Guillaume Chiche, député LREM des Deux-Sèvres, a annoncé le 15 juillet dans Le Journal du dimanche (JDD) vouloir déposer une proposition de loi ouvrant la PMA à toutes les femmes. Quelles mesures souhaite-t-il mettre en avant exactement ? Il en dit plus dans un entretien accordé à TÊTU.
Vous avez annoncé ce week-end votre volonté de présenter à l’Assemblée une proposition de loi en faveur de la PMA pour toutes. Quelles sont les mesures exactes que vous défendez dans cette proposition de loi ?
Tout d’abord, mon texte défendra l'élargissement de la PMA à toutes les femmes, y compris les couples lesbiens et les femmes célibataires. Il défendra aussi la prise en charge totale par la Sécurité sociale de cette technique. Enfin, le texte prévoit également la double filiation maternelle préalable pour les femmes et la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger.
Sur cette reconnaissance de double filiation maternelle pour un enfant né d’une PMA, êtes-vous également favorable à ce que la méthode de procréation soit inscrite au registre d’état civil de l’enfant, comme le recommande le Conseil d’Etat dans son rapport ?
Je pense que nous devrions l’éviter. Mon entrée sur ce sujet, mais comme sur tous les autres, est la lutte contre les inégalités et les discriminations. Je ne veux pas créer une nouvelle différenciation. Pendant de longues années, on a voulu mettre en avant un seul modèle familial. Chaque femme doit avoir la liberté d’avoir ou non des enfants et il ne doit pas y avoir de marqueurs de différenciations entre les différents modèles de familles.
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Cette proposition de loi est-elle prête ? Quand pourrait-elle être examinée selon vous ?
Il y a un petit enjeu de calendrier parlementaire et d’inscription à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale. L’engagement que je prends, c'est de déposer sur le bureau de l'Assemblée la proposition de loi cette semaine. Ensuite, elle doit passer sous les fourches caudines de l'administration et de l’Assemblée pour éprouver sa sincérité juridique, cela va prendre une semaine. Puis il faut pouvoir l’inscrire à l'ordre du jour des débats parlementaires. Si ce véhicule législatif est retenu, je vise une adoption avant la fin de l’année 2018. Si c'est ce débat est impulsé dès la rentrée parlementaire, à savoir en octobre, ce calendrier est tenable.
Votre texte prévoit la reconnaissance des enfants nés de GPA à l'étranger. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout en la rendant légale en France ?
On n'est pas dans la même logique. Avec la GPA, on est dans une logique où l’on intègre une tierce personne, avec énormément de questions éthiques qui nous ont conduit, lors de la campagne, à nous prononcer en défaveur d’une légalisation de la GPA. C’est une ligne politique que je tiens. Pour autant, dans le cas de personnes qui vont réaliser une GPA à l'étranger, en considération de la législation du pays concerné, il est absolument aberrant de les laisser dans un vide juridique et de faire de leurs enfants des fantômes de la République quand ils reviennent sur le territoire national.
Vous ne parlez pas du don de gamètes. Doit-il selon vous rester anonyme ?
Je n’ai pas de position arrêtée sur cette question de l’anonymat des dons de gamètes. J’ai intégré, comme vous le savez peut-être, une mission d’information parlementaire sur la révision des lois de bioéthiques et c’est une question qui, selon moi, n’est pas encore arbitrée. J’ai pris la peine d’échanger avec de nombreuses associations, notamment LGBT. Certaines me disent qu’elles sont en faveur de la levée de l’anonymat de ce don pour garantir un accès aux origines. D’autres acteurs expliquent que cela pourrait fragiliser l’accouchement sous X. Je vous avoue que ma réflexion n’est pas totalement arrêtée sur ce sujet.
Vous n’estimez pas nécessaire d’attendre l’avis final du CCNE pour déposer cette proposition de loi ?
J’ai suivi les travaux de synthèse que le Comité consultatif national d’éthique a livrés, ils ont clairement été vérolés par des militants politiques conservateurs ce que le Président du CCNE a regretté, c’est un premier élément. Deuxième élément : la dernière fois que le CCNE a dû rendre un avis, c’était sous le quinquennat précédent. On attendu pendant de longs mois avant qu’il n’arrive. Aujourd’hui, cet avis – qui devait être initialement être rendu au mois de juin puis au mois de juillet est maintenant programmé pour le mois de septembre. C’est un avis dont je tiendrai compte, bien évidemment. Par contre, je ne peux pas lier exclusivement mes travaux de parlementaire et ma volonté d’avancer à l’avis du CCNE. Je crois qu’on a été suffisamment clairs sur la boussole politique que nous avons fixée. Et en l'occurrence, elle va dans le sens de la suppression d’une discrimination. Moi, je souhaite qu’on prenne les décisions les plus éclairées possibles, sans oublier qu’au final, la responsabilité de légiférer revient aux parlementaires.
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Le gouvernement lui semblait vouloir attendre l’avis du CCNE. Vous n’avez pas l’impression de bousculer son agenda ?
C’est ce que j’ai expliqué dans l’interview donnée au JDD. L’enjeu n’est pas de mettre la pression ou de bousculer le gouvernement. Notre objectif est commun, il y a une discrimination, une inégalité qui a trop perduré et elle a vocation à disparaître le plus vite possible. Pour atteindre cet objectif, nous avons deux véhicules législatifs : le projet de loi, d’impulsion gouvernementale, et la proposition de loi, d'impulsion parlementaire. Moi, quand j’ai plusieurs moyens de parvenir à un seul objectif, je travaille tous ces leviers, en parfaite collaboration avec toutes les personnes concernées, pour ne pas être pris en défaut.
La PMA était une promesse de campagne du candidat Macron. Mais plus d’un an après son élection, l'exécutif reste flou sur ces questions. Le gouvernement n’a-t-il pas tiré les leçons du mariage pour tous, qui ont montré que plus un débat est long, plus il expose les personnes LGBT à l’homophobie ? Est-ce une raison qui vous pousse à déposer ce texte plus rapidement ?
Ma logique n’est pas celle de dire que le gouvernement est à la traîne mais de travailler sur des véhicules législatifs. J’ai mes convictions. Quand on ouvre un débat comme celui-ci, on en a eu l'exemple avec le mariage pour tous, on a des publics qui en souffrent. Parce que vous avez notamment la libération d’une parole nauséabonde et d’actes homophobes, lesbophobes, transphobes et biphobes. Quand on impulse ces débats, on a une responsabilité qui est de blesser le moins de personnes possibles. Je pense qu’en menant des débats riches mais rapides, on préserve ces personnes, et cela fait partie intégrante de notre responsabilité de parlementaires. Le débat ne doit pas s’éterniser pendant deux ans !
Richard Ferrand s’est exprimé au Congrès de Versailles en faveur de la PMA pour toutes, puis François de Rugy l’a fait sur RMC. On a du mal à croire que vos déclarations ne soient pas concertées. N’est-ce plus commode pour l’Elysée de voir un député porter ce texte ? Cela évite de gêner des membres du gouvernement qui étaient clairement opposés au mariage pour tous, comme Gérald Darmanin, Gérard Collomb ou Jacqueline Gouraud...
Vous savez, je ne suis pas dans les petits calculs politiciens, ma formation politique s’en est émancipée. Je ne suis pas là non plus pour apporter des situations de confort à des membres de l’exécutif qui d’ailleurs ne me le demande pas. Chaque membre de la majorité et du gouvernement a bien en tête les engagements du Président de la République et a accepté de rejoindre le collectif en pleine connaissance de cause. Le projet présidentiel et législatif nous engage, ce n’est pas un jeu à la carte. Ensuite, il y a, c’est vrai, un enchaînement bienheureux entre la déclaration de Christophe Castaner, celles de Richard Ferrand et de François de Rugy, et le fait que je dépose cette proposition de loi. Cela démontre la maturité de la majorité pour porter cette mesure d’égalité. Cela fait trois semaines que je travaille à la rédaction de cette proposition en interrogeant les habitantes et les habitants de ma circonscription, les associations LGBT nationales et locales pour être en mesure de la déposer cette semaine.
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Enfin, êtes-vous pour l'élargissement de la PMA aux hommes transgenres en capacité de procréer ?
J’ai envie de vous dire oui. Il y a beaucoup d’a priori sur l’identité de genre qui alimente l’intolérance. La PMA est une technique médicale qui doit être ouverte à tous sans discriminations et donc aux hommes transgenres. Je maintiens cette logique qui est la mienne : établir une égalité d’accès à la PMA.
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Entretien mené par Rozenn Le Carboulec et Romain Burrel