cinémaPourquoi "Jennifer's Body" est devenu un film lesbien culte

Par Florian Ques le 18/10/2024
"Jennifer's Body"

Déception commerciale à sa sortie, la comédie d'horreur Jennifer's Body, où Karyn Kusama met en scène les aventures d'une lycéenne androphage, est devenue une œuvre queer chérie par la communauté LGBT+ grâce à son propos féministe et son sous-texte lesbien. Le film est programmé au têtu· ciné-club du 22 octobre, au cinéma Le Brady à Paris.

Une lycéenne populaire se mue en dévoreuse d'hommes après un rituel satanique, et sa meilleure amie, la discrète Needy, va tout faire pour l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard… Quand il sort à l’automne 2009, Jennifer’s Body joue sur la vague Buffy : des femmes badass et du fantastique. Avec le temps, le film est d'ailleurs devenu une œuvre féministe de la pop culture, tout en fédérant une communauté conséquente de fans queers. Mais ce n’était pas gagné d’avance…

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Bien que le film ait été rentable, doublant en recettes son budget initial, Jennifer’s Body demeure un petit raté pour la 20th Century Fox, son distributeur à l'international. La faute à une stratégie douteuse, puisqu'il ciblait en priorité un public masculin et hétéro : le rôle principal de femme fatale avait d'ailleurs été confié à Megan Fox, sex-symbol adorée de la gent masculine depuis le rôle qui l'a révélée dans le blockbuster Transformers. Pour en rajouter une couche, la bande-annonce laissait entrevoir un baiser lesbien entre deux protagonistes : “On savait que ça allait jouer un énorme rôle pour vendre le film”, avait reconnu Amanda Seyfried, l'autre tête d’affiche, dans une interview. Mais, comme le souligne un commentaire éclairé sur YouTube, "le marketing pour ce film faisait complètement fausse route : il se destinait plutôt aux filles et aux gays".

Des "amies" très proches

D'autant plus avec l’impact du mouvement MeToo, Jennifer’s Body happe un public féministe avec cette jeune femme brutalisée bien décidée à se venger des hommes qui la considèrent comme un objet sexuel. Ce sort fait au patriarcat peut évidemment parler à des spectatrices lesbiennes. Mais ce qui les passionne davantage, c’est la relation étroite et ambiguë entre Jennifer et Needy : bien plus que des amies…

Dans les premiers instants du film, leur lien prend surtout des airs d'amitié inégale : Jennifer voit en Needy un faire-valoir facilement manipulable, Needy trouve en Jennifer un modèle de cool capable de lui ouvrir des portes. Mais notre perception initiale change vite, dès lors que Jennifer semble flirter avec son amie à coups de regards appuyés et de sourires en coin. Des déclarations équivoques renforcent notre soupçon. Ainsi, en voyant une Jennifer déboussolée débarquer sur le pas de sa porte après son agression, Needy ne comprend pas sa venue : “Je sais juste que je me suis réveillée et que j’ai trouvé mon chemin jusqu’à toi”, lui répond alors la brune.

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D'autres moments homoérotiques ponctuent l'action du film : une fois devenue succube, Jennifer se glisse une fois la nuit tombée dans la chambre de Needy… "Je ne vais pas te mordre", lui dit-elle d'un ton peu rassurant. Elle lui caresse alors les cheveux avant de s’approcher pour l'embrasser. Un baiser passionné qui s'éternise jusqu’à ce que la blonde reprenne ses esprits. Dans une interview pour Entertainment Tonight à l'occasion du 10ᵉ anniversaire du film, sa scénariste, Diablo Cody, précise qu'elle “avait toujours pensé que Needy était sincèrement amoureuse de Jennifer”. Un béguin réciproque ? C’est ce que pourrait laisser entendre un échange lors de l'acte final, tandis que Jennifer s'attaque violemment à sa meilleure amie : "Je pensais que tu ne tuais que des garçons", s'étonne cette dernière. Et le succube de lui répondre "I go both ways" en version originale ; ce qu’on pourrait traduire par "Je suis à voile et à vapeur", sous-entendant la bisexualité du personnage.

Bien que le film ne comprenne pas d'élans romantiques pleinement assumés ou explicites entre ses deux protagonistes, Jennifer's Body a eu un impact sur son public lesbien. C’est d'ailleurs Megan Fox qui le garantit dans une interview au New York Post en 2021 : "Je ne saurais vous dire combien de filles, trentenaires comme adolescentes, sont venues me voir pour me dire «J'ai réalisé que j'étais gay grâce à toi» ou «J'ai eu le courage de sortir du placard grâce à toi», grâce à Jennifer's Body et aux interviews que j’ai données sur ma bisexualité."

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>> Jennifer’s Body est programmé le mardi 22 octobre à 20h30, dans le cadre du têtu· ciné-club, au cinéma Le Brady à Paris. Réservations juste ici.

Crédit photo : 20th Century Fox

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