Aline Laurent-Mayard signe un nouveau podcast pour aider les parents dans l’apprentissage d’une éducation non genrée, et nous explique sa démarche.
Si les bienfaits d’une éducation dégenrée ne sont plus à prouver, les ressources pour aider à la mettre en place restent assez rares. Dans son nouveau podcast “Bienvenu·e bébé”, Aline Laurent-Mayard s’empare de cette question pour apporter des solutions concrètes aux parents, et plus largement aux adultes.
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“Avec Paradiso media, on a commencé à y penser à la fin de ma grossesse parce que ce sont des questions qui m’habitent depuis maintenant cinq ans”, raconte Aline. Déjà autrice du podcast “Free From Desire, comment l’asexualité m’a libéré·e”, elle revient cette fois-ci avec des interrogations autour de la manière d'élever au mieux son enfant dans une société binaire où le couple hétéro cis reste vu comme la norme. Une suite logique au podcast précédent, où l’on suivait son parcours jusqu’à sa grossesse. “À la naissance de Jo, j'avais du mal à voir le bébé comme un être genré, à sortir le ‘bon’ pronom. Pour moi, Jo est juste un bébé qui aura tout le temps de grandir et de découvrir son identité.”
Expériences croisées
Pour réaliser ces neuf épisodes, Aline Laurent-Mayard a pris soin de bien s'entourer : Gabrielle Richard, sociologue lesbienne et parent de deux enfants, Martin Page, écrivain non-binaire et parent d’un enfant, et Renée Greusard, journaliste, autrice et parent de deux enfants. “Je ne voulais pas que ce podcast tourne autour de mon expérience personnelle, reprend Aline. Je voulais d’autres avis, d’autres personnalités qui puissent m’accompagner dans ma réflexion et donc, de fait, dans la réflexion de toutes les personnes qui vont écouter ce podcast. Je ne voulais pas non plus que ce podcast soit une injonction, mais une réflexion collective.” Sur un groupe WhatsApp, les quatre échangent et discutent de l’éducation de leurs enfants, qui ont aussi la parole dans ce podcast. Leurs craintes, leurs doutes, leurs erreurs mais aussi leurs réussites sont décortiquées sans jugement et avec une grande bienveillance.
“Il y a quelques années, j’ai découvert qu’aux États-Unis et au Canada certains parents n’assignent pas de genre à leur enfant”, explique Aline dans son podcast. Ce sont les enfants eux-mêmes qui revendiquent leur genre vers 4-5 ans. Cette "parentalité créative du genre" l’interroge et, au fil des épisodes, Aline donne des pistes pour essayer de l’adapter au contexte français. Espérant qu'à terme, le genre ne sera plus qu’une donnée qui relève de l’intimité de chaque personne et non la clé de voûte de l’éducation telle qu’elle est pensée aujourd'hui.
“Moi, je suis une personne agenre et la notion même de genre n’a jamais été quelque chose qui m’a parlé. À travers l’éducation que je donne à Jo, mais aussi à travers ce podcast, mon idée est d’expliquer pourquoi et comment on pourrait élever nos enfants en les protégeant de cette binarité de genre qui est néfaste pour toustes. Faire ce podcast a aussi beaucoup aidé à me déculpabiliser, détaille-t-elle pour têtu·. Je me suis dit que mon enfant n’allait pas mourir si, parfois, j'utilisais le masculin générique, des termes sexistes ou que je n'avais pas l'énergie de lui faire comprendre que telle ou telle histoire est sexiste. Ou à l'inverse, si j'utilisais des mots comme iel ou toustes.”
Réflexion sur le genre
Aline interroge ainsi également la création du langage, va à la rencontre de spécialistes et donne la parole à des enfants trans, ou à l'expression de genre atypique, qui décrivent leur rapport au genre. L'apprentissage de la binarité de genre arrive tôt et elle peut déstabiliser. Dans l’un des épisodes, un des enfants entre ainsi dans une colère noire parce qu'il n’arrive pas à comprendre les normes binaires de genre.
Reste qu’avec les meilleures volontés possibles, les enfants vont rencontrer des adultes qui vont les genrer. “Autour de moi, je connais de nombreux parents qui font le même constat. Malgré leur éducation, leurs enfants sont rattrapés par les stéréotypes de genre, relève Aline Laurent-Mayard dans son podcast. C’était une de mes grandes interrogations, vais-je réussir à ne pas genrer mon bébé ? Et est-ce que les gens autour de moi réussiront à me suivre dans cette démarche ? Comment faire pour que Jo puisse grandir tranquillement et décider plus tard de qui iel a envie d’être ?” Autant d'interrogations qui ont fait naître un podcast pédagogique, tendre et qui, au passage, propose une boîte à outils sur ces questions pour tout le monde, qu'on soit parent ou pas. “On ne sait pas l’influence que l’on peut avoir sur un enfant, ce podcast s’adresse à tout le monde exactement pour cette raison-là. On peut aider un enfant dans son développement même si l’on est pas parent soi-même.”
Bienveillant et non jugeant, ce podcast permet donc aussi de remettre en cause la notion même de genre, construction sociale qui a évolué au fil des siècles. “Notre rôle en tant qu’adulte, c’est d’être là pour montrer aux enfants qu’il y a autre chose que les normes genrées. C’est un podcast pour les parents mais pas uniquement, c’est une réflexion sur comment nos enfants apprennent le genre, résume Aline. Si on part sur de bonnes bases, on aura des générations d’enfants qui seront plus épanouies. On pourra alors lutter contre le patriarcat, et même y mettre un terme.” Et, en attendant d'abattre le patriarcat, peut-être aussi éviter le mal-être de nombreux enfants queers.
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