"Sexe neutre" : la justice revient sur sa décision

Par Julie Baret le 24/03/2016
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Alors que la France était le premier pays d’Europe à accorder légalement la catégorie "sexe neutre" à une personne intersexuée, la Cour d'appel d'Orléans est revenue sur cette décision.

Désigné comme un homme sur son état civil, "Monsieur X" est né avec une ambigüité génitale : il présente à la fois un vagin rudimentaire et un micro-pénis, mais pas de testicules. D’une apparence androgyne jusqu’à l’âge de 35 ans, "Monsieur X" entame alors un traitement hormonal à base de testostérone pour prévenir les risques d’ostéoporose. Le traitement lui prête une allure masculine qu’il définit encore aujourd’hui comme "artificielle".
En 2015, à l’âge de 64 ans, "Monsieur X" entame finalement une procédure pour modifier la catégorie sexuelle de son état civil, au profit de la mention « sexe neutre ». Une modification acceptée le 20 aout 2015 par une décision du juge aux affaires familiales de Tours. C’est la toute première fois en France, et en Europe, qu’une catégorie sexuelle autre que le féminin ou le masculin est légalement reconnue. C’est aussi une grande victoire pour cette personne qui déclare :

J’ai enfin l’impression d’être reconnu par la société tel que je suis.

Une victoire battue en brèche par la Cour d’appel d'Orléans

Or le 22 mars 2016, la Cour d’appel d’Orléans a refusé ce changement d’état civil, arguant "qu’admettre la requête de 'Monsieur X' reviendrait à reconnaitre, sous couvert d’une simple rectification d’état civil, l’existence d’une autre catégorie sexuelle."
Les magistrats ont notamment étayé ce refus en plaidant que "Monsieur X" ayant une apparence masculine, s’étant marié en 1993 et ayant adopté un enfant, sa demande de changement d’état civil serait "en contradiction avec son apparence physique et son comportement social". L'arrêt de justice rendu par la Cour d'appel d'Orléans rappelle en ce sens que l'identité sexuelle est "un élément nécessaire à notre organisation sociale et juridique".
Une décision qui impacte toutes les personnes intersexuées désireuses de modifier leur état civil, auxquelles les mêmes magistrats ne proposent que deux alternatives : obtenir un état civil sans catégorie sexuelle, ou modifier la catégorie assignée si celle-ci ne correspond plus à leur apparence et à leur comportement. Une non-réponse qui ne prend pas du tout en considération l’expérience vécue des personnes intersexuées.
Pour autant, le combat n’est pas encore terminé pour "Monsieur X", sa demande pouvant être encore défendue devant la Cour de Cassation, voire devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Son avocate avait en effet déjà plaidé le droit à la vie privée et familiale, garanti par la Convention européenne des droits de l'Homme.