La PMA pour toutes reportée à l'été 2019 : la reculade de trop

Par Rozenn Le Carboulec le 16/11/2018
PMA

La PMA pour toutes, qui devait être examinée au Parlement en début d'année 2019, est finalement repoussée à l'été prochain. Une reculade de trop, que les personnes LGBT paient au prix fort.

Comme un air de déjà vu. Une reculade de plus. Le goût amer de promesses reportées ou non tenues. Alors qu’il était prévu avant la fin de l’année 2018, le projet de loi sur la bioéthique, dans lequel doit figurer l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, sera reporté à l’été prochain.

C’est le député LREM Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission d'information sur la bioéthique à l’Assemblée nationale, qui l’a confirmé à l’AFP et à TÊTU, après une information révélée par nos confrères de Libération, ce jeudi 15 novembre. « On aura le projet de loi de révision constitutionnelle, reporté cet été à cause de l'affaire Benalla, la réforme des retraites, la loi école… », avance le député LR Xavier Breton en guise de justification.

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En juillet dernier, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, avait pourtant affirmé que le projet de loi sur la bioéthique serait présenté avant la fin de l’année, en vue d'un débat au Parlement en janvier 2019.

"Un engagement fort du gouvernement", vraiment ?

Six ans plus tôt, c’était le gouvernement de François Hollande qui faisait un premier pas en arrière en matière d’égalité des droits pour les couples LGBT+, tirant un trait sur une promesse de campagne.

D’abord annoncée dans le cadre de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la PMA pour toutes devait finalement figurer dans la loi sur la famille. "Ce projet de loi, qui concernera toutes les familles, hétérosexuelles et homosexuelles (...) sera examiné par l'Assemblée nationale avant la fin de l'année 2013", déclarait alors Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille. Elle ajoutait : "La PMA sera abordée dans le cadre de ce projet de loi. C'est un engagement fort du gouvernement qui a une position claire sur ce sujet".

Puis, en février 2014, le couperet tombe : Manuel Valls enterrait lui-même le projet de loi sur la famille, et avec lui la PMA pour toutes les femmes.

Combien de femmes en ont payé les frais ?

On voit donc le résultat de cet “engagement fort” du gouvernement Hollande, six ans plus tard. Six années durant lesquelles des femmes célibataires et des couples de femmes ont dû choisir entre avoir recours à des PMA à l’étranger dans les meilleurs des cas, ou repousser leurs projets parentaux. Six années de plus durant lesquelles ces familles ont ensuite dû se battre pour être reconnues comme telles au regard de la loi, après des procédures de mariage et d’adoption longues, fastidieuses, humiliantes et intrusives. Six années à justifier un amour et une existence pourtant déjà bien réels.

Les reculades successives n’effaceront pas nos familles. Au contraire. Plus de la moitié des personnes LGBT souhaitent avoir un enfant au cours de leur vie, selon un sondage de l’Association des familles homoparentales (ADFH). Et parmi elles, près de deux lesbiennes sur trois (62%), qui comptent, pour la grande majorité, avoir recours à une PMA (73%). Combien sont dans l’attente désespérée d’avoir, enfin, le feu vert de l’État français ?

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Des précautions inutiles

Verts. Les voyants le sont pourtant désormais tous. Le Conseil d’État ne voit “aucun obstacle juridique” à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Le Comité consultatif national d’éthique a, quant à lui, rendu un avis favorable à sa légalisation. Enfin.

Et les Français.e.s y sont également en grande majorité favorables (de 64% à 75% selon les sondages). Alors pourquoi tant de précautions ?

Pourquoi annoncer la création d’un groupe parlementaire transpartisan sur la PMA, pour finalement y renoncer ? Pourquoi affirmer qu’il n'est pas question de “passer en force”, de “brutaliser les consciences” sur ce sujet ?

Combien de morts faudra-t-il ?

Les consciences qui sont brutalisées, par ces reculs successifs, sont en premier lieu celles des enfants, qui naissent dans un cadre juridique incertain, et dont la seconde mère doit se battre pour être reconnue comme telle. Ce sont celles des femmes célibataires et des familles homoparentales, qui sont humiliées, insultées et invisibilisées depuis des années. Ce sont celles, enfin, de l’ensemble des personnes LGBT+, qui subissent de plein fouet la violence de ces débats qui n’ont que trop duré.

Avec 3.517 témoignages d’agressions homophobes reçus (+78%), 2013 a été la pire année observée par SOS Homophobie en 20 ans. En reléguant de nouveau la PMA pour toutes au dernier plan, le gouvernement ne fait que nourrir et provoquer ces violences. L’actualité ne le démontre que trop bien. Combien de visages de gays tuméfiés, combien de gueules cassées, de lesbiennes menacées de mort ou de viol, de personnes trans’ assassinées ont fait la Une des médias, ces derniers mois ? Combien en faudra-t-il encore ? Combien de morts ?

Le 30 octobre dernier, plusieurs ministres annonçaient, face à la multiplication alarmante des agressions, vouloir élaborer une “feuille de route” contre les LGBTphobies avant la fin de l’année. Et si Emmanuel Macron commençait par tenir sa promesse de campagne en légalisant rapidement la PMA pour toutes les femmes ? L'hypocrisie et les effets d'annonce n'ont que trop duré. À chaque pas en arrière, le gouvernement se rend responsable de ces insultes proférées et de ces visages tuméfiées qui hantent désormais nos quotidiens. 

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