législativesFranck Riester : « La réalité, c’est que la droite ne reviendra pas sur le mariage pour tous »

Par Adrien Naselli le 23/05/2016
Franck Riester

Le député Républicain Franck Riester, maire de Coulommiers et premier député out de l’Assemblée nationale, a accordé à TÊTU un entretien pour expliquer les raisons de son soutien à Bruno Le Maire aux primaires de la droite et du centre.

 
TÊTU. Vous aviez dit sur le plateau du Grand Journal, en octobre dernier, que la disparition de TÊTU était une perte ; quels sont vos sentiments depuis le retour en ligne du magazine ?

Franck Riester. Il est très important qu’existe une presse qui traite des questions lesbiennes, gays, bis et trans, des discriminations qu’ils subissent et des sujets de vie qui les entourent. TÊTU fait partie de la presse qui a contribué à permettre à un certain nombre de jeunes de prendre conscience de leurs différences, de s’accepter comme homosexuels et de le faire accepter aux autres, en s’informant, se renseignant, en faisant partie d’un groupe. La disparition de TÊTU était un problème. Yagg joue un rôle important mais il y a selon moi largement de la place pour deux magazines, voire plus. L’un avec une démarche plus militante et l’autre plus informative. Le fait que le titre revienne en ligne est aussi une manière de s’adapter aux usages de la presse. C’est important pour les plus jeunes de ne pas se sentir un cas à part, de s’identifier à un groupe avec potentiellement des goûts ou des sensibilités spécifiques.

 
Vous soutenez Bruno Le Maire pour la primaire des Républicains. Est-ce en partie lié à ses positions sur le mariage pour tous ?

D’abord, ma conviction, c’est qu’on doit rénover en profondeur la politique française. La meilleure façon de le faire, c’est de porter un homme neuf aux responsabilités – il a 48 ans – mais aussi un homme qui porte des idées neuves. Il est clairement à droite tout en vivant dans son temps, et on le constate sur les sujets de société. Il a pour lui sa volonté de régénérer la démocratie avec le non-cumul des mandats, la nécessité de démissionner de la haute fonction publique quand on fait de la politique, et il est en phase avec l’évolution de la société telle qu’elle est aujourd’hui : il a réaffirmé qu’il ne reviendrait pas sur la loi mariage, y compris lors de la campagne à la présidence des Républicains.

 
Il ne le fait d’ailleurs pas du bout des lèvres, en affirmant par exemple qu’il avait été « fier » d’être hué par Sens Commun [une organisation politique née de la Manif pour tous et rattachée aux Républicains, NDLR] lors d’un meeting qu’il organisait...

Oui, il ne le fait pas discrètement, il assume le fait de dire que cette loi est un élément fort de la vie de notre pays et qu’il n’est pas question de revenir dessus, quitte à répondre fermement à des gens qui sont opposés comme les militants de Sens Commun. Dans un meeting à Versailles, récemment, il a été pris à parti assez brutalement par la Manif pour tous et il a tenu tête en affirmant qu’il ne reviendrait jamais sur la loi.

 
Il n’est pas le seul candidat à la primaire de la droite et du centre à le dire. Mais il semble focaliser davantage l’attention des anti-mariage pour tous que Nathalie Kosciusko-Morizet par exemple.

Tout simplement car il a une vraie chance de remporter la primaire, et donc d’être le candidat de la droite et du centre. C’est une des raisons qui me font soutenir la candidature de Bruno Le Maire. On a besoin de quelqu’un qui puisse mener des réformes fortes tout en étant dans son temps, et qui ne voie pas la société telle qu’elle était il y a quarante ans.

 
Que pensez-vous des concessions qui ont été faites par Les Républicains, votre famille politique, à des groupes anti-mariage pour tous comme Sens Commun ? Nicolas Sarkozy avait par exemple sous-entendu, en 2014 lors d’un de leurs meetings, qu’il pourrait abroger la loi, avant de revenir dessus dans son dernier livre…

Chaque candidat à la primaire se présente avec ses idées et ses convictions. La réalité, c’est qu’on ne reviendra pas sur cette loi. Elle rentre dans les mœurs, dans les esprits, je connais beaucoup de gens qui, opposés au départ, se rendent compte que non, ça ne remet pas en cause la civilisation, qu’au contraire ce sont des moments de joie non seulement mais pour les mariés mais pour toutes celles et ceux qui participent au mariage, que ce sont des sécurités pour les mariés, mais aussi pour les enfants qui grandissent dans les familles homoparentales et qui sont beaucoup plus nombreux qu’on l’imagine. Tout cela est positif, et ceux qui disent qu’ils reviendront sur le texte ne le feront pas même s’ils étaient choisis pour la primaire et élus par les Français. En tout cas, je soutiens un candidat qui ne fait pas de concessions.

 
Nathalie Kosciusko-Morizet a pointé une « hypocrisie » chez certains participants à la Manif pour tous. Voulait-elle parler de personnages politiques dans le placard ? Vous qui êtes le premier député, et l’un des seuls, à avoir fait votre coming-out, que pensez-vous de l’absence de coming-out en politique ?

Il y a plusieurs éléments de réponse : d’abord, la sexualité est une chose personnelle. On peut souhaiter dire qu’on est homo ou pas. Ensuite, il y a la question de la politique : il me semble qu’on doit mesurer l’impact que son coming-out peut avoir sur la société et sur les Français qui nous jugent et nous regardent. Ma conviction est que, quand on est en responsabilité publique, à l’instar des artistes, des chefs d’entreprise connus ou des sportifs, et qu’on dit qu’on est homosexuel, cela a un impact positif sur l’image qu’ont un certain nombre de Français de l’homosexualité. Ils se disent : « On peut avoir des responsabilités et être homosexuel, être homosexuel et bien dans sa peau ». Cela permet à des jeunes de s’identifier à quelqu’un qui a eu une réussite culturelle, élective ou sportive, et à leurs parents de voir qu’il y a la possibilité pour leurs enfants d’être heureux. Car même si cela semble fou, il y a encore des gens qui pensent que ce n’est pas possible. Mais il y a encore un troisième niveau : la peur de perdre un certain nombre d’électeurs. Je pense que c’est une crainte non-fondée car les gens réclament l’authenticité. Je vous rappelle que je vis dans une circonscription assez rurale et traditionnelle, avec un vote Front national important, et que j’ai été réélu aux législatives et aux municipales très largement alors que j’avais fait mon coming-out avant.

 
J’entends votre analyse, mais le coming-out se fait tout de même en moyenne plus jeune dans la société civile que dans les cercles politiques ou financiers.

Il n’y a eu que deux coming-out dans toute l’histoire de l’Assemblée nationale : le mien et celui de Sergio Coronado. On ne peut pas en tirer des statistiques, on ne peut pas généraliser. Et croyez-moi, il est encore très difficile de faire son coming-out aujourd’hui, que ce soit dans les classes favorisées ou pas, que ce soit à Paris ou ailleurs.

 
Surtout quand les médias s’en mêlent. Quand vous aviez fait votre coming-out, France Soir avait titré : « Riester avoue son homosexualité ».

Oui, je me souviens de cet épisode. La presse a en effet sa responsabilité. Au-delà des convictions sur le mariage pour tous, cette période a été un moment terrible médiatiquement car elle a donné le sentiment dans le discours de certains que les homosexuels étaient des gens différents, une catégorie à part…

 
À titre personnel, avez-vous souffert pendant les débats ?

J’étais renforcé dans ma détermination à défendre ce que je croyais être un bon texte. Grâce à mes responsabilités, j’ai pu avoir une tribune pour faire passer des idées, et notamment à celles et ceux de la droite et du centre qui n’adhéraient pas au discours majoritaire d’opposition. J’étais révolté des conséquences que cela pouvait avoir sur un certain nombre de personnes. À titre personnel, en tant qu’homosexuel, j’ai été blessé. Mais j’ai débattu d’abord et avant tout comme responsable public.

 
Qu’avez-vous pensé du fait que le texte passe au rabais, c’est-à-dire notamment sans l’ouverture de la PMA aux couples de femmes ?

C’est grâce à la majorité actuelle que le texte sur le mariage est passé, je salue donc cette démarche. Je regrette en revanche qu’il n’y ait pas eu de pédagogie de la part du président de la République. En se taisant, il a donné l’impression qu’il méprisait les opposants. D’autre part, on a besoin d’une vision sur un texte comme celui-là. Prendre la parole aurait été l’occasion pour François Hollande d’expliquer pourquoi il n’a pas mis la PMA dans le texte. Je crois que ce sujet dépasse celui de l’homosexualité puisqu’il concerne aussi les hétéros. On sait combien il est compliqué d’avoir des opportunités législatives pour voter ce type de texte. À titre personnel, je constate que des femmes ont recours à la PMA chez nos voisins, notre responsabilité est donc de prendre cela en compte et d’en profiter pour remettre à plat cette question quelle que soit l’orientation sexuelle. Là, c’est une occasion manquée.

 
Et si votre majorité revient au pouvoir ? Valérie Pécresse, la nouvelle présidente de région Île-de-France, a certes maintenu la subvention de l’Inter-LGBT pour organiser la Marche des Fiertés, mais elle en a profité pour réaffirmer son opposition à la PMA et à la GPA, dans un joyeux mélange des deux.

Il faudra que le sujet revienne car il y a des problèmes autour de la PMA. En revanche j’estime que Valérie Pécresse a été caricaturée à tort. Je l’ai soutenue car à travers les discussions que j’ai eues avec elle il est clair qu’elle est une femme qui respecte les différences. Il n’était absolument pas dans ses idées de remettre en cause les subventions, voilà pourquoi la Marche des fiertés aura sa subvention maintenue.

 
Un amendement de la loi « Justice du XXIe siècle » censé faciliter le changement d’état civil des personnes trans a été adopté, mais il est vivement critiqué par les associations qui dénoncent une manière d’entériner la situation actuelle. Pourquoi n’avance-t-on pas sur ce sujet ?

Je crois qu’une personne qui décide de changer de sexe a mûri le sujet et que la société doit l’entendre, trouver les voies et moyens pour que le parcours soit le plus simple possible. J’ai eu dans ma société à accompagner la transition d’un de mes collaborateurs. Bien souvent, c’est l’ignorance qui fait que les gens restent sur des idées préconçues et fausses. Étonnement, cela a été un moment fort de solidarité dans l’entreprise, ainsi qu’avec les clients de l’entreprise qui ont accompagné ce changement de sexe.

 
Vous utilisez Twitter, et notamment pour commenter des événements culturels comme la mort de Prince ; cela m’a donné envie de vous demander quels sont vos goûts musicaux.

J’ai des gouts très éclectiques : j’aime le rock, la folk, le disco, le reggae, la musique classique, la chanson française... Pour ce qui est de la folk, j’aime énormément Alela Diane, notamment son album The Pirate’s Gospel, ainsi que la chanteuse Marie-Jo Thério. Je suis aussi fan de Bowie, de Coldplay et de Calogero.