écrans"Les Ailes collées" sur France 2 : un premier amour face à l’homophobie

Par Thomas Desroches le 09/05/2025
"Les Ailes collées", un film de de Thierry Binisti.

En vue de la Journée mondiale de lutte contre les LGBTphobies, le 17 mai, France 2 programme Les Ailes collées, un téléfilm de Thierry Binisti sur l'homophobie, également disponible en streaming sur la plateforme france.tv.

La première rencontre a lieu au bord d’un lac, à l’abri des regards. Comme si Paul et Joseph (Max Libert et Alexis Rosenstiehl), 15 ans tous les deux, étaient coupés du monde extérieur, enfin libres d’être eux-mêmes. Quelques mots échangés suffisent pour marquer le début de leur histoire, qui se poursuivra deux décennies plus tard. Dans Les Ailes collées de Thierry Binisti, l’amour est un fantôme du passé. Il revient pour bouleverser les certitudes d’une vie et tout engloutir…

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En 2000, France Télévisions changeait le paysage télévisuel français en diffusant Juste une question d’amour, premier téléfilm à aborder le sujet de l’homosexualité à une heure de grande écoute. Ce mercredi 14 mai à 21h10 (et en streaming sur france.tv), en vue de la Journée mondiale contre les LGBTphobies du 17 mai, France 2 poursuit cet engagement en proposant l’adaptation du roman éponyme de Sophie De Baere, publié en 2022 aux éditions JC Lattès.

Un amour gay d'été

Le film s’ouvre sur un mariage, celui de Paul, désormais adulte (Roby Schinasi). Quand sa femme le prend par la main pour lui faire une surprise, le marié ne s’attend pas à tomber nez-à-nez avec son amour de jeunesse, Joseph (Jeremy Kapone). Les regards et la tension palpable recouvrent un secret que les spectateurs découvrent en plongeant 20 ans en arrière.

La suite se déroule au début des années 1980. À plusieurs égards, Les Ailes collées renvoie d’abord aux romances estivales qui ponctuent le cinéma gay, telles que Call Me by Your Name de Luca Guadagnino, Eté 85 de François Ozon ou encore Les Roseaux sauvages d’André Téchiné. Le film reprend d’ailleurs un grand classique du genre : la scène des deux héros à mobylette, d’abord apparue dans My Own Private Idaho de Gus Van Sant puis souvent reproduite par la suite.

L'indifférence face à l'homophobie

Dans son long-métrage, Thierry Binisti met en scène une romance baignée dans l’homophobie. Celle qui sévit entre les murs de l’école – où des élèves collent un triangle rose sur le sac de Paul, en référence aux déportés homosexuels de la Seconde Guerre mondiale – et qui se poursuit en-dehors. L’époque est marquée par les débuts de l’épidémie de sida, renforçant la stigmatisation contre la communauté gay. “On dira ce qu’on veut, n’empêche que ce sont ces pédés qui l’ont rapporté cette saloperie”, balance le père de Paul devant l’écran de sa télévision.

Plus encore que la violence, le film souligne l’inertie d’une société sourde et aveugle face à la détresse des victimes qui n’ont d’autre choix que de se réfugier dans le silence. Il n’est pas impossible de déceler des parallèles avec la série de Xavier Dolan, La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé. Il y a les nombreux retours dans le passé, des thématiques similaires, mais aussi les conséquences traumatiques qui viennent hanter le héros. L’autre grande force du film repose sur l’interprétation convaincante de ses deux jeunes acteurs principaux, Max Libert et Alexis Rosenstiehl, tous les deux récompensés au Festival des créations télévisuelles de Luchon.

Les Ailes collées se range aisément aux côtés d’autres téléfilms queers réussis diffusés sur France 2. On se souvient notamment de Baisers cachés en 2016 et de La Vie devant toi en 2023. Le long-métrage de Thierry Binisti n’épargne pas le public : certaines séquences, notamment celle d’un viol, sont éprouvantes et suscitent un sentiment de révolte. On peut regretter une énième représentation doloriste d’une histoire queer à l’écran, néanmoins Les Ailes collées souligne que l’homophobie n’est pas une affaire du passé. Un rappel essentiel à l'occasion du 17 mai.

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Crédit photo : Eve Kirchner / Septembre productions / Mediawan / France Télévisons