisie pour être sa Première ministre après sa réélection, avant que le rappel de ses positions homophobes passées ne coûte Matignon à la dame…

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Crédit photo : Bertrand Guay / AFP