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magazineAmours d'été au cinéma : 12 films LGBT à voir durant les vacances

Par Didier Roth-Bettoni le 14/08/2023
"Été 85", de François Ozon

Article à retrouver dans le têtu· de l'été disponible chez vos marchands de journaux, ou sur abonnement] Quasiment un genre en soi, les amours d'été au cinéma sont autant de récits d'émancipation et d'apprentissage. On vous propose d'en découvrir une douzaine, de Krampack à Fire Island, en passant par Call me by your name.

Dans les amours d’été flotte un je-ne-sais-quoi qui rappelle l’adolescence : la légèreté, l’exacerbation des sentiments, la découverte du désir… Et puis ce soleil qui inonde tout et sublime les corps ; tout semble plus simple dans la chaleur estivale, en particulier assumer son homosexualité, si l’on en croit les films qui font de ces romances saisonnières autant de récits d'émancipation.

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Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi, loin de là. Quand émerge un cinéma réellement queer après les émeutes de Stonewall, l’heure est aux films militants, expérimentaux, avant-gardistes. Quel intérêt peuvent bien représenter pour l’époque les romances estivales entre garçons ou entre filles ? Le temps est à la revendication, à l’affirmation identitaire et communautaire. On peut parler sexe, sinon : la légalisation de la pornographie au début des années 1970 aux États-Unis fait de ce genre un vecteur militant, tranchant avec les représentations antérieures d’une homosexualité malheureuse, vécue à la va-vite dans des lieux clos, sombres et le plus souvent sordides. Dans le porno, les rencontres (entre hommes) sont joyeuses, le sexe épanoui. 

Le New Queer Cinema et les ados LGBT

Le tournant s’effectue dans les années 1990. Aux États-Unis apparaît le New Queer Cinema, dont les réalisateurs (Gus Van Sant, Gregg Araki, Rose Troche…) vont s’intéresser, entre autres thèmes tabous jusque-là, aux désirs et à la sexualité des ados LGBTQI+. En France, après le succès d’André Téchiné et de ses Roseaux sauvages (1994), des cinéastes n’hésitent plus à affirmer leur identité sexuelle et à en faire le sujet de leurs films. À mesure que la société évolue apparaît alors un cinéma gay et lesbien consensuel, réconfortant, offrant des modèles d’identification rassurants dans le cadre de tendres romances ensoleillées souvent doublées de coming out.

Et si l’été est bien la saison de l’insouciance et des possibles, celle qui rend plus simple de céder à ses pulsions – en échappant aux regards des familles, en étant loin de l’école, du travail, loin du regard et du jugement de nos connaissances –, ses amours sont aussi des fleurs fragiles qui passent rarement la saison. Cruel summer… Les films d’amour de vacances prennent dès lors souvent la forme de récits d’apprentissage et de formation, où les jeunes gays et lesbiennes découvrent le bonheur d’être enfin soi, mais aussi, parfois, la douleur de la séparation, autant d’étapes incontournables pour grandir. 

Krampack (Cesc Gay, 2000)

Nico et Dani, 17 ans et puceaux, sont les meilleurs copains du monde qui, durant les vacances, vont à la plage draguer les filles. Mais tandis que Nico tombe amoureux de l’une d’elles, Dani préfère les soirées “krampack” avec son pote, c’est-à-dire des séances de branlette réciproque… Ce qui est très joli ici, c’est la légèreté de cette relation, cette absence de drame dans la manière dont Nico réagit aux désirs de son ami, même quand celui-ci lui propose de l’enculer. Rien ne semble pouvoir ébranler la solidité de leur amitié fusionnelle.

Presque rien (Sébastien Lifshitz, 2000)

Cendre de lune petite bulle d’écume / Je bande et je t’encule…” chante Stéphane Rideau en faisant l’amour à Jérémie Elkaïm sur une plage bretonne déserte. Ce détournement coquin du tube de Mylène Farmer pourrait laisser croire que Presque rien est une comédie solaire autour de la rencontre inattendue et passionnelle de deux garçons. Si le film de Sébastien Lifshitz peut en effet l’être de prime abord, il change de ton lorsque sonne l’heure de la séparation et du changement de saison, devenant un récit mélancolique et douloureux, où domine la grisaille.

Summer Storm (Marco Kreuzpaintner, 2004)

Sur fond de compétition d’aviron et de rivalités sportives, c’est un jeu de la vérité qui se déroule cet été-là. Car la présence, parmi les participants, d’une équipe LGBTQI+ met à nu les secrets enfouis de leurs concurrents. D’ailleurs Tobi a bien du mal à garder pour lui les sentiments qui l’agitent depuis toujours pour Achim, son meilleur ami. Si le film est une sorte de conte sans vrais méchants, où l’homophobie se résout d’elle-même, difficile de ne pas tomber sous le charme de ces ados aux désirs parfois confus, et en particulier de Tobi, qui apprend à s’accepter.

My Summer of Love (Pawel Pawlikowski, 2004)

Alors qu’une jeune fille d’un milieu modeste fait la connaissance d’une héritière de bonne famille, se noue entre elles une relation passionnée faite de désir, de fascination, de révolte, mais aussi de manipulation et de violence, qui s’achève avec l’été… Film à la beauté plastique évocatrice des sentiments exacerbés de ses héroïnes, My Summer of Love semble néanmoins se clore sur un retour à une morale et à un ordre qui laissent un goût amer.

Naissance des pieuvres (Céline Sciamma, 2007)

À la piscine, la jeune et frêle Marie tombe sous le charme entêtant de Floriane (Adèle Haenel), plus grande et plus âgée. Mais ce jeu à deux se joue en réalité à trois, puisqu’une adolescente vient troubler leur histoire naissante. Pour son premier long-métrage, Céline Sciamma met en scène ces découvertes tourmentées de l’amour et du plaisir, avec une maîtrise qui annonce déjà une grande réalisatrice.

Shelter (Jonah Markowitz, 2007)

Quand il n’aide pas sa sœur à élever son fils de 5 ans, Zach surfe avec son copain Gabe, dont le frère aîné débarque à l’occasion d’une compétition. Sans crier gare, Zach tombe amoureux. Et c’est réciproque. Mais la force de ce film, qui bénéficie de la splendeur des plages de San Pedro (Los Angeles), réside dans les obstacles que doit affronter son personnage : qu’il s’agisse de sa propre homophobie intériorisée ou de celle, très violente, de sa sœur, qui lui reproche de ne pas être un modèle pour son neveu. Jusqu’à un happy end sous forme de famille heureusement recomposée.

Hawaii (Marco Berger, 2013)

Deux amis d’enfance se retrouvent par hasard : Martin cherche un job pour l’été, Eugenio propose de l’embaucher. Auteur majeur du cinéma gay contemporain, l’Argentin Marco Berger n’a pas son pareil pour filmer les rapprochements des corps et le vacillement des désirs informulés, comme lors de cette belle séquence de retrouvailles entre les deux hommes, dont la gêne est palpable sans qu’on sache pourquoi : leur différence de situation sociale, la distance créée par le temps, la résurgence de leurs anciens sentiments… Une nouvelle fois, Berger capte le ballet de ces deux jeunes hommes pris dans la bourrasque estivale de leurs sentiments.

Entre les roseaux (Mikko Makela, 2017)

Leevi, jeune citadin finlandais, rentre dans sa campagne natale afin d’aider son père à restaurer le chalet familial. Au cours de cet été laborieux, il fait la rencontre d’un réfugié syrien embauché sur le chantier. Ce beau film contemplatif et sensuel, dont les scènes d’amour ont lieu dans une nature magnifique, lie sa romance à une problématique politique forte et contemporaine : le sort des réfugiés en Europe.

Call Me By Your Name (Luca Guadagnino, 2017)

Dans une grande villa italienne, le temps d’un été, naît une attirance entre Olivier et Elio. Le premier commence par se refuser avant d’accepter le jeu de la séduction : chahut sexy au bord d’une rivière, poursuite autour d’une fontaine… Succès international porté par le charismatique Timothée ChalametCall Me By Your Name voit s’épanouir cette romance radieuse.

Été 85 (François Ozon, 2020)

Vingt-quatre ans après Une robe d’été, un court-­métrage lumineux et plein de joie, François Ozon en signe une version longue et sombre avec Été 85, qui commence dans la légèreté d’un coup de foudre entre deux jeunes estivants avant de virer au drame de façon inattendue. Un conte cruel sur la jeunesse au dénouement ambigu, propre au réalisateur.

Fire Island (Andrew Ahn, 2022)

Un groupe d’amis gays débarque sur Fire Island, le Mikonos newyorkais, pour une semaine de détente, de fête, de drague et pourquoi pas de rencontres amoureuses impromptues… Comédie désinhibée jouant à fond la carte des clichés liés à la vie gay, cette production Disney s’en affranchit toutefois pour montrer une communauté très diverse et inclusive.

Three Months (Jared Frieder, 2022)

Pour l’instant inédit en France, Three Months se déroule en Floride, à l’été 2011. Caleb, la vingtaine, dont le préservatif a craqué durant le dernier rapport sexuel, doit attendre trois mois pour faire un test VIH. Encouragé par son médecin à participer à un groupe de soutien aux personnes séropositives, il y fait la rencontre du timide Estha. Caleb est très à l’aise avec sa sexualité, mais ce n’est pas le cas de son nouvel amant… Si le charme de Caleb doit beaucoup à la grâce de son interprète, le musicien Troye Sivan, c’est bien le personnage d’Estha qui nous touche le plus, perdu entre ses désirs et sa peur de déplaire à sa famille hindoue.

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Crédit photo : Diaphana Distribution