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cinéma"Drive-Away Dolls", sur la route de l'humour lesbien

Par Tessa Lanney le 03/04/2024
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Drive-Away Dolls est le road movie lesbien qui nous manquait. La nouvelle comédie d'Ethan Coen et Tricia Cooke sort ce mercredi 3 avril, et nous plie en deux à coups de clichés bien sentis.

Bien sûr que les lesbiennes ont de l'humour. Depuis quelques années, nos blagues communautaires se répandent dans la population générale grâce à notre avant-garde dans le stand-up. Avec la sortie en France de Drive-Away Dolls, ce mercredi 3 avril, on passe à la vitesse supérieure : le cinéma. Et cette comédie grand public est le premier film réalisé par Ethan Coen sans son frère.

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Un road-trip, un quiproquo, des gangsters ineptes et une course poursuite loufoque en raison d'une mystérieuse valise… On retrouve les ressorts comiques qui ont fait le succès de Fargo, The Big Lebowski ou encore O'Brother. La différence, c'est Tricia Cooke, qui a coécrit le scénario avec Ethan Coen, par ailleurs son mari. Persuadée d'être exclusivement lesbienne avant de le rencontrer, elle en connaît un rayon sur les vannes intra-communautaires. Elle reprend d'ailleurs avec talent notre humour (que certains considèrent comme détonant et agréablement lourdingue) et décrit comme personne l'ambiance des bars lesbiens des années 1980 – époque où se déroule le film – puisqu'elle y a passé le plus clair de son temps.

"Lorsqu'on place un cliché dans un univers suffisamment fantastique, exagéré, ce n'est plus un cliché, avance la scénariste. La ficelle est tellement grosse, l'effet comique repose là-dessus." Alors Tricia Cooke s'en est donné à cœur joie : le duo d'héroïnes est formé d'une charo qui drague tout ce qui bouge avec des phrases d'accroche télécommandées et d'une introvertie frigide à col Claudine. En route, elles rencontrent une équipe de foot féminine : toutes les joueuses sont lesbiennes, ça couche de partout, à grand renfort de dramas et de disputes sur la garde du chat… Chacune des péripéties du duo glisse sur le spectre lesbien. Butch molosse, sportive coquine, ex en furie, tout y est. D'habitude, quand il y a cliché, on se moque plutôt de la goudou à côté de la plaque, comme dans Gazon maudit. La différence avec ce road movie comique, c'est qu'on a l'impression de se vanner entre nous. Même le contenu de la valise, sans en rien révéler, participe à ce comique absurde lesbien sur la virilité : "L’égo masculin est parfois tellement fragile, comme ces obsessions autour de la taille de leur sexe, qu’il est aisé de le tourner en dérision", note la scénariste.

En manque de comédies lesbiennes

Car notre commu a bien besoin de rigoler. "Il y a toujours un manque de comédies lesbiennes, déplore Tricia Cooke. La plupart des représentations qu'on a sont dramatiques. On sait très bien pourquoi. Mais il faut reconnaitre que, parfois, tout ce sont on a besoin, c'est d'une comédie qui nous débranche de nos malheurs et d'un saut de popcorn." Bottoms, sorti en août 2023 sur Amazon Prime, avait dégainé le premier, à mi-chemin entre une parodie de film de lycée et un Fight club lesbien, tout ce dont les adolescentes que nous étions rêvaient en enviant les puceaux d'American Pie. Mais on restait justement justement dans un univers d'ado, ce qui n'est pas le cas de Drive Away Dolls, dont les personnages ont eu le temps de se frotter au monde queer.

"Les hommes déconstruits sont absents du film"

Le scénario n'a pas attendu l'avènement des films et séries à succès contemporaines type Sex Education, Heartstopper ou encore Young Royals pour voir le jour. Tricia Cooke et Ethan Coen l'ont écrit il y a plus de vingt-cinq ans, sans le transposer à l'époque actuelle. "C'était une période d'innocence, de naïveté qui n'existe plus, explique la scénariste. Internet, ça rend à la fois les gens cyniques et plus malins. Ils ont accès à l'information en temps réel." On a progressé, ne serait-ce qu'en termes de droits, et la masculinité a eu le temps de mûrir. D'ailleurs, "les hommes déconstruits sont absents du film", précise-t-elle.

Sans révolutionner le cinéma, Drive Away Dolls est somme toute un road movie assez traditionnel : un voyage rempli de rencontres et de nouvelles expériences, avec de nombreux retournements de situation et des protagonistes qui sortiront grandies de leur périple. Mais les lesbiennes méritent de prendre le volant, et il faut avouer que deux gouines qui parlent cunni en conduisant, ça a plus de gueule que deux gugus qui se plaignent de leurs bonnes femmes.

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Crédit photo : Universal Pictures

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