politiqueLe Sénat vote la reconnaissance des condamnés pour homosexualité

Par Nicolas Scheffer le 22/11/2023
Sénat

Le Sénat a voté à l'unanimité des voix exprimées une proposition de loi reconnaissant la responsabilité de la République française dans les "souffrances" et "traumatismes" subis par les homosexuels condamnés jusqu'en 1982 en vertu de lois discriminatoires. La droite a en revanche empêché le principe de réparation des victimes.

"Cette politique passée fait honte à notre République." Les mots sont du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, au perchoir du Sénat. Ce mercredi 22 novembre, la Chambre haute a voté une proposition de loi visant à réhabiliter les gays condamnés pour homosexualité en vertu des lois discriminatoires qui ont eu cours en France jusqu'en 1982. Porté par le sénateur socialiste de l'Hérault, Hussein Bourgi, le texte a été approuvé à l'unanimité des voix exprimées (343). Il doit encore trouver une majorité à l'Assemblée nationale pour être promulgué.

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"Il y a des lois qui ne souffrent ni la controverse, ni la polémique", s'est félicité au perchoir Hussein Bourgi. Le Sénat a approuvé le texte limité à un seul article : "La République française reconnaît sa responsabilité du fait de l'application [de dispositions pénales] à compter du 8 février 1945, qui ont constitué une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle (...) Elle reconnaît que ces dispositions ont été sources de souffrances et de traumatismes pour les personnes condamnées, de manière discriminatoire, sur leur fondement".

La droite contre les réparations

La droite a tout de même fortement limité le texte en refusant toute forme d'indemnisation, prévue par le texte initial (une allocation de 10.000 euros et 150 euros par jour de privation de liberté). "La loi d'amnistie en 1982 a effacé ces condamnations et la prescription civile est dépassée", a justifié le rapporteur du texte, Francis Szpiner (LR). À propos des préjudices comme la perte d'emploi ou l'opprobre sociale, le sénateur a rejeté à la responsabilité à "l'ensemble de la société". De même, l'article visant à créer un délit de négationnisme de la déportation homosexuelle a été rejeté. "Nous souhaitons que ce texte puisse évoluer à l'Assemblée nationale", a précisé le sénateur PS du Nord Patrick Kanner.

Le socio-historien Régis Schlagdenhauffen a recensé 10.000 condamnations au sein du Compte général de la justice, mais estime que ce chiffre reste très en dessous de la réalité car les statistiques sont lacunaires et les dispositions utilisées multiples. Selon ses recherches, le Trésor public a encaissé l'équivalent de 6 millions d'euros grâce aux amendes liées à ces condamnations.

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