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entrepriseA la veille d'un nouveau confinement, les lieux LGBT+ sont plus que jamais menacés

Par Nicolas Scheffer le 29/10/2020
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Déjà fragilisées par le premier confinement, les entreprises communautaires sont clairement effrayées à l'idée de devoir fermer à nouveau. Pour survivre, elles vont avoir besoin d'aide.

D'ordinaire, Quentin aime commencer son weekend par une bière au Cox, il mange un bout dans le coin avant d'aller au Tango pour aller danser. Après un passage au Raidd bar, connu pour ses chorégraphies sous la douche, il rentre rarement seul chez lui pour passer la nuit. Mais depuis le confinement, et, ensuite, la mise en place du couvre-feu, ses vendredi soirs se limitent à un Deliveroo avec une série Netflix. Exit la vie gay.

Les commerçants ne sont pas plus enthousiastes que Quentin. Ils sont même carrément anxieux. Après plus de deux mois de confinement, la plupart des gérants interrogés voulaient remonter leurs manches. Certes, le confinement avait mis à rude épreuve la trésorerie de leurs établissements, mais ils étaient d'attaque pour reprendre le travail. Alors qu'Emmanuel Macron a annoncé un reconfinement généralisé, les voilà au mieux groggy, au pire effondrés.

Des dettes qui s'accumulent

"On a fait moins de chiffre d'affaire en août que l'année dernière alors qu'on avait fermé le bar pendant trois semaines", se désole Anne Delarue, co-gérante du Bar'ouf, l'un des seuls établissements lesbiens de la capitale. La tenancière ne veut même pas jeter un œil sur les comptes tellement ils sont catastrophiques. Le bar a perdu plus de la moitié de son chiffre d'affaire sur l'année. Anne est pendue à sa demande d'aides, tout en sachant que ça ne suffira pas à éponger les pertes abyssales. "Le moral n'est pas au plus bas, mais ce n'est franchement pas loin", euphémise-t-elle.

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"Mon propriétaire a été sympa en reportant mon loyer pendant le confinement. Depuis cet été, je commençais à peine à le rembourser", raconte-t-elle au téléphone. Depuis le couvre-feu et le 16 octobre, son bar est fermé, mais elle doit payer ses charges fixes : loyer, expertise comptable, voiture de l'entreprise, caméras de surveillance... Avec tout cela, elle ne sait pas comment elle réussira à rembourser le prêt garanti par l'État qu'elle a contracté au début de l'épidémie. "Ce serait un miracle", insiste-t-elle.

Ses clientes, pour la plupart des habituées de ce bar à filles, la soutiennent moralement et financièrement. Pour aider le bar, elles ont alimenté une cagnotte Leetchi : 13.000 euros ont été récoltés. Certes, cela ne représente pas énormément pour faire vivre le bar, mais c'est une perfusion franchement bienvenue.

Des aides insuffisantes

Avant le reconfinement, le Sneg & Co, le syndicat des entreprises gay et alliées appelait à la réouverture des bars et des salles de sports. Remi Calmon, le directeur exécutif du syndicat s'alarme de l'état économique des lieux communautaires. "On n'a pas de chiffre puisque la situation est très fluctuante. Mais on constate que les entreprises sont très affectées", dit-il. Pour preuve, des dizaines de ses adhérents n'ont pas été en mesure de payer leur cotisation.

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Le syndicat regrette que les aides sur les charges ne prennent pas en compte les disparités de situations. "À Paris, la pression des loyers est terrifiante. Parfois, les aides d'État sont entièrement consommées sur le loyer", regrette-t-il.

42 contrôles en trois mois

À Montpellier, le Coxx a rouvert pendant l'été pour la convivialité, mais "on ne gagne pas d'argent en ouvrant", indique Quentin Mattei, le directeur artistique. À chaque fois qu'il ouvrait, Quentin était suspendu aux autorités. "On était dans la crainte d'une fermeture administrative de peur que les gestes barrières ne soient pas assez respectés", se remémore-t-il. Dans cette ville qui fût jadis "la plus friendly de France", le préfet a interdit la musique amplifiée (dixit).

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Beaucoup plus au nord, dans le vieux Lille, le Privilège, l'un des plus anciens établissements de la capitale des Hauts-de-France, a fait l'objet de 42 contrôles de police en trois mois. Pourtant, le patron, Guillaume Delbarre, a demandé à ses employés et ses clients un respect scrupuleux des consignes sanitaires. Mais les recommandations changent tellement qu'il a du mal à s'y retrouver, concède-t-il. Résultat, entre les pertes financière et les contraintes à respecter pour ouvrir, il a préféré baisser le rideau.

"Je n'ai plus d'idées"

Jean-Jacques Delarue, des Garçons dans la cuisine a rendu son tablier quand Emmanuel Macron a imposé un couvre-feu. "On ne peut pas proposer un dîner à des gens et leur dire de rentrer chez eux alors qu'ils ont à peine commencé leur plat !", s'égosille-t-il. Certes, il pourrait repenser sa carte pour proposer des tapas plutôt que des plats, mais le coeur n'y est pas. "Ce n'est pas mon métier", juge-t-il. La vie est devenue impossible pour ce restaurateur qui ne sait plus s'il doit refaire ses stocks de nourriture, ou les écouler à tout prix de peur de gâcher. "Je n'ai plus d'idées pour sauver les meubles".

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Son entreprise reçoit 1.500 euros par mois qu'il doit partager avec son associé pour se payer un peu. Mais il a préféré les réinvestir dans l'affaire pour payer ses factures. Quant au 10.000 euros d'aides promises pour aider les entreprises à payer leurs charges, il n'en n'a pas encore vu la couleur. "On a vraiment le sentiment de naviguer à vue. Les décisions changent toutes les semaines et on ne voit pas les textes juridiques qui sont annoncés", peste-t-il, agacé.

"Les lieux LGBT+ se renforcent les uns les autres"

Au Secteur X, un sex club parisien, Francis Maubant reconnaît que la situation était intenable. Certes, il y avait du gel (hydroalcoolique) partout, des plexiglass pour protéger le bar, et les locaux étaient désinfectés toutes les deux heures. Mais "on ne peut pas faire de distanciation dans les zones de jeu", indique-t-il.

Le gérant craint un effet boule de neige de fermeture des lieux communautaires. "Les lieux LGBT+ se renforcent les uns les autres. Les clients viennent chez nous après être allé au bar, au sauna ou dans un sex shop. C'est tout un écosystème qui est fragilisé", insiste-t-il.

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Et même une culture. Sans bar ouverts, pas de show de drag, pas de scène ouverte. "Les aides sont bienvenues mais elles sont marginales", indique Christophe Vix-Gras, associé du Rosa Bonheur. Il regrette que les bars et les boîtes ne reçoivent aucune aide dédiée au monde de la culture. À Montpellier, Quentin Mattei acquiesce. Lui non plus n'a pas eu le droit aux enveloppes de dédommagement proposées par le gouvernement, malgré l'annulation de DJ set, de show de drag queen et king et des expositions dans son bar. "La culture, ce n'est pas que l'Opéra de Paris !", souffle-t-il. "Les nuits queer prenaient déjà cher avant le Covid, 'est de leur survie dont il s'agit maintenant", déplore le patron du Rosa.

 

Crédit photo : Shutterstock