Marche des fiertésInterview : The Supermen Lovers : "la Gay Pride c’est un étendard de la Liberté"

Par Julie Baret le 10/07/2016
The Supermen Lovers interview

Rencontre avec Guillaume Atlan, The Supermen Lovers qui signe son grand retour avec un nouvel EP irrésistiblement dansant : Absolute Disco.

On le connaît depuis 2001 grâce à son hit planétaire « Starlight ». Aujourd’hui, le doctor ès house est de retour. Quinze ans après son hymne disco incontournable et cinq ans après son troisième et dernier album, The Supermen Lovers sort l’EP « Absolute Disco », prélude à son quatrième album à venir.
Dans ce nouvel opus irrigué par les essences de la funk et du disco, Guillaume Atlan livre trois titres résolument club : « It’s OK » « Fair Enough » et « Baroud ». Tantôt french, tantôt planante, tantôt dark, la disco y est revisitée sous toutes ses formes pour un résultat hors du temps mais bien ancré dans les jambes qu'on ne peut s'empêcher d'agiter dès la première écoute.
Rencontre avec celui qui nous fait danser depuis les années 2000. 
On se rappelle tous de ton tube « Starlight » mais j’aimerais d’abord revenir sur l’homme derrière le pseudonyme. Parle-nous un petit peu de toi. D’où est-ce que tu viens ?

Moi je suis un vrai parigo. Je suis né à Paris et j’y ai toujours vécu. Je ne sais pas encore si j’y mourrais ! Je crois que je ne pourrais pas créer autre part… enfin il faudrait que j’essaye en fait. Toute cette sensibilité parisienne je la ressens bien et la ville me manque dès que je n’y suis plus. J'ai déjà eu comme projet de partir vivre à Ibiza, mais à chaque fois je me dis qu’au bout d’un mois je vais péter un plomb et avoir envie de revenir ici ! (rires) À Paris il se passe quelque chose, c’est une ville où il y a toujours une espèce d’énergie, qu’elle soit positive ou négative.

The Supermen Lovers interview
Crédit photo Joëlle Van Autreve

Avant de faire Supermen Lovers j'ai fait des études conservatoires dans le piano classique et j’ai même fait du piano bar à un moment. J’étais jeune hein, j’étais minot ! Je devais avoir 16-17 ans. J’ai joué dans pas mal de grosses formations de funk et de classic jazz, donc des band avec 10 ou 12 musiciens. C'est toujours une galère pour les répétitions : le bassiste qui est malade, le batteur qui s’engueule avec sa femme… Et puis pour imposer ses compositions n’en parlons même pas ! A partir de 1995-96, j’ai découvert l’électro avec des groupes comme Chemical Brothers, Daft Punk, et toute la house de Chicago comme Derrick Carter et tout ça. J’ai découvert la house spécialement aux Gay Tea dance du dimanche après-midi au Palace qui étaient les premières soirées à passer de la house à Paris… les cassettes tournaient je me rappelle. Là j’ai commencé à vraiment suivre le truc : j’ai troqué les band contre les machines. Toute de suite, tout est devenu plus fluide forcément. J’ai vite arrêter la fac que je continuais en parallèle et j’ai monté mon premier projet qui s’appelait School avec mon pote Stéphane Lebenson. On avait été signé sur le label Cyclo Records en Angleterre – le label de Derrick Carter justement – et le premier disque qu’on a sorti fut remixé par Larry Heard. Le mec qui avait inventé la house de Chicago, un espèce de mec un peu mythique… Mais à l’époque, nous ça ne faisait que 6 mois qu’on en faisait, on a demandé au patron du label « ok super mais c’est qui ? »

Les ingrats ! (rires)

Ingrats oui totalement ! (rires) On était jeunes et ingrats ! Après on a compris notre erreur. Mais en tout cas premier maxi vraiment chouette parce qu’on avait le tampon d’un des inventeurs de la house dessus donc on était fiers. Et moi j’ai arrêté School pour partir faire mon projet Supermen Lovers. J’avais sorti un premier disque Marathon Man qui était beaucoup plus une musique d’after parce qu’à l’époque j’étais très potes avec les gars des Folie’s Pigalle. Je squattais en permanence la cabine donc j’étais dans des espèces de tracks très hypnotiques. Puis j’ai bossé avec Mani Hoffman, le chanteur de « Starlight » et est arrivé le titre en 2000, qui a très vite explosé. Entre-temps j’avais monté mon label La Fessée Records qui n'existe plus aujourd'hui. Et puis je jouais aussi sous un autre pseudo, parce que dans la house ils avaient tous des noms à particule, donc je m’étais appelé Stanislas de Mareuil ! Et j’ai sorti 4 maxis sous ce nom via mon label.
Pour ce qui concerne Supermen Lovers, je préfère mettre les choses à plat : non, ce nom ne vient pas d’un fantasme ! (rires) J’avais pas mesuré les répercussions d’un tel nom à l’époque ! Mais ça a joué son rôle d'un autre côté parce que ça intriguais. En fait c’est un hommage à un morceau Johnny Guitar Watson.

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Pour beaucoup d’artistes – notamment issus de la french touch – le premier album des Daft Punk a été la « claque musicale » de leur vie. Toi quelle serait ta grosse « claque musicale » ?

Moi il y en a eu deux. Homework effectivement comme n’importe quel mec qui a fait de l’électro à mon époque je pense. Parce qu’à l’époque, t’étais jeune, tu voulais faire de la musique, il fallait intégrer les réseaux du showbusiness super fermés, à l’ancienne. Et là soudain t’avais un groupe qui débarquait, qui avait fait un album dans leur chambre… C’était les premiers ! Aujourd’hui ça parait complètement banal mais à l’époque ça a donné une énergie à toute une génération qui s’est dit « c’est possible ». T’avais plus besoin d’être pote avec le PDG de la maison de disque, c’était plein d’espoir ! Je pense que c’est pour cette raison surtout qu’énormément de musiciens se sont mis dans ce truc-là. Homework, outre le fait que c’était de la super musique et super bien produite, ça a ouvert la voie à toute une génération qui ne voyait pas comment réussir dans la musique, et en plus à l’international ! Donc souvent tu ne dépendais plus des médias français, tu ne dépendais plus des règles de l’industrie du disque française. Parce qu'à l'époque t’avais quelques trucs indé à la Mano Negra mais à part ça y avait rien, c’était de la variété ou du Ophélie Winter. Aujourd’hui tous les mecs de l’électro font ça dans leur chambre et ont accès à internet.

Et ta seconde « claque » ?

Chemical Brothers en concert. Parce que comme j’étais dans des formations de funk et de classic jazz j’avais la culture du musicos des années 1990, un côté un peu prétentieux quoi ! Et Chemical Brothers c’est des mecs qui font de l’électro, mais en live ils avaient tous les synthés, tous les instrus. Ça apportait une autre dimension. Ça a attiré pas mal de musiciens comme moi à l’époque. Parce que pour moi un DJ c’est un média : il transmet une information musicale à un public. Mais t’en as qui subliment le truc et ça devient de l’art. Tu voyages, tu planes...

Et toi est-ce que tu tâte encore de l’instru organique ?

Il faut avoir les deux. À partir du moment où tu sors des sons d’un instrument ou d’une machine – qui est aussi un instrument – c’est de la musique. Il n’y en a pas une qui soit mieux que l’autre : l’acoustique c’est pas mieux que la musique séquencée. C’est juste différent.

Ton EP Absolute Disco arrive un peu comme le teaser de ton 4ème album à venir, qu’est-ce que tu nous y réserve ?

Ça sera très disco. L’album arrive avec pas mal de chouettes featuring aussi. Parce qu’en ce moment je bosse aussi sur un projet qui s’appelle Entschuldigung et qui veut dire « excusez-moi » en allemand. Je fais ça avec Stéphane Lebenson et c’est quelque chose de très électro, un peu à la Laid Back, « White Horse », tout ça... J’ai aussi monté un nouveau label où je produits pas mal d’artistes comme les duos Neu Model et Roommates.
Et donc pour l’album j’ai fait des featuring avec Stéphane, avec Carmen Maria Vega, avec Natty Fensie, une artiste de folk belge, avec Geyster et avec Jarco du groupe Marie Madeleine. Il y aussi Damien Roque, c’est avec lui que j’ai mixé l’album et réalisé quelques tracks ; c’est vraiment un mec super talentueux qui avait fait les BO des films de Luc Besson. Et l’album devrait sortir début 2017 mais d’ici là il devrait y avoir un nouvel EP à la rentrée.

The Supermen Lovers interview

Ce qui est très bizarre c’est que cette musique - la French Touch, la french house, l’électro-funk et tout - c’était quelque chose qui était devenu commercial dans les années 2005 parce qu’il y avait une vraie telle profusion. Mais aujourd’hui c’est devenu underground en fait ! Quand tu fais cette musique-là t’es un peu hors du schéma. Je ne sais plus quel DJ m’avait fait un feedback sur « It’s Ok » et qui m’avait dit « it’s old, but it’s new » (comprendre "c'est vieux mais c'est nouveau", ndlr). Et je trouve ça pas mal ! C’est assez révélateur.

TÊTU a pris l’habitude d’interroger les artistes sur leur point de vue voire leurs positions au regard des droits LGBT. Toi, quelques semaines après l’attentat d’Orlando et quelques jours après la Marche des fiertés de Paris, quel message t’as envie d’adresser à la communauté LGBT ?

Je ne sais pas trop, je ne peux pas comprendre un acte comme ça, j’estime que c’est qu’une bande de fou. Moi j’ai jamais fait de différence entre les gens, pour moi la différence elle n'est que dans la tête et dans le cœur. C’est triste que  pas mal de gens sur cette planète voient des différences alors qu'il n'y en a pas ; tout le monde danse sur les mêmes morceaux. C’est difficile de parler de ça, je ne vais pas parler de terrorisme parce que je n’y connais rien. Je n’arrive même pas à voir le concept de communauté parce que pour moi chacun fait ce qu’il a envie de faire. J’ai du mal à donner un avis sur quelque chose qui me semble évident.

D’autant que tu viens de la house donc j’imagine que tu es habitué à drainé un public gay à tes concerts non ?

Oui c’est un public qui a toujours soutenu la musique électronique, mais je m’en fiche complètement. Pour moi, le truc d’Orlando c’est complètement spatial. T’es plus dans la raison, t’es sur une autre planète. Je devrais peut-être un peu plus percuter qu’il y a des gens qui ne pense pas comme moi, parce qu’au final si tu ne te rends pas compte qu’il y a des gens qui ne pensent pas comme toi, alors tu ne prévois pas… mais en même temps c’est terrible de devoir penser à se protéger de ce genre de choses.
Pour moi la Gay Pride c’est une super occasion de faire la fête. Je n'y suis pas allé le week-end dernier parce que je n’étais pas à Paris mais j’en ai fait plusieurs. Ce qui est chouette c’est que ça devient aussi un étendard de la liberté. Il devrait y en avoir dans tous les pays. Encore une fois c’est une bonne occasion de faire la fête et ça témoigne d’une liberté. C’est fou de se dire que dans certains pays tu peux avoir des problèmes parce que tu t’y rends. J’ai déjà été joué dans des pays où tu sens qu’on n'en parle pas. Tu sens des espèces de non-dits ou de sujets tabous. Je pense à certains pays de l’est où tu te rends compte que les mecs ne sont pas anti mais sont dans une espèce de "no-zone mentale" où un rien peut les faire basculer ou les rendre super tolérants. Je pense que c’est à ce genre de pays qu’il faut apporter de la bonne musique et bonnes vibes parce que ça leur permet de s’ouvrir.

Pour finir sur ces bonnes vibes, est-ce que t’aurais un petit mot pour les lecteurs de TÊTU ?

Faites l’amour sur ma musique ! (rires)

The Supermen Lovers sera sur la scène du Nuba à Paris le 29 juillet avant de s’envoler pour le KM5 à Ibiza le lendemain. Au mois d’aout, l’artiste sillonnera le sud de la France avec une première date à l’Envol de Montpellier le 10 aout, puis au Sport Beach de Marseille le 19 aout. Il sera de retour en octobre au 1001 BASS Festival de Saint Etienne et à Lyon en décembre. Pour déguster ses remixes et ses compos, ça se passe ici.
Et juste pour le plaisir :
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Pour en savoir plus :

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Crédit photo couverture Joëlle Van Autreve