Un documentaire diffusé sur Public Sénat, intitulé Coming out dans la police, brise le tabou de l'homosexualité dans les forces de l'ordre. Têtu a recueilli le récit d'un policier qui raconte son expérience.
Peu à peu, le tabou se fissure. Ce vendredi 20 décembre, à 22h, Public Sénat rediffuse le documentaire "Coming out dans la police", qui lève le voile sur le tabou de l'homosexualité dans les forces de l'ordre. Le film commence par le discours émouvant – le 25 avril 2017 dans la cour d'honneur de la préfecture de police de Paris – d'Étienne Cardiles, compagnon du policier Xavier Jugelé tué par un terroriste quelques jours plus tôt. Ce sont ces mots poignants qui ont poussé la réalisatrice Cécile Patingre à aller écouter les parcours de policiers, policières, gendarmes homosexuels. À cette occasion, Têtu a décidé de donner la parole à Mickaël, policier homosexuel de 44 ans, qui revient sur les étapes qui l'ont conduit à faire son coming out, de la peur à l'acceptation.
« J’ai d’abord arrêté la fac pour faire l’armée. Je trouvais que c’était quelque chose du siècle dernier, mais je n’avais pas le choix. J’en ai un peu bavé mais j’ai trouvé ça bien. À l’époque, je n’assumais pas du tout mon homosexualité. Je le savais très bien, mais je venais d’une petite ville du fin fond de la Bretagne, d’une famille catholique où tout était tabou. Je n’avais pas de repères.
Comme je n’aimais pas le casernement, j’ai réfléchi et je me suis dit : pourquoi pas la police ? En préparant mes concours, j'ai compris que quelque chose n’allait pas. Je me forçais à avoir des relations hétérosexuelles alors que j’étais homo. Ça commençait à me travailler. J’ai pris mon essor tout seul.
Menaces de mort contre un collègue
J’ai réussi mes examens et je suis arrivé à Paris. C’est à l’école de police que j’ai commencé à faire mon coming out, mais seulement auprès de certaines personnes de confiance. Les premières réactions, c’était : "Ouais, et alors ?" Ils s’en foutaient complètement. Mais, avant de le leur dire, j’ai dû "faire mes preuves", montrer que je travaillais bien.
Quand je suis arrivé en compagnie d’intervention, ça a été la douche froide. Une semaine après mon arrivée, un collègue avait eu le malheur de faire la Gay Pride. Deux jours après, il a retrouvé son placard peint en rose avec des lettres de menaces de mort écrites par d’autres collègues. Ce qui m’a dégoûté, c’est que les gens qui ont fait ça n’ont pas été déplacés, c’est lui qu’on a déplacé. C’est la victime. Ça m’a complètement refroidi et je suis resté dans le placard. J’ai demandé à changer de service.
"J'ai pété un câble"
Je suis arrivé à la BRF (brigade des réseaux franciliens). J’ai attendu un peu avant de me faire mon coming out. Et j’ai bien fait. Il y avait des remarques un peu "hard". J'en ai parlé à d’autres collègues dans le service, qui eux-mêmes étaient homosexuels et faisaient profil bas comme moi. Un jour, j’ai pété un câble. En patrouille, un collègue homo a vu deux hommes se tenir par la main et a dit : "Regardez-moi ces tarlouzes." Ça faisait longtemps que je le voyais dire ce genre de choses. Pour lui, c’était une protection. Mais là, je ne pouvais pas. J’ai pété un câble et j’ai tout balancé. J’ai dit devant tout le monde : "Tu ne peux pas dire ça alors que tu es toi-même homo !" Avec le bouche-à-oreille, tout le monde a su que je l’étais aussi.
Je suis resté, et ça s’est super bien passé. Ça fait presque treize ans que je suis dans la brigade et que tout le monde me connaît en tant que "Mickaël", et pas "Mickaël le pédé". Dans notre brigade, on est tous collègues. Dans les vestiaires, tout le monde sait que je suis homo et personne ne va changer de vestiaire parce que je me change à côté de lui. Quand il y a des repas de brigade, mon compagnon est invité. Mes collègues le connaissent. Ils nous voient comme un couple comme les autres. Ma hiérarchie me soutient : elle m’a même laissé prendre des jours pour manifester pour le mariage pour tous. Je n’ai jamais entendu de remarques ou de propos homophobes. J’entends certes quelques "pédés", mais ce n’est pas fait pour être homophobe, c’est un peu comme ce qu’on entend dans les stades de foot.
Pin's arc-en-ciel sur l'uniforme
Depuis un an et demi, sur mon gilet tactique, quand je suis en patrouille, j’ai un tout petit pin’s "rainbow flag". Ma hiérarchie ne me dit rien. Je suis maintenant le brigadier de police visible, avec un pin’s "homosexuel". Je travaille sur toute la région Île-de-France. Quand je vais dans les commissariats, certains viennent me voir en "off" et me disent : "Tu es courageux de le mettre, moi je ne peux pas."
Par rapport à certains collègues, je suis resté à l’abri. Je pense que je me suis dévoilé au bon moment, et dans le bon service. La police reste un métier à connotation masculine - même s’il on peut être homo et viril. Dans l’imaginaire des gens, le rêve c’est le GIPN (groupe d’intervention de la Police nationale) ; mais là, vous ne trouverez pas d’homo sortis du placard. Mais quand on explique bien les choses, je pense que c’est facile. La société évolue et la police aussi. »
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