Dans une décision inédite, la commission de discipline de la Ligue de football professionnel (LFP) a suspendu sans sursis pour quatre matches le joueur de Monaco Mohamed Camara, pour avoir choisi de masquer sur son maillot le symbole de la lutte contre l'homophobie.
Enfin, le football commence à sanctionner l'homophobie dans ses rangs. Ce jeudi 30 mai, la Ligue de football professionnel (LFP) a annoncé la suspension du joueur monégasque Mohamed Camara, qui avait ostensiblement masqué sur son maillot le symbole de la lutte contre l'homophobie lors d'un match dédié de Ligue 1 le 19 mai. Pour ce geste, il écope de quatre matches effectifs de suspension. Il pourra donc continuer à jouer au sein de la sélection nationale du Mali, mais sera suspendu des quatre premières rencontres de la prochaine Ligue 1, qui démarre le 16 août.
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Si le joueur risquait dix matches de suspension, le décision de la LFP fait date. En effet, le seul précédent en Ligue 1 concerne Kevin N'Doram, joueur de Metz qui en août 2023 avait été condamné à un match de suspension avec sursis après des propos homophobes ("On joue comme des tapettes") lors de la mi-temps d'une rencontre face à Marseille. À la fin du match, il avait, lui, présenté des excuses : "Je parlais sous la colère. Je n'aurais pas dû dire ça. Je veux juste présenter mes excuses." Il avait en outre accepté de participer à des ateliers de sensibilisation à la lutte contre les discriminations organisés par la LFP.
L'homophobie jusqu'au bout
Le refus de s'associer aux actions annuelles de lutte contre l'homophobie est devenue une mode depuis quelques années chez les joueurs de foot, mais les instances renâclaient jusqu'alors à appliquer les sanctions prévues. En 2022, le milieu de terrain sénégalais du PSG Idrissa Gueye s'était fait porter pâle lors de cette journée au nom de ses convictions religieuses, et n'avait pas été sanctionné. Tout comme les sept joueurs qui avaient décidé de ne pas jouer contre l'homophobie l'année dernière, parmi lesquels l'avant-centre égyptien du club nantais, Mostafa Mohamed, qui s'était déclaré forfait en invoquant sa "culture" et ses "croyances". Cette année encore, ce dernier était absent du match, bien que ni blessé ni suspendu.
Mohamed Camara, joueur malien, avait lui décidé de jouer le match mais non sans avoir ostensiblement collé des morceaux de "strap" par dessus le logo de la lutte contre l'homophobie floqué sur son maillot, et porté par tous les autres joueurs, arbitres et entraîneurs. Il avait aussi refusé de participer à la photo protocolaire d'avant-match, où les joueurs posaient devant un slogan contre l'homophobie. Le milieu de terrain aurait pu voir sa peine diminuée en acceptant de participer à des actions de sensibilisation contre l'homophobie, mais il a refusé. "Après audition du joueur Mohamed Camara et prenant acte de son refus en séance d'effectuer une ou plusieurs actions de sensibilisation à la lutte contre l'homophobie", la commission de discipline de la LFP "décide de lui infliger quatre matches de suspension ferme", écrit l'instance dans son communiqué.
Mohamed Camara soutenu au Mali
"Nous prenons acte de la décision de la Ligue que nous attendions et nous ne ferons pas appel de cette décision. En tant que club, nous n'étions pas d'accord avec ce qu'il a fait", a réagi Thiago Scuro, le directeur général de l'AS Monaco. "Notre préoccupation était surtout de faire face à cette situation, de rendre la position de notre club claire sur le sujet, et d'expliquer à Mo que son comportement pouvait être différent (...) La lutte contre les discriminations, l'action contre l'homophobie, c'est clair pour nous, c'est également clair pour Mo", a-t-il plaidé. Contrairement au joueur, le club avait présenté ses excuses à la LFP, et n'a pas assisté son footballeur devant la commission, évoquant de potentielles sanctions supplémentaires en interne.
Au lendemain du geste de Mohamed Camara, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra avait déclaré : "Un tel comportement doit faire l'objet des sanctions les plus fermes à la fois contre le joueur mais aussi contre le club qui l'a laissé faire." En revanche, le sportif a reçu le soutien de personnalités maliennes et de nombreux compatriotes sur les réseaux sociaux, au nom du respect de ses convictions religieuses. La Fédération malienne de football lui a également apporté son soutien.
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