justiceTransidentité : le rappel à l'ordre salutaire du défenseur des droits

Par Nicolas Scheffer le 26/06/2020
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Le Défenseur des Droits a rendu aujourd'hui une décision-cadre sur la transidentité. Si elle rappelle aux personnes trans quels sont leurs droits, elle donne aussi dix recommandations pour faciliter la vie des concerné.e.s.

"Les droits des personnes transgenres ont avancé mais dans les faits, les discriminations restent importantes", souffle Martin Clément, chef du pôle dédié à la promotion de l'égalité du Défenseur des droits. Ce dernier - qui quittera son poste au mois de juillet - publie ce vendredi une décision-cadre sur le respect de l'identité de genre des personnes trans. Un document juridique qui permet de connaître «l’ensemble des positions de l’institution relatives à l’identité de genre et aux personnes transgenres»afin que ces dernières puissent faire valoir leurs droits devant l’administration et les tribunaux. Car il y a urgence : en un an, les saisines des personnes transgenres ont augmenté de 13% (+ 38% pour celles des personnes lesbiennes, gay ou bi). "C'est énorme", insiste Martin Clément.

Tout d'abord, le Défenseur regrette que le changement d'état civil d'une personne trans nécessite qu'un officier de l'état civil apprécie "l'intérêt légitime" du changement de prénom. L'agent doit juger si l'apparence d'une personne est masculine ou féminine. De plus, certaines mairies demandent des pièces médicales (ce qui est facultatif dans la loi). De fait "la procédure ne connaît pas une application uniforme sur le territoire", juge le document que nous avons pu consulter. Pour que le changement soit plus accessible, il faudrait, comme en Belgique, que la personne atteste simplement le genre mentionné sur son acte de naissance ne correspond pas à son identité vécue.

À l'école ou dans l'entreprise, l'identité de genre n'est pas respectée

Le Défenseur des droits appelle aussi à ce que l'école soit plus inclusive. Seuls 13% des jeunes transgenres parviennent à faire respecter leur identité au sein de leur établissement. Or cela a une conséquence directe sur la scolarisation des enfants : 80% des trans de moins de 25 ans disent avoir vécu une scolarité "mauvaise" ou "très mauvaise" en raison de leur identité de genre. Par ailleurs, l'institution regrette les difficultés pour faire rééditer ses diplômes après leur transition.

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Dans l'entreprise, la situation n'est pas meilleure. Le document rappelle qu'on ne peut pas refuser un poste à quelqu'un au prétexte de son identité de genre. Dès 2015, les prud'hommes ont condamné une association qui souhaitait embaucher une femme transgenre. L'association l'avait inscrite dans son planning, mais au moment de montrer ses papiers d'identité, l'employeur a annulé l'embauche. Pour que les entreprises puissent mieux inclure leurs salariés, le Défenseur invite à diffuser un guide de bonnes pratiques. De plus, il n'est pas nécessaire d'indiquer le prénom et le genre indiqué à l'état civil pour de nombreux documents (bulletins de salaire, annuaire interne, messagerie...).

Fin du "Monsieur, madame"

L'institution rappelle les difficultés des personnes transgenres à accéder à certains biens ou services. Alors même que cela est illégal. Mais au-delà, les marques et les entreprises sont invitées à limiter les informations qu'elles demandent. De plus, l'adresse "monsieur, madame" en début d'un courrier "n'est pas un élément de l'état civil et aucun obstacle technique ou juridique ne peut s'opposer à ce que cette mention soit retirée des documents contractuels courants (décompte des consommations, facturation...)", rappelle la décision.

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Le Défenseur des droits salue la prise en charge à 100% par la Sécurité sociale de la transition médicale. En revanche, pour obtenir le remboursement d'une mammectomie ou d'une mastoplastie d'augmentation, une personne cis n'a pas à obtenir un certificat médical co-signé équipe pluridisciplinaire, comme une personne trans. Cela "a pour conséquence de priver les personnes transgenres de soins nécessaires à leur transition médicale et porte atteinte au respect de la vie privée". De plus, le début d'un parcours de transition augmente le risque d'infertilité. L'institution recommande que la conservation des gamètes soit prise en charge par la Sécurité sociale. Certains centres ont refusé à des personnes transgenres de prélever leurs gamètes, le Défenseur demande au ministère de la Santé de diffuser une circulaire.

Faire (enfin) respecter les droits des trans en prison

Un vide juridique concerne la filiation des personnes transgenres en capacité de procréer. Certaines personnes transgenres ont des difficultés à être reconnues comme parent. Le Défenseur appelle les parlementaires à s'emparer du vide juridique pour y remédier "dans l'intérêt supérieur de l'enfant".

Enfin, la décision s'empare de la difficulté de faire reconnaître son genre en détention. Certaines femmes trans ont été placées dans des cellules pour hommes et inversement. Les fouilles peuvent aussi être problématiques et pratiquées par quelqu'un d'un genre différent, alors que la loi prévoit l'inverse. Le défenseur alerte aussi sur la difficulté à obtenir un traitement médical.

Article mis à jour à 13 heures 30, le 26 juin 2020

Décision cadre n°2020-136 by Scheffer on Scribd