Mot d'ordre, placement dans le cortège, commercialisation, enjeux politiques... À la veille de la 17ème édition de la Marche des fiertés, samedi 30 juin 2018, la porte-parole de l'Inter-LGBT, Clémence Zamora-Cruz, répond aux questions de TÊTU et en profite pour rétablir quelques vérités...
La marche des fiertés de 2018 n'a pas encore eu lieu mais les polémiques sont déjà bien présentes. D'abord, il y a eu les associations qui jugent"surréaliste" le mot d'ordre choisi cette année ("Les discrimination au tapis, dans le sport comme dans nos vies !"). Puis, c'est Act-up Paris qui, à son tour, a dénoncé une "relégation des séropos et des précaires" en fin de cortège. Enfin, un collectif d'associations s'est fendu d'un communiqué de presse fustigeant la présence à la marche de chars de grandes entreprises américaines comme Tinder ou Mastercard. Pour TÊTU, Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'Inter-LGBT, revient sur ces reproches visant les organisateurs de la marche.
Le mot d’ordre choisi cette année, « Les discriminations au tapis, dans le sport comme dans nos vies ! » a été mal reçu par certains militants. Pourquoi ne pas avoir mis l'accent sur PMA pour toutes ou les lois anti-immigrations ?
Clémence Zamora-Cruz : La PMA est au sein des revendications de l'Inter-LGBT et je me permets de rappeler le mot d'ordre de l'année dernière, "PMA sans conditions de restrictions, maintenant". Cette année, nous avons décidé d'opter pour un mot d'ordre axé sur le sport. Ce mot d'ordre est lié à l'actualité. Quand vous allumez votre télévision, vous tombez sur une coupe du monde de football qui se déroule dans un pays LGBTphobe. Un pays qui est littéralement en train de procéder à une purge des personnes LGBT dans une de ses fédérations (la Tchétchénie, ndlr). Selon moi, le sport est un reflet de la société. Il peut attiser la haine envers les personnes LGBT, on l'a bien vu lors du match Allemagne-Mexique, lorsque des supporters mexicains ont entonné un chant homophobe adressé au gardien de but allemand. Je trouve ce mot d'ordre ancré dans la réalité, il s'agit de mettre toutes les discriminations "au tapis" pas seulement celles dans le sport mais toutes celles dont nous sommes victimes.
De nouveaux chars seront présents dans le cortège cette année, comme ceux de Tinder ou de Mastercard. Certains déplorent une commercialisation de la marche des fiertés. Quelle politique comptez-vous mener vis-à-vis des marques ?
Chaque année, nous recevons des demandes d'entreprises pour être présentes dans le cortège. Nous les sélectionnons sur un critère simple : pas de pinkwashing à la marche. On ne veut pas faire de promotion, on demande à ce que les marques s'engagent sur des actions concrètes au sein de leur entreprise ou au-delà de l'entreprise pour renforcer l'émergence de personnes LGBT dans leurs instances, par exemple. Si elles ne s'engagent pas, elles ne peuvent pas être présentes dans le cortège.
On leur demande également une contrepartie financière. La marche des fiertés est une marche militante, il n'y a pas de salariés, uniquement des bénévoles. On a besoin d'argent et nous demandons aux marques présentes de financer une partie de la marche. Cela nous permet de proposer à toutes les organisations des frais d'inscriptions très bas.
TÊTU a cru comprendre que la plateforme de vidéo Netflix voulait profiter de la marche des fiertés pour promouvoir une de ses séries. Mais l' Inter-LGBT aurait refusé. Est-ce exact ?
On a bien reçu une demande mais il n'y aura pas de char Netflix dans le cortège, je ne ferai pas plus de commentaire...
Deux associations de lutte contre le sida (Act-up Paris et Aides) se retrouvent en fin de cortège. Dans un communiqué intitulé « le fric devant, le sida derrière ! » Act-up Paris a dit être victime d’un musellement par les organisateurs de la marche, en l’occurrence l’ Inter-LGBT. Que leur répondez-vous ?
Act-up n'est aucunement muselé. Il y a un processus pour placer les chars dans le cortège. Lorsqu'une organisation veut participer à la marche des fiertés, elle doit remplir un questionnaire dans lequel est posée une question simple : "est-ce que vous soutenez le mot d'ordre de la marche des fiertés?" Si l'organisation soutient le mot d'ordre, elle défilera dans la première moitié du cortège. Si elle ne le soutient pas, elle défilera dans la deuxième moitié. Act-up n'a pas signé le mot d'ordre et se trouve donc en queue de cortège.
Enfin, la représentativité des organisations au sein du cortège est roulante. Cela signifie que la marche des fiertés n'a pas de cortège fixe. Les trois dernières années, Act-Up était bien placé dans la marche des fiertés. Cela doit tourner. Il n'y a pas d'organisation plus importante qu'une autre d'où la nécessité d'instaurer un roulement chaque année. Il s'agit là de respect envers toutes les organisations.
Plusieurs collectifs et associations appellent à se placer en tête de cortège pour dénoncer le "pinkwashing" dans la marche. Il y aura une manifestation dans la manifestation ?
A l'inter-LGBT, nous déplorons qu’il y ait des manifestations contre la marche, j’inviterais plutôt ces gens-là à venir nous rencontrer pour discuter et construire quelque chose de positif ensemble. Ils ne sont pas nos ennemis, il ne faut pas se tromper de cible. Nos ennemis sont uniquement ceux qui se battent contre nos droits.
La marche des fiertés débutera samedi à 14 heures place de la Concorde et se terminera place de la République à 17 heures par un concert.