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EuropeL'Autriche projette de réhabiliter et indemniser les gays condamnés pour homosexualité

Par Nicolas Scheffer le 02/11/2023
La Pride 2019 de Vienne en Autriche.

Dans son projet de budget pour 2024, le ministère de la Justice autrichien prévoit 33 millions d'euros pour indemniser financièrement les gays condamnés en vertu des lois homophobes en vigueur dans le passé.

"Cela ne pourra pas compenser les souffrances, mais en tant qu'État, nous assumons la responsabilité de l'injustice." Par ces mots publiés sur X (Twitter) le 19 octobre, Alma Zadić, ministre de la Justice d'Autriche, a annoncé vouloir "réhabiliter entièrement et indemniser financièrement" les homosexuels injustement condamnés dans le pays jusqu'en 2002, date à laquelle les dernières dispositions juridiques anti-gays ont été supprimées. La ministre, du camp des écologistes, estime à 11.000 le nombre de personnes éligibles à cette réparation. Le texte, inclus dans le projet de budget 2024 du pays, doit encore être adopté par le Parlement.

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En Autriche, l'homosexualité a été formellement décriminalisée en 1971 mais des dispositions discriminatoires ont encore perduré par la suite, permettant de poursuivre des gays. Ainsi de la majorité sexuelle, fixée à 14 ans pour les relations hétérosexuelles et lesbiennes quand elle était portée à 18 ans pour les relations entre hommes. Par ailleurs, si la prostitution était autorisée entre personnes de sexe opposé ou entre femmes, elle était interdite jusqu'en 1989 en cas d'homosexualité masculine. La participation à une association LGBTQI+ est restée interdite jusqu'en 1996, en tant que "publicité pour la fornication avec personne de même sexe ou avec des animaux". Ce n'est qu'en 2002 que la dernière disposition homophobe du droit autrichien est tombée, quand l'âge de la majorité sexuelle a été égalisé à 14 ans après une décision de la Cour constitutionnelle. La dernière arrestation pour ce motif date de 2001.

Réhabilitation en Allemagne et en Espagne

Aujourd'hui, le ministère de la Justice veut annuler toutes les condamnations qui n'auraient pas eu lieu si leurs victimes avaient été des personnes hétérosexuelles. Il prévoit par ailleurs 33 millions d'euros pour compenser financièrement les victimes de cette homophobie d'État, détaille l'agence Euronews : 10,8 millions en 2024 puis 3 millions par an jusqu'à atteindre le total. Concrètement, les jugements annulés pourront donner lieu à un dédommagement de 3.000 euros, 1.500 euros sont prévus pour chaque année passée en prison et 500 euros si une enquête de police a été ouverte. Par ailleurs, les personnes qui ont perdu leur emploi à la suite de telles condamnations pourront être indemnisées jusqu'à 1.500 euros.

Plusieurs pays d'Europe ont déjà ouvert la voie d'une telle démarche. En 2017, l'Allemagne a lancé la réhabilitation et l'indemnisation des victimes du "paragraphe 175" du Code pénal, supprimé en 1994. Cet article prévoyait que "les actes sexuels contre nature qui sont perpétrés, que ce soit entre personnes de sexe masculin ou entre hommes et animaux, sont passibles de prison". Les sommes retenues en Allemagne pour la compensation financière sont les mêmes que dans le projet autrichien. L'Espagne a elle aussi réhabilité les victimes du régime de Franco en 2001. Pendant près de 40 ans jusqu'à sa mort en 1975, des milliers de gays ont été emprisonnés, envoyés dans des camps ou enfermés dans hôpitaux psychiatriques.

En France, à l'occasion l'an dernier des 40 ans de la dépénalisation de l'homosexualité, la Première ministre Élisabeth Borne a répondu favorablement à l'appel de têtu· en promettant de "réparer ce qui peut l'être", y compris financièrement. Une proposition de loi, portée par le sénateur socialiste Hussein Bourgi, doit être débattue en ce sens au Sénat le 22 novembre.

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Crédit photo : AFP / APA-PictureDesk / Herbert Neubauer