Nos vies queersUn gay, une hétéro et leur fils de 2 ans : le podcast d'une PMA entre amis

Par Tessa Lanney le 09/05/2023
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Le podcast "Un papa, un maman" suit la PMA de deux amis. Florent est gay, Pascale est hétéro, et chacun a reconnu en l'autre le partenaire idoine pour élever un enfant. La journaliste Sixtine Lys raconte leur parcours.

"Un papa, une maman", cette rengaine de La Manif pour tous résonne comme du verre pilé dans les oreilles de tous les militants homosexuels qui se sont battus pour pouvoir accéder au mariage puis à la procréation médicalement assistée (PMA). À travers son podcast du même nom, la journaliste Sixtine Lys détourne ce slogan éculé de l'hétéroparentalité toute puissante. "Un papa, une maman" raconte en effet l’histoire de deux amis, Florent et Pascale. Lui est gay, elle hétéro, et c'est ensemble qu'ils ont conçu Sacha, né le 8 mars 2021. Au fil des onze épisodes, tous deux témoignent de leur parcours, qui aura duré un an et demi et nécessité de nombreux séjours en Espagne, puisque la PMA n’était à l’époque ouverte en France qu’aux couples hétéros.

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Lorsque Pascale, violoniste, rencontre par hasard Florent, comédien, le courant passe immédiatement. Nous sommes en 2017 et, très vite, ce dernier fait part à sa nouvelle amie de son désir de parentalité. Pascale, alors âgée de 45 ans, n'a pas d'enfant, n'ayant pas trouvé le père "idéal", et n'ayant jamais envisagé sérieusement de faire un bébé toute seule. C'est en observant Florent s’occuper des enfants de son compagnon de l’époque, Yann, heureux papa de deux garçons avec un couple de lesbiennes, qu’elle a le déclic. Elle et Florent se lancent dans l’aventure, réfléchissent à la marche à suivre, à la meilleure configuration pour l’enfant, pensent chaque détail… "Il s’agit d’une grossesse tardive, ce qui signifie une PMA avec un don d’ovocytes, de longs traitements hormonaux, des examens à rallonge, explique la journaliste. Mais une fois que son désir d’avoir un enfant avec Florent est né, elle ne pouvait plus reculer. C’était devenu presque urgent, elle le désirait plus que tout." Au-delà de 50 ans, impossible de faire une FIV (fécondation in vitro), et ce dans n’importe quel pays d’Europe. Pour Pascale, c’est donc la tentative de la dernière chance. Quant à Florent, "ça fait des années qu’il propose à des copines, et des années qu’on lui répond 'peut-être', 'plus tard'."

Une famille queer d'aujourd'hui

Quand Florent rencontre Pascale, il sort avec Yann depuis dix ans. Une relation fondamentale pour le comédien, qui découvre avec lui sa sexualité et, par la même occasion, la parentalité queer. Si les deux hommes se séparent durant le parcours PMA – sans que ce projet ait joué un rôle dans leur rupture –, l'expérience de Yann leur servira de référence. À un détail près. Ce dernier voit ses enfants un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, les mamans en ayant la garde principale. Florent et Pascale souhaitent de leur côté partager équitablement la charge parentale.

Sixtine Lys précise : "Ils étaient ultra-préparés, étaient suivis par un psychologue, plusieurs sages-femmes, ont fait des séances d’haptonomie pour que – comme ils n’habitaient pas ensemble – Florent puisse créer un lien avec le bébé dans le ventre. Et puis le fait qu’il n’y ait pas de passion, c’était un avantage." Depuis, Sacha partage son temps entre ses deux parents, qui vivent séparés. "Sauf qu’ils ne sont pas divorcés et qu’ils s’entendent très bien, souligne la journaliste. Ils font régulièrement des activités tous les trois et passent deux à trois nuits par mois sous le même toit, partent en vacances, font Noël et les anniversaires ensemble. C'est une famille." Pascale et Florent ne prétendent pas pour autant vivre dans un monde de bisounours. Comme tous parents, ils ont des différends, et se séparer de Sacha les premiers mois fut difficile pour chacun d'eux, comme ils le relatent dans l’épisode 8.

La coparentalité expliqué aux enfants

Même si leur entourage a soutenu leur projet de coparentalité, tout ne fut pas simple. "Pascale était suivie par plusieurs médecins à qui elle n'avait rien raconté, de peur qu’on la juge ou qu’on refuse de la prendre en charge, détaille le podcast. Et même à l’hôpital, le jour de l'accouchement, Florent et elle n’ont pas osé dire qu’ils n’étaient pas un couple." À la crèche, si le personnel avoue tout d'abord nourrir quelques inquiétudes, celles-ci sont rapidement balayées par l'épanouissement manifeste de l'enfant.

La suite, le duo parental l'aborde sereinement. Afin d'expliquer leur situation familiale à l'école, Yann et ses coparentes s'étaient présentés devant la classe de leurs enfants. "Ils ont expliqué que les petits avaient deux mamans et un papa. Leurs camarades l'ont immédiatement enregistré et il n'y a eu aucun problème." Une réaction rassurante pour Pascale et Florent, qui reconnaissent bénéficier d'un certain privilège. "Le truc, c'est qu'ils ont l'air d'un couple hétéro classique, soulève Sixtine. De l'extérieur, on voit un papa et une maman." Bien sûr, si les gens creusent, "ils découvriront que Sacha n'est pas né d'un couple amoureux mais d'un couple parental". Un modèle que les heureux parents continuent d'explorer, d'adapter et de modeler pour le bien-être de leur fils.

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Crédit photo : Alberto Casetta via Unsplash