Le réalisateur américain David Lynch est mort ce jeudi 16 janvier 2025 à l'âge de 78 ans. Il nous laisse une œuvre onirique qui s'attaque aux tabous et à l'hypocrisie de la société, ainsi qu'une flopée d'œuvres cultes et queers, dont Mulholland Drive et Twin Peaks.
Adolescente de 13 ans, les hormones en ébullition, je recherche discrètement "deux filles qui s'embrassent" sur Youtube, prête à fermer l'onglet au premier signe d'intrusion parentale. Je tombe sur une scène passionnée entre Naomi Watts et Laura Harring… C'est mon premier contact avec Mulholland Drive, et par la même occasion avec le cinéma de David Lynch. Laissant derrière lui des classiques du cinéma queer tels que Twin Peaks ou encore Blue Velvet, le réalisateur américain est mort ce jeudi 16 janvier. Il aurait eu 79 ans le 20 janvier.
"C'est avec un profond regret que nous, sa famille, annonçons le décès de l'homme et de l'artiste, David Lynch. Nous apprécierions un peu d'intimité en ce moment. Il y a un grand trou dans le monde maintenant qu'il n'est plus avec nous. Mais, comme il le dirait, « gardez un œil sur le beignet et non sur le trou ». C'est une belle journée avec un soleil doré et un ciel bleu jusqu'au bout", a informé sur Facebook l'entourage du cinéaste. En septembre 2024, il avait révélé dans le magazine Sight and Sound qu'on lui avait diagnostiqué un emphysème et qu'il était désormais cloîtré chez lui.
Mulholland Drive, une scène de sexe lesbien culte
Considéré comme un monument du cinéma, David Lynch n'aimait rien tant que poser son regard sur les marginalisé·es et les outsiders. Dénonçant avec brio les tabous de la société américaine, il explorait les désirs et la fluidité des identités sexuelles. Que ce soit de façon explicite ou non, l'œuvre du cinéaste, composée de dix longs métrages, résonne donc bel et bien avec le vécu LGBTQI+.
Dans Mulholland Drive, il suit le parcours d'une jeune actrice qui, fraîchement arrivée à Hollywood, va de désillusion en désillusion. Une histoire aux contours surréalistes, bien plus complexe et tortueuse qu'il n'y paraît, et qui nécessite plusieurs visionnages. Un casse-tête onirique, un thriller ou simplement une histoire d'amour qui vaudra à David Lynch une nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur. Et si aujourd'hui la scène torride susmentionnée semble presque désuète comparée aux grosses baises de Love Lies Bleeding ou de Drive Away Dolls, elle reste une référence en la matière.
Les fans de Chappell Roan seront d'ailleurs sensibles à la référence goudou-lynchienne qu'elle a placée dans la chanson "Naked In Manhattan", qu'on vous traduit : "Touche-moi, bébé, pose tes lèvres sur les miennes / On pourrait aller en enfer, mais ça se passera sûrement bien / Je sais que t'en as envie bébé, tu peux l'avoir / Oh, je ne l'ai jamais fait, rendons ça cinématographique / Comme cette scène de sexe dans Mulholland Drive…" Si vous êtes plutôt branché Mylène Farmer, vous avez probablement vu passer sur son album Remix XL le remix par le cinéaste de "Je te rends ton amour".
Derrière les faux-semblants, la vérité de David Lynch
La filmographie du réalisateur comprenait déjà Blue Velvet, un long métrage passablement homoérotique sorti en 1986. Ce film, c'est l'envers du décor des banlieues chics américaines, où les squelettes hantent les placards. On y suit un étudiant qui revient dans sa ville natale après que son père a fait une crise cardiaque. En rentrant de l'hôpital, il tombe par hasard sur… une oreille découpée, et décide de mener l'enquête. Au rendez-vous, du sexe, des kinks SM et une ribambelle de joyeusetés du même genre.
David Lynch, évidemment, c'est aussi la série policière Twin Peaks, en 1990, dont il est co-auteur. Son atmosphère si particulière, au carrefour du drame, du thriller psychologique et même du soap opera, lui assure un énorme succès, au point d'en faire un monument de la pop culture. La vibration queer de la série est en partie portée par le personnage de Denise Bryson, une femme trans incarnée par David Duchovny qui arrive dans la deuxième saison. Un film en sera tiré en 1992, Twin Peaks : Fire Walk With Me, qui a droit à un reboot en 2017 pour Showtime, Twin Peaks : The Return. En 2007, un panel de critiques de cinéma réunis par le Guardian conclut qu'"après discussions, personne ne peut contester la conclusion selon laquelle David Lynch est le cinéaste le plus important de notre époque".
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Crédit photo : David Lynch au Lucca Film Festival, CC Alessandro via Flickr