Après avoir élu un président pro-Zemmour qui a dû démissionner au bout de quatre jours, l'association LGBTQI+ d'agents des ministères de l'Intérieur et de la Justice a porté à sa tête sa première présidente, en la personne de Vanessa Ricoul, issue du corps des sapeurs-pompiers. Rencontre.
Élu avec onze voix contre huit, Michel Leguéret, nouveau président de Flag!, prend la parole devant le conseil d'administration qui vient de l'adouber. Ce mercredi 23 août, devant les militants de l'association LGBTQI+ d'agents des ministères de l'Intérieur et de la Justice, il évoque pour la première fois un sujet sensible : sa proximité avec Éric Zemmour qu'il dit révolue depuis la transition de genre de son fils. La réunion terminée, pendant quatre jours, les téléphones chauffent jusqu'à ce que sous la pression des adhérents, Michel Leguéret finisse par démissionner. Le lendemain, une réunion de crise est convoquée au cours de laquelle Vanessa Ricoul, commandant de sapeurs-pompiers de l'Aisne, est élue à l'unanimité.
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"C'était malhonnête de la part de Michel de nous avoir indiqué seulement après le vote quelque chose dont il savait que cela allait desservir l'association. D'autant plus qu'il s'attendait manifestement à ce que cela change le vote", souffle lorsque nous la rencontrons la nouvelle présidente. Au-delà de l'absurdité de se choisir un président qui a soutenu un opposant acharné des droits LGBTQI+, Flag! a inscrit dans ses statuts que l'association est apartisane et asyndicale. Ainsi, alors que Michel Leguéret a assuré, dans un premier temps, qu'il resterait administrateur, Vanessa Ricoul indique son départ.
Flag! divisée
Adhérente à Flag! depuis quatre ans, Vanessa Ricoul milite aussi pour le centre LGBTQI+ de Reims, où elle vit depuis une vingtaine d'années. Après la polémique de la semaine dernière, l'une de ses priorités sera de ressouder une association divisée : d'un côté, des lanceurs d'alerte ne comprennent pas que la démission de Michel Leguéret ait mis quatre jours à venir, de l'autre l'éphémère président pro-zemmour a encore des soutiens dans l'association. "Ces derniers temps, une forme d'entre-soi s'est formé, reconnaît la présidente de 43 ans. Mais tout le monde doit se concentrer sur l'objectif de l'association : venir en aide à des personnes victimes de discriminations." Première étape, un conseil d'administration doit se réunir le 11 septembre. Il pourrait rebattre les cartes et remettre au vote des adhérents les postes au conseil d'administration, revendication d'une lettre ouverte publiée durant le week-end.
Deuxième priorité : "Rassurer les partenaires extérieurs", souligne la présidente. Depuis plusieurs années, l'association s'est professionnalisée, notamment en dispensant des formations. D'ailleurs le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a promis de former l'ensemble des agents des forces de l'ordre, soit 250.000 personnes contre 7.000 actuellement chaque année. "Nous devons être au rendez-vous d'une revendication qu'on porte de longue date", s'enthousiasme la présidente. Elle promet également de multiplier les occasions de convivialité, notamment dans les régions.
Plusieurs harcèlements
Pendant sa jeunesse dans les Ardennes, à Charleville-Mézières, Vanessa Ricoul – très favorable à la panthéonisation d'Arthur Rimbaud – a été victime de harcèlement scolaire. Une fois adulte, alors qu'elle était enceinte de son premier enfant, elle a passé une agrégation de lettres moderne – classée 3e sur 120, s'il vous plaît – pour devenir enseignante à Reims avant de s'engager comme sapeurs-pompiers il y a dix ans, d'abord volontaire puis professionnelle. Quand elle enseignait au lycée, lors des débats sur le mariage pour tous, elle ne supportait plus les remarques lesbophobes des parents d'élèves. Ainsi, après qu'un élève lui eut fait remarquer qu'il l'avait vue dans l'espace public en train d'embrasser une femme, la professeure a écopé d'un contrôle fiscal. La mère d'élève ne faisait pas que tracter en faveur de la Manif pour tous, elle était également inspectrice des impôts…
Tout cela, c'est derrière, assure la nouvelle présidente de Flag!. Et si sa propre mère a eu des mots durs à son égard lors de son coming out à l'âge de 19 ans, elle boit désormais son café dans une tasse floquée du logo de l'association. Le 20 mai dernier, à quelques jours des dix ans du vote de la loi Taubira, Vanessa s'est même mariée avec sa femme. "Le premier mariage homo en tenue de pompier ! Mon chef m'avait donné l'autorisation, sourit-elle en sortant les photos de la cérémonie sur son téléphone. Emmener des personnes venus d'horizons si différents à mon mariage, c'est ma fierté et mon militantisme." Elle ambitionne désormais de faire la même chose avec l'association qu'elle dirige.
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Crédit photos : Vanessa Ricoul