Le parti populiste AfD s'est imposé ce week-end comme la troisième force politique du pays. Il y a deux mois, il avait tenté d'abattre la récente égalité devant le mariage acquise outre-Rhin.
C'est une victoire en demi-teinte pour Angela Merkel. Réélue pour la quatrième reprise à la tête du gouvernement fédéral d'Allemagne grâce à la victoire législative de son parti chrétien démocrate le 24 septembre, la chancelière accuse une arrivée fracassante au Parlement : évincée de la scène politique depuis un demi-siècle, l'extrême droite a franchi l'étape du scrutin, et s'est "réinvité" dans le Bundestag pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le parti AfD (Alternative pour l'Allemagne) a remporté 12,6% des suffrages et s'impose devant les libéraux du FDP, la gauche radicale incarnée par Die Linke et les Verts, comme la troisième force du pays, quatre ans seulement après sa création. Anti-migrants, anti-islam, anti-euro, la formation politique est aussi anti-homos.
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Contre le mariage pour tous
"Il soumet à des valeurs qui nuisent à notre société", clamait ainsi le vice-président du parti au sujet du mariage et de l'adoption pour tous, fraîchement légalisés après qu'Angela Merkel retire son opposition de principe. Après que le Parlement a admis l'égalité devant le mariage en un vote éclair de 38 minutes, le site internet de AfD poste une nécrologie des "valeurs familiales" augurées par ce changement de paradigme. "Nous disons au revoir à la liberté d'opinion, indiquait le texte cité par Pink News, la protection constitutionnelle de la famille allemande a été enterrée par les représentants du peuple."
Le parti annonçait aussi annoncé sa volonté d'attaquer le texte en justice, au prétexte qu'il devait en passer par une modification de la Constitution pour être validée.
"Si nous obtenons la majorité, et nous avons de l'influence, je pense qu'il est assez certain que nous abolirons la loi, prédisait le candidat AfD Stephan Brandner à la mi-septembre, la deuxième possibilité est de soumettre la loi à la Cour constitutionnelle fédérale pour examen." Cette dernière possibilité avait toutefois été jugée impossible par le journal d'information Tagesschau car n'appartenant alors ni au Bundenstag ni au gouvernement, AfD n'était pas en droit de soumettre cette demande.
Auparavant, AfD avait déjà répété son intention de défendre la "famille traditionnelle" (sic.) composée d'un père et d'une mère, de combattre toute mention d'homosexualité et de transidentité à l'école, et sa volonté d'interdire les études de genre, comme l'énumérait Queer.de.
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Une lesbienne à la tête des extrêmes
En dépit de cette position réactionnaire, Alternative pour l'Allemagne avait misé sur une femme politique ouvertement lesbienne pour la représenter lors des élections de dimanche, qui lui permettront désormais de placer près de 90 députés sur 598 au Bundestag. Alice Weidel, 38 ans, fait la pair avec Alexander Gauland, 76 ans, à la tête du parti.
Ancienne banquière d'affaire pour Goldman & Sachs, Alice Weidel était encore inconnue du grand public il y a quelques mois, mais sa nomination en tant que co-candidate de l'extrême droite allemande suscite la curiosité. En couple avec une réalisatrice suisse d'origine sri-lankaise, mère adoptive de deux enfants en bas âge qu'elle élève avec sa compagne, Alice Weidel veut incarner une frange plus modérée d'AfD. Avec Alexander Gauland, ils forment un duo bien rôdé entre sorties volontairement provocatrices de l'un (contre un joueur de foot d'origine ghanéennes il a dit qu'il ne "voudrait pas l'avoir comme voisin"), et précautions de l'autre, luttant contre les accusations d'extrême et de raciste contre son parti.
Homonationalisme
Interrogée sur le débat du mariage pour tous, auquel elle a affirmé qu’elle était opposée, Alice Weidel avait employée une ruse bien essuyée par Marine Le Pen, qui consistait à glisser la xénophobie comme une réponse à l'homophobie ou au sexisme.
"Des millions de musulmans pour qui l'homosexualité est un crime sont en train d'arriver illégalement en Allemagne et menacent notre liberté", déclarait-elle au moment du vote sur le mariage pour tous. Ou se disant opposée à la multiplication en Allemagne des "zones de non-droit pour les femmes (...) où ma compagne et moi nous ne pouvons plus aller."
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L'analogie avec Florian Philippot est aisée, bien qu'à la différence de son homologue allemande, l'ancien numéro 2 du Parti national n'a pas brandit son homosexualité dès le début de sa carrière politique, mais fut outé par Closer en plein ascension chez les frontistes. Son départ de la formation politique créé par Jean-Marie Le Pen a été confirmé la semaine dernière, après de nombreuses crises au sein du parti.
Couverture : Alice Weidel - crédit photo Olaf Kosinsky / kosinsky.eu