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interviewVoyou : "Quand je sors, je vais toujours dans les soirées queer"

Par Antoine Patinet le 20/06/2019
Voyou

Alors qu'il sera le 21 septembre au festival "Paris est TÊTU", on a voulu en savoir plus sur le drôle d'oiseau Voyou, jeune chanteur adepte d'une pop française en apparence lumineuse, mais plus sombre lorsqu'on y prête davantage attention...

Voyou est un garçon qui se donne un air cool, avec ses cheveux longs et son look de skater hipster (ou vice-versa). Mais quand on le regarde dans les yeux, on sent que ça gamberge sec. Il est passé nous voir chez TÊTU un après-midi, et on a découvert un allié sympa, qui a vécu, comme beaucoup de personnes LGBT, le harcèlement scolaire et le désir de se barrer de sa ville natale. Une raison de plus d'aller l'applaudir, le 21 septembre prochain, au festival Paris est TÊTU.

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TÊTU : Bon, dis-nous, t'es quand même pas le genre de voyous qui embêtent les couples homos qui se tiennent la main dans la rue? 

Voyou : Non loin de là ! Je m'appelle Voyou justement parce que je fais des conneries qui font de mal à personne. Dans le mot "voyou", il y a un côté un peu gentil, affectueux. La majeure partie des choses stupides que j’ai faites dans ma vie c'était pour faire rire mes copains. J’escaladais des trucs, j’ai inondé mon internat, des chambres d’hôtel... Ah j’ai aussi beaucoup vidé d’extincteurs, et vider des extincteurs, ça peut avoir des conséquences plus graves. Quand je le fais, je préviens toujours la réception (rires).

Dans la chanson "On s'emmène avec toi", tu racontes l'histoire de quelqu'un qu'on "montre du doigt", et qui s'en "prend plein la gueule dans la cour de l'école". Tu parles de toi ? 

J’étais un gamin gros, donc oui, je m’en suis pris un peu plein la gueule quand j’étais au collège. Le collège, c'est vraiment le moment où tu commences à te rendre compte de la méchanceté des gens. Avant tu n'en es pas vraiment conscient. J'ai été montré du doigt, mais ça ne m’a jamais atteint car j’avais des amis intelligents, très bienveillants avec moi. Et puis, j'avais développé un réflexe défensif : je m’auto-vannais beaucoup, ça dissuadait un peu les autres de le faire.

"J'ai lu En finir avec Eddy Bellegueule et je me suis vachement retrouvé dans son personnage."

En fait, tu étais avec nous dans le Glee Club ! 

Oui d'une certaine façon ! (rires) Beaucoup d'artistes que j'ai rencontrés ont été persécutés plus jeunes, et plus j'y réfléchis, et plus je crois que je suis content d'avoir un peu mordu la poussière. Je ne crois pas qu'il fasse si bon que ça être le persécuteur, parce que ça veut dire qu'il se sent à sa place dans cet endroit. Et qu'il y restera probablement. Alors que les gens qui ne se sentent pas à l'aise partent. Ils vont chercher des gens qui leur ressemblent, qui vont les accepter. Ils ont moins peur de sortir de leur zone de confort. 

Toi tu en es parti ? 

Oh oui ! Moi je viens du nord de la France, pas loin de Lille. Quand j'ai lu "En finir avec Eddy Bellegueule", je me suis vachement retrouvé dans son personnage. Edouard Louis a une manière très forte de décrire cette gêne : quand tu es dans un monde qui n'est pas fait pour toi, que tu le sens, mais que tu cherches aussi à te convaincre que tu es là où tu dois être. J'imagine que c'est la vie de beaucoup de gens dans la communauté queer, sauf peut-être pour ceux qui ont grandi dans le 11e arrondissement de Paris. 

"Quand des homophobes tabassent un gay ou une lesbienne, c'est gratuit. Et donc inexcusable."

Dans la chanson "Les Trois Loubards", tu cherches un peu à dédramatiser une agression avec l'humour. Ça peut sauver, d'être drôle ? 

Dans cette chanson, j'essaie surtout de me convaincre que des mecs qui m'ont racketté pourraient changer d'avis et me rendre mes affaires après qu'on ait discuté. Mais je crois assez profondément qu'en parlant aux gens, on peut se comprendre et inverser le cours d'une situation. Après, on ne peut pas comparer un racket avec une agression homophobe. Quand les mecs volent, pour la plupart, c'est qu'ils n'ont pas le choix. Quand des homophobes tabassent un gay ou une lesbienne, c'est gratuit. Et donc inexcusable.

Toutes tes histoires ne sont finalement jamais très positives, mais toujours très imagées ou un poil absurdes, ce qui fait qu'elles ne sont jamais déprimantes. D'où tiens-tu ce style très particulier ? 

Je crois que ça vient beaucoup de dialogues de films. J’ai regardé beaucoup de Bertrand Blier, des films français des années 70-80,  de réalisateurs que ça emmerdait le cinéma qui se regarde réfléchir. Dans ces films, il y avait toujours un rapport à la parole différent, à la fois quelque chose de très direct, et une volonté de faire passer des idées un peu graves par l’humour. Ça crée de la tendresse dans le rapport du spectateur au personnage. C'est peut-être ce genre tendresse qui fait que mes chansons ne sont pas tristes. Et puis j'essaye toujours de laisser une ouverture un peu plus optimiste, car je ne crois pas à la fatalité. 

Sauf peut-être sur "Seul sur ton tandem", peut-être le texte le plus mélancolique du disque, alors que dans la prod', c'est un tube ultime. Quand on est tout seul sur son tandem, il ne vaut pas mieux acheter un vélo ? 

Quand tu te sépares de quelqu’un, c’est pas parce que la personne est plus là que tu dois te séparer de tous les souvenirs. On n'oublie pas tout de suite, et c’est un poids pour avancer. C’est ton fardeau, tu vas faire naviguer une place vide, mais tu dois quand même la faire naviguer.

Tu as fait un duo avec Yelle, qu'on aime d'amour. Elle est comment ? 

C'est une des personnes les plus douces et les plus gentilles que je connaisse. Je me suis retrouvée avec elle et Grand Marnier (son producteur, ndlr) pour travailler sur des morceaux pour elle. C’était tellement simple et détendu, on a ri, j’avais l’impression que j’étais avec des gens que je connaissais depuis longtemps.

Ce qui m’inspire chez elle,  c’est que ce n'est pas une star, c'est une icône ! Elle représente quelque chose qui fait du bien. C’est le genre de carrière que je veux : pas de radio, pas de télé, et un bon coup de pied au cul aux mecs de maisons de disques ! (rires)

Elle va venir t'applaudir au festival Paris Est TÊTU ? T'as prévu quoi ? 

Je ne sais pas mais ce que je sais, c'est que ça va être très chouette ! Dans mes concerts, on est quatre sur scène et on s’amuse beaucoup. On change tout le temps d’instruments : il y a des percussions, des cuivres, du saxo, de la trompette, de la basse, de la guitare... Je dis beaucoup de conneries et je danse aussi ! Je t’avoue que quand je sors, je vais toujours dans les soirées queer, parce que c’est là où t’as la meilleure musique, mais aussi parce que c'est les environnements les plus bienveillants, personne ne te juge. Et comme j'ai une façon très bizarre de danser, au fond, ça m'arrange ! 

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Crédit photo : Pierre-Emmanuel Testard

>> Retrouvez Voyou aux côtés d'Hyphen Hyphen, Jake Shears, Arnaud Rebotini, Corine, Malik Djoudi et beaucoup d'autres au festival Paris est TÊTU, les 21 et 22 septembre 2019 au Jockey Disque de l'hippodrome d'Auteuil !