interviewArielle Dombasle : "J'ai toujours été du côté des plus sensibles"

Par Franck Finance-Madureira le 12/06/2024
Arielle Dombasle jouant avec une maison Barbie

Avec le pianiste drag Charly Voodoo, Arielle Dombasle a réalisé Iconics, un album qui rend hommage aux grandes icônes féminines.

Elle n’est jamais où on l’attend. Après la sortie à l’automne 2023 de son septième long-métrage en tant que réalisatrice, Les Secrets de la princesse de Cadignan, Arielle Dombasle rend hommage en musique à ses icônes – Bardot, Garland, Beauvoir, Dietrich… – dans Iconics, sorti en mai. Cet album de sept titres aux sonorités électro, réalisé avec le pianiste Charly Voodoo, nous a donné l’occasion d’évoquer avec elle ses inspirations féministes et queers. 

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  • Les icônes, c'est important pour vous ? Vous-même, vous considérez-vous comme l'une d'elles ?

J'aime beaucoup les icônes, déjà. Je les aime religieuses. Je suis iconophile. Elles ont toujours compté immensément. J'ai tellement aimé le catholicisme, et aussi beaucoup à cause de l'iconographie qui y est liée : les Vierges, toute la Renaissance italienne, la peinture italienne… C'est ce qu'il y a de plus beau en architecture également. Les icônes nous aident à exister, à vivre. Mais non, je ne me vois pas moi-même comme une icône. Certains peuvent me voir comme ça, peut-être, à travers des images. Une année, j’ai été choisie pour donner le coup d’envoi du kiss-in à la marche des Fiertés place de la Bastille, à Paris, devant des dizaines de milliers de personnes, et ça m’a rendue extrêmement fière. Parce que c'est l'amour, l'aventure la plus périlleuse et la plus belle de l'existence. Il faut protéger les amoureux ! 

  • Comment est venue l’idée de rendre hommage à toutes ces figures féminines ? 

C'était tout à coup une sorte d'élan, de principe d'admiration, d'éthique de l'admiration en cette période ultra-féministe. Ce sont vraiment des modèles de femmes qui m'ont montré le chemin à suivre. J'ai pensé à toutes ces figures de femmes, aussi bien en littérature qu'au cinéma, dans la musique, qui ont eu un impact, de l'importance. C'est né comme ça. C’est un album sous le signe de la pop et de l'électro. J'avais envie de faire ça avec une trajectoire Barbie-Bardot-Beauvoir.

  • Un des titres de l’album rend d'ailleurs hommage à cette dernière…

Simone de Beauvoir, quand j'étais assez jeune, a représenté comme une espèce d'énorme vague que l'on reçoit et qui nous oblige à envisager la question de la condition féminine. Mémoires d'une jeune fille rangée a été très important pour moi, ça m'a tellement éclairée. J'étais moi-même dans une famille extrêmement rangée, dans les ambassades, un milieu très privilégié, et ce que j'aime tellement chez Simone de Beauvoir, c'est qu'elle est une des premières à dire : peu importe votre sociologie, il faut d'abord combattre pour devenir celui ou celle que vous êtes. On la réduit souvent à la simple compagne de Sartre mais ce que j'aime chez elle, c'est cette foi en elle-même : je deviendrai un très grand écrivain, je vais m'en donner les armes, et sauter toutes ces barricades de préjugés. Ce titre est une sorte d'hymne anti-préjugés et raconte comment y faire face. Les femmes sont encore trop souvent réduites à des stéréotypes, c’est la witch ou la bitch

  • Vous reprenez aussi "Boys in the Backroom", un titre que Marlene Dietrich interprétait dans Femme ou démon en 1939. Pourquoi ce choix ? 

Marlene Dietrich a été pionnière des jeux avec les genres. Le spectre des chansons est à l’image de l'immense spectre, là aussi, de tous ses rôles, de toutes ses métamorphoses. Elle est la première qui ait osé porter un smoking, à s'habiller en homme. Je trouve que c'est une chanson à la fois tragique et très belle. C'est sur la solitude d'une star qui dit que ce qu'il y a de plus précieux, finalement, c'est l'amour et le désir. Le poison de l'amour.  Dans la version originale de Marlène, c'est plus militaire, et Charly en a fait une chose de pure sensualité.

  • C'est vrai que vous avez collaboré avec Charly Voodoo. Comment l'avez vous rencontré ?

Nous avons été présentés par une amie et j’ai vu que, comme moi, il avait une base plutôt classique. On a parlé de Purcell et des airs élisabéthains tout comme de Bach, de Rameau. Il a d’abord composé une ode à la poupée Barbie et c'est comme ça qu'a commencé notre collaboration, avec un clip très amusant, réalisé par Nicolas Prado – le même qui a réalisé "Boys in the Backroom". C'est une merveilleuse créature, un garçon qui est de temps en temps une femme admirable et ravissante, un musicien tellement performant et rare, et qui est notamment celui qui, chez Madame Arthur, accompagne tous les artistes avec grâce et humour… C’est une personne infiniment séduisante, un scintillement de sensibilité. 

  • En regardant ces clips, on voit bien le lien évident entre l’hommage aux icônes et le queer…

C'est un combat totalement commun et totalement homogène. Et en effet, on est à l'ère où heureusement, on peut choisir d'être qui l'on veut. Ce grand mouvement de fond, autour du genre, est un vrai bouleversement. Moi, j'ai toujours été du côté des plus sensibles et il me semble que dans la création comme dans la mode, c'est quand même cette communauté-là qui est la plus effervescente, la moins langue de bois, la plus vive, la plus transgressive, la plus amusante. 

  • Vous avez d'ailleurs toujours professé votre amour pour Cocteau…

Oui ! Le premier livre que j'ai lu de lui, c'est La Difficulté d'être. Et j'ai toujours tellement admiré ces personnages qui sont seuls face au monde, grâce ou à cause de leur sensibilité. Et Dieu sait que Cocteau a payé le prix cher, parce que son personnage a quasiment dévoré l'œuvre. J’avais d’ailleurs réalisé un film, Opium, sur son amour pour Raymond Radiguet, qui m'avait tellement inspirée. Et j'aime ce Cocteau du tout début, extraordinairement vulnérable, un poète, le poète déchiré. Après, peut-être qu'il est devenu un peu trop académique, et il a tellement souffert lui-même de devenir un personnage que l'on pouvait caricaturer.

  • De nouvelles icônes ont émergé depuis quelques années avec la renaissance de la culture drag, cela vous intéresse ? 

Bien sûr. L'imagerie du drag, c'est le pic de l'inventivité, de la mode. Je dirais même que c'est le pic de la représentation féminine. Parce que les femmes n'osent plus, elles sont totalement low profile et qu’il n'y a plus que les drag queens qui osent s'amuser avec les métamorphoses du féminin. Et j'adore ça !

>> Iconics, d'Arielle Dombasle. Album déjà disponible.

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Crédit : Arielle Dombasle

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