Le 23 avril 2013, le parlement français votait la légalisation du mariage pour tous. Retour sur cette journée riche en émotions à travers l'histoire de Guillaume.
C'est un anniversaire que l'on aime particulièrement célébrer La loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe en France a été votée il y a six ans, le 23 avril 2013. Une date qui restera gravée dans la mémoire de nombreuses personnes LGBT+. On se souviendra surtout du magnifique discours de la Garde des Sceaux Christiane Taubira, qui avait conduit, dans une ultime envolée lyrique, à faire se lever l'hémicycle (presque) tout entier. Pour TÊTU, Guillaume, 42 ans, enseignant-chercheur le jour et drag-queen la nuit, a accepté de revenir sur cette journée si particulière.
"J'étais au travail le 23 avril 2013. Je suivais les derniers débats dans l'hémicycle en actualisant frénétiquement mon fil Twitter et la vidéo-live de l'Assemblée Nationale. C'est quand j'ai commencé à pleurer que je suis rentré chez moi pour voir la suite. Parce que même si j'évolue dans un environnement professionnel plutôt ouvert, je ne m'y sentais pas suffisamment en sécurité au point de me laisser aller.
"Taubira était extraordinaire"
Une fois arrivé à mon domicile, j'ai de nouveau pleuré. Mais rien d'exceptionnel, ça m'arrive souvent (rires). Et, surtout, ça n'était pas la première fois que j'étais ému devant un discours de Christiane Taubira ou en écoutant ses réponses aux questions des certain.e.s député.e.s. Christiane Taubira était quand même extraordinaire et irréprochable. Mais au-delà de l'émotion, j'étais surtout soulagé de tourner une page de l'histoire traumatique.
'C'était une période où j'étais plutôt seul'
C'était une période où j'étais plutôt seul. Mon meilleur ami était parti vivre aux Etats-Unis, je vivais une histoire à distance avec un garçon à Montréal et je n'avais pas beaucoup d'amis LGBTQ+. Dans le même temps, je commençais à suivre beaucoup de militants sur Twitter pour me tenir informé des débats et partager avec eux le traumatisme que représentait pour moi l'émergence de La Manif pour Tous.
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Syndrome post-traumatique
Même juste après le vote de la loi Taubira, je tournais davantage en boucle sur le thème du syndrome post-traumatique de la Manif pour Tous que sur l'avancée que le Mariage pour Tous représentait en termes d'égalité des droits. Avec le recul, je me dis que c'est incompréhensible que le gouvernement et le Président Hollande aient laissé trainer les débats pendant aussi longtemps. Ils nous ont laissé à la merci des épouvantables discours homophobes de La Manif pour Tous et de la droite.
'J'ai autant souffert de l'émergence de La Manif pour Tous que de devoir expliquer à mon entourage cette souffrance'
Ma famille et mes ami.e.s étaient tou.te.s pro-mariage pour tous, majoritairement hétérosexuel.le.s, et nous n'avons jamais vraiment débattu du 'pour' ou 'contre' le mariage pour tous. En revanche, j'ai été contraint de faire preuve d'énormément de pédagogie pour leur expliquer que c'était traumatisant de voir ce débat s'éterniser, ses cortèges réactionnaires dans la rue et qu'il ne s'agissait pas juste de grenouilles de bénitier dont la voix, sans importance, allait finir par se taire à jamais.
Leurs manifestations ne relevaient pas que de la liberté d'expression ou de la légitimité du débat parlementaire, ils étaient des discours homophobe et douloureux à entendre pour les concerné.e.s. D'autant qu'il s'est éternisé sur plusieurs mois. J'ai autant souffert de l'émergence de La manif pour tous que de devoir expliquer à mon entourage cette souffrance.
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Sur une note plus positive, le mariage pour tous du 1er juin 2013 était un très beau moment. Mais je me souviendrais surtout du mariage de Bègles, en 2004, célébré par Noël Mamère. Cette cérémonie avait bousculé l'ordre établi tout en allant dans le sens de l'égalité des droits."
Crédits photo Une : AFP et Jean Ranobrac/DR