HongrieAprès la Pologne, une ville hongroise prend une résolution anti-LGBT+ pour interdire un conte de fée inclusif

Par Nicolas Scheffer le 17/11/2020
conte

Une ville a adopté une résolution pour interdire "la diffusion et la promotion de la propagande LGBTQ". Elle vise un conte de fée qui met en scène des personnages lesbiens et trans.

La Hongrie prend exemple sur l'homophobie d'État qui sévit en Pologne. La ville de Nagykáta a adopté une résolution interdisant "la diffusion et la promotion de la propagande LGBTQ" par les institutions gérées par la municipalité. En cause ? Un conte de fée inclusif qui suscite un tollé dans tout le pays. Certains militants, comme Remy Bonny, y ont vu l'instauration de la première zone "sans LGBT" en Hongrie.

Ákos Szabó, l'un des conseillers municipaux a annoncé sur Facebook que Nagykáta a interdit la diffusion dans les bibliothèques et les écoles d'un livre intitulé Un conte de fée pour tous. Ce conte met en scène des minorités : des héros en situation de handicap ou rom, des fées et des sorcières lesbiennes et transgenres... "Je veux que nos enfants grandissent avec des contes traditionnels où la Belle au bois dormant est amoureuse d'un prince, pas d'une princesse", écrit Ákos Szabó avant de publier une copie de la résolution votée par le conseil municipal. Selon le texte, cette interdiction "est nécessaire pour le développement spirituel et naturel des enfants". "Le conseil des représentants autorise le maire à prendre les mesures nécessaires", insiste la résolution sans entrer dans les détails.

"Déviance et propagande gay"

Selon Ákos Szabó, qui se prend en photo avec des livres de Trump, l'opposition "défend clairement la déviance et la propagande gay". "Être LGBTQ est une idéologie libérale, une orientation sexuelle choisie", ajoute-t-il dans un entretien à Telex. "Je ne serais pas surpris s'ils essayaient de faire élire un travesti déviant", ajoute-t-il. Ce livre, édité pour le compte de l'association de femmes lesbiennes Labrisz, a été l'objet d'un tollé national.

L'un des maires d'arrondissement de Budapest a fait interdire sa lecture dans les écoles maternelle. Des affiches ont été placardées sur des devantures pour stigmatiser les libraires, selon Le Monde. On peut y lire "Attention ! Cette librairie vend de la propagande homosexuelle dangereuse pour les enfants". Le 25 septembre, Dora Duro, députée et vice-présidente du parti d'extrême droite a passé le livre dans une broyeuse devant des caméras, lors d'une conférence de presse.

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"Mon parti ne tolère pas que les enfants soient exposés à la propagande homosexuelle en introduisant des modes de vie anormaux dans des livres d'histoire mensongers, car il n'y a jamais eu de princes homosexuels dans la culture hongroise", a-t-elle déclarée. Son mouvement s'est déjà fait connaître pour avoir brûlé des drapeaux arc-en-ciel sur la place publique. Interrogé à la radio sur l'épisode de la broyeuse, le premier-ministre ultra-conservateur Viktor Orban est allé dans son sens. "Il y a une ligne rouge que les homosexuels ne devraient pas franchir... laissez nos enfants tranquilles", a-t-il dit.

Amendements à la constitution

Le gouvernement hongrois veut changer la constitution pour restreindre les droits des personnes LGBT+. L'exécutif veut y inscrire que "la mère est une femme, le père est un homme". L'adoption ne serait autorisé que pour les couples mariés. Cette mesure vise à interdire aux personnes officiellement célibataires d'adopter. Alors que cette voie permettait jusqu'à présent à certains couples homos de fonder une famille.

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Les nouveaux amendements à la constitution veulent que "la Hongrie protège le droit des enfants à leur identité en accord avec leur sexe de naissance (sic), ainsi que leur droit à une éducation en accord avec l'identité et le système de valeur basé sur la culture chrétienne". Selon Reuters, ce projet ne fera face à aucun obstacle politique, compte tenu de l'écrasante majorité du parti au pouvoir au Parlement.

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L'obstacle pourrait éventuellement être européen. La Commissaire européenne à l'Égalité a annoncé une feuille de route pour les cinq prochaines années. Elle a annoncé une avancée législative pour que toutes les familles soient reconnues au sein de l'UE. Des couples mariés dans un État devraient alors être reconnus dans les autres, tout comme leur parenté s'ils ont des enfants. Mais avant cela, elle devra convaincre la Pologne et la Hongrie. Le bras de fer ne fait que commencer.

 

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