Ce mercredi 22 novembre arrive au Sénat une proposition de loi visant à reconnaître, et à leur apporter réparation, les victimes de la répression anti-gay qui eut cours en France de 1942 à 1982. La droite se dit prête, sous certaines réserves, à voter le texte porté par le socialiste Hussein Bourgi.
Le Sénat face à l'histoire de l'homophobie d'État en France. C'est à quelques centaines de mètres de l'endroit où se situait le Manhattan, bar fétichiste emblématique de la question après la descente de police qui l'avait visé le 26 mai 1977, que va être débattue, ce mercredi 22 novembre 2023, une loi visant à reconnaître les victimes de répression anti-gay, et à leur apporter réparation. À l'initiative du sénateur socialiste Hussein Bourgi, la proposition vise à réhabiliter les quelque 10.000 personnes – des hommes dans leur écrasante majorité – condamnées au nom de la loi pénalisant l'homosexualité abolie en 1982.
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"Parce que des vies ont été brisées au nom de lois discriminatoires, nous devons réparer ce qui peut l'être", argue Hussein Bourgi, sénateur de l'Hérault. Son texte reconnaît la responsabilité de l'État français dans les persécutions qui ont visé les gays de 1942 au 4 août 1982, au nom en particulier d'une loi mise en œuvre par le régime de Vichy et qui sera abolie grâce à la députée Gisèle Halimi et à Robert Badinter, ministre de la Justice de François Mitterrand. Il donne en outre la possibilité aux victimes encore vivantes de demander une indemnisation financière pour les préjudices subis. Il s'agit enfin de créer un délit de négationnisme pour qui contesterait la déportation, depuis la France, de personnes LGBT au cours de la Seconde Guerre mondiale.
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La droite
On pourrait croire qu'une telle proposition ne peut pas trouver de majorité dans un hémicycle à majorité Les Républicains (LR). En 1982, en effet, la droite avait fait des pieds et des mains pour empêcher l'adoption de la loi dépénalisant l'homosexualité. Mais Francis Szpiner, issu de la droite conservatrice et nommé rapporteur du texte, appelle ses collègues à le soutenir. "J'espère que le Sénat va voter à l'unanimité ce texte, ce qui représenterait un symbole important", déclare-t-il à têtu·. L'ancien maire du 16e arrondissement de Paris conteste toutefois des points de la proposition : "La République ne peut pas être comptable de ce qu'il s'est passé pendant Vichy. Je souhaite donc que la loi concerne la période 1945-1982 et non avant", souligne l'avocat de profession.
Par ailleurs, le sénateur ne croit pas possible d'indemniser les personnes condamnées : "La prescription civile est dépassée. Créer un précédent ne m'apparaît pas souhaitable". Au moins 10.000 condamnations homophobes ont été recensées par les historiens, et l'auteur de la proposition de loi estime, à partir d'extrapolations des données d'autres pays européens engagés dans la voie de la réparation, que 150 personnes pourraient in fine demander une indemnisation. Par ailleurs, Francis Szpiner rejette la création d'un délit de négationnisme de la déportation homosexuelle. "Des associations poursuivent déjà Zemmour pour négation de la déportation homosexuelle, voter une telle loi indiquerait aux juges que ce n'est pas encore un délit", fait-il valoir.
Le gouvernement s'en remet au Parlement
L'exécutif, lui, s'en remet au Parlement. "Le gouvernement est plutôt dans l’optique de suivre les parlementaires sur ce texte qui vient de chez eux", nous indique une source ministérielle. Répondant à une pétition engagée sur le sujet par têtu·, la Première ministre, Élisabeth Borne, nous disait l'an dernier vouloir "réparer ce qui peut l'être". "Ces condamnations pénales sont un traumatisme et encore aujourd'hui, on en voit les conséquences", reconnaissait-elle à l'occasion des commémorations de la loi du 4 août 1982.
S'il est adopté, le texte devra encore être voté à l'Assemblée nationale, et donc trouver une place à l'ordre du jour contrôlé largement par le gouvernement. "Cela peut aller rapidement", espère le rapporteur. D'autres pays ont entamé une réhabilitation de leurs condamnations anti-gay, comme le Canada, la Norvège, l'Allemagne ou encore, tout récemment, l'Autriche. À la France de reconnaître son histoire !
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Crédit photo : Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons