Abo

EuropeFace à Orbán en Hongrie, Macron joue le gentil flic sur les sujets LGBTQI+

Par Nicolas Scheffer le 14/12/2021
Emmanuel Macron a rendu visite à Viktor Orban en Hongrie

Invité en Hongrie par l'homophobe en chef Viktor Orbán, le président de la République a eu l'occasion de rappeler les exigences européennes sur les sujets LGBTQI+, tout en renvoyant la balle à la Commission.

Après Éric Zemmour et Marine Le Pen venus taper dans le dos de Viktor Orbán en Hongrie, c'est en "adversaire politique mais partenaire européen" qu'Emmanuel Macron a rencontré ce lundi 13 décembre le Premier ministre hongrois à Budapest. Quand les deux candidats d'extrême droite importent ouvertement en France la logorrhée orbanienne contre "l'idéologie LGBT", le président sortant en a fait un point de "désaccord". Avançant toutefois à pas de loup sur les dossiers concrets.

À lire aussi : Homophobie d'État : l'Europe suspend 76 milliards d'euros de fonds à la Pologne

"Les sujets LGBTQI+ seront abordés avec Viktor Orbán, tout comme le respect de l'État de droit", indiquait à TÊTU une source élyséenne en amont de la visite, répondant à l'appel en ce sens de l'organisation Budapest Pride, également dans nos colonnes. À l'issue de son tête-à-tête avec le chef de gouvernement ouvertement homophobe, Emmanuel Macron a fait publiquement ce constat : "Sur le sujet des LGBTQI+, les sujets de l'État de droit, de presse et de corruption, mon sentiment est qu'il n'y aura pas d'avancée à court terme. En tout cas, il n'y a pas eu d'ouverture de la part du gouvernement hongrois sur ce sujet, jusqu'aux échéances électorales en Hongrie", à savoir les législatives en avril 2022.

Macron constate le désaccord avec Orbán

Le président de la République a alors endossé le costume du gentil flic, soulignant : "Notre rôle n’est pas de nous substituer à la souveraineté hongroise. À partir du moment où c'est assumé par le gouvernement hongrois, on a constaté nos désaccords et on a parlé des autres sujets pour essayer de faire avancer l'agenda européen." Et d'égrener devant la presse les dossiers en question, comme la protection des frontières de l'UE et la promotion de l'énergie nucléaire. Pas de quoi évidemment faire chanceler Viktor Orbán, qui a conclu : "Je vous remercie de votre ouverture (...), j'aime nos débats parfois animés. (...) La Hongrie est un État de droit".

Sur les sujets LGBTQI+, et à moins d'un mois du début de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), Emmanuel Macron préfère donc laisser la présidente de la Commission jouer le rôle du méchant flic. "Institutionnellement, c’est la Commission européenne qui porte ce dialogue", a-t-il d'ailleurs pointé. Garante des traités, celle-ci a mis en balance le plan de relance économique post-Covid avec le respect de l'État de droit en Hongrie. "Il n'y aura pas de versement tant qu'il n'y a pas d'avancées concrètes", a confirmé lundi Emmanuel Macron.

La Commission européenne en première ligne

Mais l'Élysée confirme néanmoins à TÊTU que les dossiers LGBTQI+ ne sont pas le vrai point d'achoppement dans ces négociations, puisque le mécanisme de conditionnalité à l'État de droit adossé au plan de relance dont on attend encore la validation par la Cour de Justice de l'UE ne porte en l'état que sur les questions liées à l'utilisation des fonds européens : "Les demandes qui sont faites à la Hongrie portent essentiellement sur la lutte contre la corruption et, par ailleurs, liées au bon fonctionnement de la justice et à des garanties sur son indépendance. Il y a également des questions liées à la législation des marchés public. Cela tourne essentiellement sur ces sujets". Concrètement, ajoute l'Élysée, "ce que l'on espère, c'est que cette négociation sur les plans de relance puisse démontrer que les changements sont apportés en Pologne et en Hongrie sur les points que l'on demande : indépendance de la justice en Pologne, lutte contre la corruption en Hongrie".

À lire aussi : Clément Beaune : "La protection de l'État de droit est le combat suivant en Europe"

"L'Élysée partage cette analyse où l'État de droit ne prend pas en compte les discriminations. C'est un problème car quand bien même la justice fonctionne normalement, si une personne LGBTQI+ ne peut pas porter plainte, le problème restera le même, analyse pour TÊTU l'eurodéputé (affilié à En Marche) Pierre Karleskind. C'est pour cela que la Commission européenne doit utiliser tous les outils à sa disposition pour ne financer aucun projet qui contrevient aux valeurs européennes, dont fait partie la non-discrimination des personnes LGBTQI+". Un sujet qui, que l'Élysée le veuille ou non, sera crucial au cours de la présidente française de l'UE.

À lire aussi : Homophobie d'État : "La peur doit changer de camp en Europe"

Crédit photo : Capture d'écran Élysée