Suite à la tragédie Orlando, un mouvement de catholiques réformateurs demande la suppression d'un article du Catéchisme hostile à l’homosexualité.
« Après la tuerie sauvage d'Orlando, des voix s'élèvent pour pointer du doigt la responsabilité des religions » écrit Anne Soupa, présidente de la Conférence catholique des baptisés francophones (CCBF), en introduction d'une tribune adressée à l’Église catholique. Cette bibliste et écrivain rappelle qu’au lendemain de la fusillade, Daniel Cohen-Bendit pointait du doigt l’incapacité des trois monothéismes à penser la sexualité homosexuelle, et s’interroge, quelques semaines après la tuerie, sur la responsabilité de l’Eglise catholique face à l’homophobie persistante dont Orlando est encore un exemple :
Côté catholique, le pape, les évêques américains, le secrétariat de l'épiscopat français, ceux de quantité de pays, ont dénoncé avec beaucoup de vigueur et d'empathie la barbarie d'Orlando. (…) Parallèlement, le Conseil Famille et Société de l'épiscopat français, présidé par Monseigneur Brunin, a depuis près de deux ans initié un dialogue très fructueux, repris déjà par 32 diocèses. Tout cela augure de la volonté réelle de créer un climat de bienveillance envers les personnes homosexuelles.
Pourtant dans l'esprit commun l'idée prédomine que les religions ne font pas bon ménage avec l'homosexualité. Est-ce seulement une énième idée reçue à déloger ? Non. On a beau frotter, il reste une vilaine tache qui ne part pas du tissu ecclésial.
Le passé laisse sa marque... Les dégâts de la mobilisation catholique contre le "Mariage pour tous" sont perceptibles dans l'opinion commune. (...) Mais le cœur de la tache n'est pas que dans les mémoires, il salit aussi les Tables de la Loi catholiques. Certes, lorsque le gouverneur-adjoint du Texas Dan Patrick, de confession évangélique, accuse les homosexuels de se moquer de Dieu, il se réfère à la Bible. Il aurait presque des excuses... Mais dans l'Église catholique, le propos anti homosexuel est redoublé dans un document qui n'a pas trente ans, le Catéchisme de l'Église catholique de 1992, fleuron du pontificat de Jean-Paul II.
Elle cite à ce propos l’article 2357 dudit document :
S'appuyant sur la Sainte Écriture qui les présente comme des dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que "les actes d'homosexualité sont intrinsèquement désordonnés". Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l'acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d'une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d'approbation en aucun cas.
Le journal La Croix rapporte que la rédaction de ce document à vocation universelle débuta en 1985 sous le regard d'une commission composée de douze cardinaux et évêques et présidée par le cardinal Ratzinger qui deviendra par la suite le pape Benoît XVI ; ce dernier considérait le texte comme l’un des « fruits les plus importants du concile Vatican II ».
Un article qui "nourrit l'homophobie combattue par ailleurs"
Pourtant, d’après la présidente de la CCBF, l'article 2357 du Catéchisme de l'Église catholique n’est pas justifié et alimente la haine envers les homosexuels :
Si l'Église catholique veut acquérir quelque crédit sur ce sujet [de dialogue avec la communauté LGBT], (…) elle doit se résoudre à enlever de son Catéchisme cet article 2357, au motif qu'il est intellectuellement contestable (…), qu'il est humainement blessant, injuste et culpabilisant, qu'il est politiquement contreproductif parce qu'il nourrit une homophobie combattue par ailleurs.
Anne Soupa poursuit en arguant que la tragédie d’Orlando "interroge toutes les religions" et fait un parallèle entre le potentiel destructeur des armes et celui des mots :
L’institution catholique voit-elle qu'elle met à la disposition d'esprits dérangés un arsenal d'armes dormantes celées dans les pages de ses catéchismes ? Si les armes à feu tuent et si l'on peut regretter qu'elles soient en vente libre, certaines paroles peuvent aussi tuer. Elles aussi sont en vente libre, mais plus grave, on laisse entendre que ce serait plaire à Dieu que de s'en servir.
D’après la Conférence catholique des baptisés francophones (CCBF), retirer ce chapitre enverrait donc un message fort de solidarité et de fraternité à la communauté internationale, un dessein plus qu'opportun après la fusillade du Pulse aux Etats-Unis :
La CCBF souhaite que le Magistère ait le courage de renoncer à cet article, et elle en fait ici la demande formelle. Le retirer du délicat commerce entre les personnes serait un geste fort non seulement envers les personnes homosexuelles, mais envers tout homme et toute femme, indépendamment de sa religion ou de son orientation sexuelle. Ce serait un puissant facteur de pacification, un baume dans le climat de violence actuelle.
Cette requête est loin d'être incongrue puisque le Catéchisme a déjà subi des modifications, notamment en 1997 quand il a été enrichi du paragraphe 2267 sur la peine de mort , comme le rappelle La Croix.
Pour en savoir plus :
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Crédit photo couverture Associated Press