Ce n'est pas la première fois que le corps d'un homme gay est exhumé et fait l'objet d'actes de barbarie dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. L'écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021, avait écrit sur ce phénomène dans son roman De purs hommes.
La haine des hommes qui aiment les hommes, jusqu'après la mort. La justice sénégalaise a ouvert une enquête après l'exhumation, ce samedi 28 octobre, du cadavre d'un homme qui a ensuite été traîné et brûlé en place publique par "des hommes non identifiés", a déclaré le procureur de la République, Abasse Yaya Wane. Lequel a ajouté : "Ces actes d'une extrême gravité, relevant de la barbarie, interpellent les autorités et ne peuvent rester impunis. Une enquête est ouverte afin d'identifier les auteurs et engager contre eux des poursuites pénales".
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L'autorité judiciaire ne donne pas de précisions sur l'identité de l'homme qui avait été enterré vendredi au cimetière de Kaolack, à 200 km au sud-est de Dakar, mais plusieurs médias locaux rapportent que son corps a été exhumé car il était gay. Beaucoup de personnes ont filmé la scène avec leur téléphone portable. Les vidéos, qui font froid dans le dos, ont été relayées sur les réseaux sociaux et par des médias locaux. Elles montrent une foule de plusieurs centaines de personnes massées, de nuit, dans la rue autour du feu où brûle le cadavre.
Haine des "goor-jigeen"
L'homosexualité au Sénégal, pays majoritairement musulman et conservateur, est un délit pénal passible de cinq ans de prison, et la haine des "goor-jigeen" – le terme wolof péjoratif pour désigner les homos – y est répandue. Bien que rares, l'exhumation et les actes de barbarie sur la dépouille d'une personne présentée comme homosexuelle ne sont pas une première. Le romancier sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021, évoque ce phénomène dans son roman De purs hommes, publié en 2018. Au moment de sa distinction, l'écrivain avait d'ailleurs subi pour ce livre une intraitable campagne de lynchage virtuel dans son pays natal, notamment sur Facebook et Twitter, mais aussi sur plusieurs chaîne de télévision privées.
Sur place, les homosexuels se plaignent d'une montée des agressions et propos homophobes ces dernières années, un certain nombre fuyant le pays pour échapper aux discriminations. Le président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012, tient lui-même régulièrement des propos homophobes. En 2021 et 2022, des milliers de personnes avaient manifesté dans la capitale, Dakar, pour réclamer un renforcement de la répression de l'homosexualité.
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Dans un texte poignant publié sur le site Seneplus, qui a par ailleurs annoncé l'arrestation de 13 personnes dans le cadre de cette enquête, l'auteur de De purs hommes est revenu sur cette nouvelle "odieuse vidéo". "Cet homme s’appelait C.F. (je ne garde les initiales que par pudeur ou respect pour sa famille, mais je dis intérieurement son nom). On le soupçonnait d’être homosexuel – c’est le crime. Pour cette raison, parce que la contre-nature présumée de son cadavre menaçait de souiller le cimetière, on l’a déterré et brûlé en place publique – voilà le châtiment", écrit Mohamed Mbougar Sarr, qui ajoute : "Je ne me fais aucune illusion : aussi répugnants soient-ils, des faits de cette nature se reproduiront. (…) Car depuis toujours trop d’Hommes, dans ce pays, se prennent provisoirement pour Dieu, et parlent pour Lui, et jugent pour Lui."
Illustration : manifestation anti-homosexualité à Dakar en 2021 – crédit : Seyllou / AFP