Marine Le PenHarcèlement sexuel au FN : "On a témoigné pour encourager les autres gays à parler"

Par Adrien Naselli le 16/01/2018
Bruno Bilde harcèlement sexuel Front national

Alexandre Benoit, l'un des trois anciens assistants parlementaires qui a fait état de harcèlement sexuel au Front national, annonce à TÊTU qu'ils sont nombreux dans son cas mais "tenus au silence".

Bruno Bilde, député Front national de la 12e circonscription du Pas-de-Calais, a lu pendant le week-end une enquête de Libération concluant que les accusations de harcèlement sexuel formulées par trois anciens assistants parlementaires le concernaient. Le député porte plainte contre le journal pour diffamation. Aucun des trois plaignants n'a prononcé son nom.

"Permettre aux autres de parler"

Joint par TÊTU, Alexandre Benoit, 23 ans tout juste, confirme être en phase de constitution d'un dossier avec Mickaël Ehrminger, qui vient par ailleurs de raconter en détail "l'impréparation" du parti pendant la présidentielle de 2017 à Mediapart, et son avocate. En attendant, celle-ci leur a conseillé de ne pas répondre aux journalistes pour éviter les contre-attaques du FN.
Alexandre, lui, a choisi de se confier à TÊTU car il veut entériner l'idée que le harcèlement sexuel ne concerne pas que les femmes : "On espérait que la médiatisation permettrait à d'autres personnes de parler, car on connaît des garçons qui travaillent encore au FN et qui ont subi des choses graves. Il y a même une histoire d'agression sexuelle, or la personne dépend totalement financièrement du FN. Dans la tête de ces hommes, comme ils sont identifiés à ce parti, ils sont cramés et ils ne pourront jamais trouver de travail ailleurs."
Alexandre Benoit et Mickaël Ehrminger appartenaient au "clan" Florian Philippot, qui a depuis quitté le FN. Sébastien Chenu, le collègue de Bruno Bilde à l'Assemblée nationale, a immédiatement parlé d'un "règlement de compte politique" lundi 15 janvier sur LCI : "Ceci ne repose sur rien. Les personnes que vous citez n'ont pas déposé plainte [...] Il y a des gens qui veulent régler un compte avec ce parlementaire et qui ont profité de l'actualité pour se faire passer pour des victimes. C'est très grave." Pour Alexandre, qui "n'a plus aucun contact avec Philippot, juste avec Sophie Montel [son ancienne patronne au Parlement européen, ndlr], c'est ridicule."

"Pressions"

Fin octobre, Alexandre Benoit tweete : "Vous croyez que je peux balancer un type aujourd’hui député qui ressemble à un goret libidineux et qui nous mettait des mains ?" Bruno Bilde envoie alors un texto accompagné d'une photo d'Alexandre en plein acte sexuel avec son ex petit copain à ce même ex petit copain. Il y disait ceci : "Alors que tout le monde diffusait cette photo, j’ai demandé à ce qu’on arrête de vous attaquer. Y compris après votre départ. Je trouvais ça nul, alors je ne comprends vraiment pas cette diffamation à mon égard. C’est injuste et grave."
Alexandre estime que ce texto a constitué une "pression" (avis que partage aujourd'hui son avocate), et cela lui donne envie d'aller plus loin. Il témoigne alors face caméra en novembre dans un reportage de l'émission C Politique sur France 5 où il raconte : "[Le député] se permettait les commentaires les plus graveleux. [...] Ça a été plusieurs fois des mains sur les fesses. Personnellement j'ai dit stop. Il est connu pour ça". Dans le même reportage, Mickaël témoigne : "À chaque fois que je croisais son chemin, il regardait mes fesses avec beaucoup d'insistance, en me disant : “Il te fait un beau cul ce jean, j'aimerais bien le prendre en main, j'aimerais bien que tu viennes chez moi ce soir, j'aimerais bien qu'on t'invite chez nous.”"
Aujourd'hui, Alexandre revient sur cette histoire de photo avec TÊTU "La démarche est très bête. Ça ne passerait pas dans un pays anglo-saxon. Il serait obligé de démissionner." Bruno Bilde nous raconte sa version des faits : "En 2015, dans les couloirs du Parlement européen, une photo circule de *** [Bilde dit son nom, mais le jeune homme souhaite rester anonyme, ndlr] qui fait une fellation à Alexandre. Tout le monde se marre. Je dis à quelqu’un qui est proche d’eux de leur envoyer un sms pour les prévenir. Alors ils mentent effrontément à France 5 en disant que je me suis procuré une photo d’eux pour leur faire du chantage. D'ailleurs, ils m'avaient répondu : “C’est anonyme, personne n’est visé”." Bruno Bilde soulève un autre point auprès de TÊTU : "J’étais un simple collègue en tant qu'assistant parlementaire de Sophie Montel, je n’avais aucun ascendant hiérarchique sur ces garçons. D'ailleurs on ne se voyait jamais, à part se croiser dans les couloirs." Une version qui contraste fortement avec les témoignages des trois garçons.

"Beaucoup de gays au FN, tous honteuses (sic)"

Alexandre a quitté le FN car "la réalité ne correspondait pas à la dé-diabolisation dans l'image". Il regrette d'avoir travaillé au Front national et nous explique : "Il y a beaucoup de gays au FN, mais ils sont tous honteuses (sic). La photo elle existe, nous on l'assume. Mais pour eux, c'était quelque chose de bizarre et de honteux. Un proche du député en question, au printemps 2017, avait pris à parti ma patronne Sophie Montel d'un air hilare en lui disant : “Regarde ce que font tes employés, tu devrais te séparer d'eux.” Et le pire dans tout ça, c'est que ce garçon est gay."
Dans les colonnes de L'Est républicain, ce mardi 16 janvier, Bruno Bilde se confiait : "Je sais que je gagnerai devant les tribunaux, mais je ne peux m’empêcher de ressentir une terrible amertume car la décision judiciaire tombera dans un an, un an et demi… Pourtant, d’ici là, le mal aura été fait. Toute ma famille en Lorraine et mes proches autour de moi souffrent de ces accusations particulièrement injustes qui ne reposent sur rien, pas le moindre commencement de preuve", selon le député.
Hier, Marine Le Pen annonçait déjà la procédure judiciaire lors de ses vœux à la presse :


 
En 2013, Bruno Bilde avait obtenu gain de cause pour atteinte à la vie privée dans un procès qui l'opposait à l'écrivain Octave Nitkowski et son ouvrage Le Front national des villes et le Front national des champs. Il révélait en effet l'homosexualité de celui qui n'était alors pas considéré comme une figure publique. En revanche Steeve Briois, le maire d'Hénin-Beaumont également cité dans le livre, avait perdu, la Cour d'appel ayant estimé que son orientation sexuelle pouvait éclairer le débat public.
 
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Couverture : photo envoyée par Alexandre Benoit