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spectacleOn a parlé salon de coiffure, homophobie et sketchs cultes avec Muriel Robin

Muriel Robin va sauver Noël. Dans son film I love you coiffure diffusé sur TF1, la comédienne réunit 48 artistes français, de Vincent Dedienne à Matt Pokora en passant par Charlotte Rampling et Vanessa Paradis, pour donner vie aux personnages de ses sketchs cultes. On ne dit pas non à Muriel Robin ! Aucune des…

Muriel Robin va sauver Noël. Dans son film I love you coiffure diffusé sur TF1, la comédienne réunit 48 artistes français, de Vincent Dedienne à Matt Pokora en passant par Charlotte Rampling et Vanessa Paradis, pour donner vie aux personnages de ses sketchs cultes.

On ne dit pas non à Muriel Robin ! Aucune des 48 personnalités qu'elle a sollicitées ne s'est dérobée. Line Renaud, Christophe Willem, Alexandra Lamy, Harry Roselmack, Michèle Bernier, ou même... Roselyne Bachelot, l'actuelle ministre de la Culture, tous.tes ont dit oui pour faire une apparition dans le film I love you coiffure, diffusé sur TF1 le 21 décembre, que Muriel Robin a réalisé et où elle est de tous les plans. Une aventure de couple pour la comédienne puisque sa fiancée depuis 2009, Anne Le Nen, l'a secondée à la réalisation. Muriel Robin avait d'ailleurs choisi les pages de TÊTU, en 2011, pour parler de cet amour qui a changé sa vie.

La longue histoire entre Muriel Robin et la communauté LGBT commence à la fin des années 1980, lorsqu'elle coécrit une kyrielle de sketchs avec Pierre Palmade. Le duo détone, et si ni Muriel ni Pierre n'a alors fait de coming out, on comprend qu'ils font partie de la famille. Qu'on pense par exemple à "Sacha", dans lequel Muriel Robin joue la mère un brin possessive d'un gay qui vient de rentrer de boite de nuit avec son nouveau petit-ami... Que de chemin parcouru pour la comédienne qui, lors de sa dernière tournée Et pof !, a transformé son sketch "Le Noir", où elle joue une mère raciste choquée que sa fille se marie avec un homme noir, en "La Gouine" !

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Puisque TÊTU vient de fêter ses 25 ans, l'humoriste a accepté de revenir sur ses années de questionnement. Elle raconte aussi avec gourmandise cette première expérience de réalisation et sa hâte que le film soit diffusé - elle qui ne l'a montré pour le moment qu'à "trois personnes" (la presse n'ayant eu droit qu'à un extrait de 20 minutes) ! Plusieurs années après son coming-out, devenue une véritable figure de la lutte contre les violences faites aux femmes, Muriel Robin est sans doute la comédienne la plus populaire du pays. Elle parvient à réunir autour d'elle différentes familles culturelles dans un pays pourtant gangréné par le snobisme. Rencontre avec une exception française.

Quand a germé cette idée d’adapter vos sketchs en donnant vie aux personnages dans un film ?

L’idée n’est pas de moi, elle est du coproducteur Franck Saurat. En fait, elle a déjà été réalisée à l’étranger à partir des sketchs d’un autre humoriste, ne me demandez pas où, je ne le sais pas (rires). Mes sketchs collaient en tout cas parfaitement à l’idée. De mon côté, j’ai apporté l’idée d’en faire une histoire, avec deux jumelles qui se disputent la garde de leur mère. J’espère que ça ajoute un petit quelque chose !

Comment avez-vous fait pour choisir qui allait jouer qui ? C’est un immense casting !

Ah oui, je crois qu’on est dans les records ! 48 artistes, et on a tourné un film d’1h50 en 9 jours. Donc je pense que sur les deux tableaux on est pas mal niveau chiffre ! (rires) Après il y a des évidences, des acteurs qu’on voit tout de suite dans les personnages. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais les 48 à qui j’ai demandé m’ont dit oui ! Or vous le savez peut-être, les artistes font très attention à leur image, ils se renseignent en demandant qui d’autre joue dans le film, etc. Là, tout le monde s’est mélangé, on va de Charlotte Rampling à Jeanfi Janssens, en passant par Mimie Mathy, en repassant par Michel Fau, Pierre Arditi, Vanessa Paradis et Jean-Pierre Foucault, j’ai 48 personnalités impossibles à mélanger ! Mimie Mathy m’a dit : « Merci, grâce à toi je joue avec Michel Fau ! » [Michel Fau qui incarne Patrice, le coiffeur gay du sketch Le Salon de coiffure]

Vous arrivez à réconcilier beaucoup de familles du milieu culturel français...

Oui, en parlant avec vous, je me rends compte qu’aucun ne m’a dit non. Or on peut imaginer que certains ne voudraient pas se mélanger aux autres... Et je ne vais pas donner de noms pour ne pas être désobligeante ! Là, c’était en direct avec moi : des marques de confiance, il y avait beaucoup de joie dans les réponses, ils étaient contents de faire partie du sketch !

J’ai envie de vous demander si le tournage était aussi chaotique que vous mettant en scène Blanche neige dans Au secours, votre spectacle de 2005 ?

(rires) Non, heureusement ça s’est beaucoup mieux passé ! On a bien travaillé en amont, on était très prêts, je savais les textes mais j’ai tout réappris par cœur. On ne faisait à chaque fois qu’une seule prise sur moi pour pouvoir en faire deux sur les invités. Je peux tout à fait entendre les tournages où on ne fait qu’un plan dans la journée… si tout le monde s’y retrouve, c’est parfait, on peut faire quinze prises, mais là c’était des conditions "rout’s" qui sont très loin de tout ça ! La première, ce doit être la bonne !

C’est donc presque comme si vous étiez sur scène ?

Exactement ! Sauf que là, ce sera figé pour toujours. Mais il ne faut pas se poser cette question. De toute façon, les tournages, c’est comme la vie, ce n’est jamais la bonne prise si on se pose trop de questions ! Alors pourquoi pas la première ? Et puis il nous fallait du temps pour faire d’autres plans, que ce ne soit pas uniquement champ/ contre-champ. C’est une chorégraphie ! Ce film a aussi été permis par ma rencontre avec une cheffe-opérateur italienne qui s’appelle Kika Ungaro. Elle a une expérience folle, elle travaille vite, elle est très douée. Et aussi car ma fiancée Anne Le Nen était au combo, ce petit écran derrière lequel la réalisatrice se met pendant le tournage. Je pense qu’il n’y a que deux plans dans lesquels je n’apparais pas, donc Anne m’a secondée ! On s’était donné un code : il fallait mettre les quatre doigts en l’air si ça n’allait pas. Ne me demandez pas pourquoi quatre doigts, on s’est compliqué la vie ! (rires) Moi j’étais sans arrêt à la zyeuter et quand je la voyais avec ses quatre doigts en l’air je disais « stop ! On arrête tout ! » Je me rappelle, pendant la scène du salon de coiffure justement, Anne me dit : « Tout est parfait, mais tu oublies d’être drôle ! »

Les personnages de vos sketchs avaient-ils déjà un visage, dans votre tête ?

Non, alors pas du tout ! Je parle vraiment dans le vide. Ce qui est génial avec ce film, c’est que vous allez pouvoir jouer avec les gens qui regardent le film avec vous : "alors, toi, t’aurais mis qui ?" Et comme il y a 48 artistes, on peut jouer 48 fois.

On aura aussi la joie de retrouver Sacha, qui a ému plusieurs générations de gays et leurs mamans… ["Sacha" est un sketch dans lequel Muriel Robin joue la mère d’un gay qui rentre de soirée avec son copain]

Ah ça, je ne sais pas, si vous me le dites ! Ecoutez, si ça a pu amener une conversation… le fait de se reconnaitre, dans certaines familles, c’est formidable. J’ai donné un bon coup de ciseaux sur le début du sketch, mais j’étais très contente de retrouver « Sacha c’est chaud » [elle le dit comme dans le sketch]. En l’occurrence, c’est Christophe Willem qui fait mon fils, et il est formidable.

Cette expérience vous a-t-elle donné envie de refaire de la réalisation ?

Oui, je veux réaliser. Intellectuellement, je savais que je le pouvais, mais viscéralement, dans mes tripes, je ne l’ai pas, la confiance en moi. C’est un truc qu’on a ou qu’on n’a pas, qu’on vous donne dans vos premières années, parce qu’on vous a donné de l'amour pour vous appuyer dessus. Je sais que je dégage le contraire, qu'on a l’impression que je peux tout faire, mais en réalité je n’arrive pas à me balancer dans le vide. Ca aura pris du temps mais mieux vaut tard que jamais ! On est d'ailleurs en train d’écrire un scénario avec Anne, que je vais réaliser. Je veux réaliser des choses que j’ai écrites, co-écrites, ou pas d’ailleurs ! Pourquoi pas réaliser les scénarios d'autres personnes.

Dans le film, les deux jumelles représentent deux caractères : d’un côté la travailleuse de province, de l’autre la bourgeoise parisienne, toutes deux avec leurs préjugés. Finalement, c’est toujours l’une ou l’autre qui parle dans vos sketchs ?

Bien sûr, dans mes sketchs, c’est soit Paris soit la province. Moi j’ai une préférence pour la province avec ma coiffeuse, que j’adore. En fait on se rend compte qu’elles ont quelque chose de commun : l’une qui a copié la mère, l’autre qui a essayé de faire autrement, qui est plus cool.

Est-ce que ce serait aussi un bon résumé de votre vie, vous qui venez d’une famille de commerçants ? « Une fille de province, ça réunit beaucoup de gens », vous disiez au Monde il y a deux ans…

Je me sens vraiment de province, quoi ! Je ne me sens pas du tout parisienne. C’est peut-être pour ça que je ne me sens pas légitime dans ce métier, quand on me dit tout à coup : « Appelle Vanessa Paradis pour jouer dans ton film », je réponds : « Mais non, je vais pas appeler Vanessa Paradis. » (rires) Mes proches me disent : « Mais tu es Muriel Robin ! » C’est pour vous prouver, même si vous ne me l’avez pas demandé, que je suis vraiment la fille de province ! (rires) Je l’aime car elle a de l’humanité, des défauts, qu’on accepte parce qu’elle est gentille. Alors oui elle est un peu raciste quand elle parle des enfants adoptés, mais on l’aime quand même parce qu’elle tient comme elle peut, elle est cette fameuse Madame Tout-le-monde qu’on a au fond de soi. Après on peut s’émanciper, aller à Paris, mais moi c’est ce milieu qui m'a élevée ! Cette femme, elle me touche. C’est vrai qu’en allant ailleurs, on peut devenir quelqu’un d’autre. Moi non, car j’ai les pieds immensément sur Terre. Mais enfin, les bourges me font rire autrement ! Si je devais faire un salon de coiffure tenu par une bourge, il y aurait de l’empathie aussi, mais ça pourrait paraitre un peu plus méchant ! Alors que je ne me moque jamais de la coiffeuse, je l’aime, et donc le public l’aime. Vive la province, quoi !

Ce film s’inscrit dans un projet de transformation de vos sketchs, qui grandissent avec vous et le public ?

Une journaliste m’a demandé : la prochaine fois, ce sera en comédie musicale ? (rires) Non, je ne crois pas, je crois qu’on a fait le tour là !

La communauté LGBT avait souligné la transformation de votre sketch « Le Noir » en « La Gouine » dans votre dernier spectacle. Est-ce que vous auriez aimé pouvoir faire ce sketch à l’époque ?

Je savais que ça ferait plaisir, particulièrement à la communauté. Et à moi aussi, donc tout le monde s’y retrouve ! Ca permet de découvrir que cette mère, non seulement elle est raciste, mais en plus homophobe. La prochaine fois, je sais pas ce qu’on lui mettra sur le dos encore. Vous savez, ça a beaucoup bougé en trente ans. Il y a trente ans, on n’aurait pas pu écrire qu’elle avait épousé une femme, donc c’est formidable.

Comment aviez-vous vécu cette période de manifestations contre le mariage pour tous ?

Je ne juge jamais, je me dis que les gens ont un comportement pour une raison. Si j’avais eu ces parents, est-ce que je l’aurais fait ? Après on a le droit de changer. Il y a ce que vos parents vous donnent. Ca fait de la peine de voir des gens figés dans des trucs anciens. Mais le facteur temps est important. Dans deux siècles, ce sera peanut ! Qu’ils soient d’accord ou pas, la machine est en route ! On va se mettre ensemble, filles et filles, gars et gars, on fera l’amour ou on fera pas l’amour, on sera homosexuels ou homotextuels puisque bientôt ce sera peut être que des histoires de textos ! Il y en a qui ont essuyé les plâtres, j’en fais partie, parce que j’étais seule ! Je peux vous dire qu’il y a trente ans, on n’était pas nombreux et nombreuses à être dans la lumière. D’ailleurs dans les gens connus, ceux qui sont homosexuels, surtout les garçons, le taisent et mentent pour pouvoir continuer à faire leur carrière. C’était pas la même chose il y a trente ans !

D’ailleurs sur la PMA aussi, on est en retard !

Oui, ils prennent leur temps, ils prennent leur temps. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles ils prennent leur temps. Vous savez, je suis très impliquée dans les violences conjugales. Malgré le fait qu’il y ait 150 femmes par an qui meurent, qui sont assassinées… si on n’était pas allé leur secouer le prunier, tout le monde s’en foutrait ! C’est entre les mains des hommes, c’est un constat, des hommes qui font les lois pour des femmes. Il n’y a pas toujours une Simone Veil qui est là. On est dans la charnière, ça va jamais assez vite mais tout arrivera.

Vous entrez au musée Grévin, main dans la main avec Pierre Palmade. C’est beau de voir deux homos se tenir la main !

Oui, je le considère comme mon petit frère, je l’aime tellement, donc ça me fait plaisir qu’on soit ensemble pour toujours. Mais il y a ça aussi, je crois qu’on doit être les seuls à être en couple au musée Grévin, et on est deux homos ! Ca devrait bien se passer, non ? Je pense pas qu’on va se prendre des cailloux au visage ! (rires) Encore une fois, il y a trente ans, c’était pas du tout comme ça, hein. J’étais seule, seule. Il y avait Catherine Lara et moi. Point barre ! Il fallait pas trop le dire, sinon on savait que ça allait être compliqué pour bosser. Mais moi je l’ai dit, c’est peut-être pour ça d’ailleurs que je n’ai pas beaucoup existé dans le cinéma. Je n’aurai jamais la réponse. Mais maintenant ça a vraiment bougé.

Vous aviez annoncé votre Pacs dans TÊTU. C’était une marque de fidélité à votre public LGBT, un petit signe ?

C’était la vérité, quoi ! Je n’allais pas raconter des histoires. Si on aime quelqu’un, c’est toujours une bonne nouvelle, en fait ! Si votre fils vient vous voir et vous dit : je suis amoureux d’un garçon, eh bien c’est formidable !

Avez-vous conscience d’avoir servi de modèle à de nombreuses personnes LGBT ?

Si vous le dites, ça me touche. Je l’espérais, vous me dites que c’est le cas, donc ça me touche beaucoup. Je me fais le reproche peut-être de ne pas avoir été assez présente, pour aider tous ces jeunes, mais j’ai fait comme j’ai pu en répondant aussi à mes questions puisque je ne savais pas, j’ai été avec un homme, maintenant je sais que je finirai avec Anne. Pendant longtemps ce n’était pas clair dans ma tête, donc je ne pouvais pas prendre position. Ça m’a pris du temps, comme pour beaucoup de monde, et puis à un moment voilà on y est ! A partir de ce moment-là, je trace, avec les inconvénients que ça peut avoir.

Dans Au secours en 2005, justement, vous mettiez en scène le personnage de votre copine pour la première fois.

Oui, c’était un sacré pas pour moi. Je me souviens, je me suis dit : j’avance. Il faut se lancer. Regardez Jodie Foster, elle a fait toute sa carrière aux Etats-Unis, et c’est récent qu’elle ait fait son coming out. Bien sûr que ça doit aider, car on n’est pas cinquante non plus ! Parce que oui, il peut y avoir des inconvénients, même si on imagine que c’est un milieu très ouvert.

Après le film de Christophe Honoré, vous allez jouer dans le prochain film de Cédric Klapisch avec Denis Podalydès. Votre univers cinéma s’agrandit-il ?

En cinéma, il me reste tout à faire. En comédie, ça fait trente ans que je ne reçois quasiment aucun scénario. J’ai fait la suite des Visiteurs, mais je remplaçais Valérie Lemercier qui ne voulait pas le faire. J’ai fait le film réalisé par Christian Clavier On ne choisit pas sa famille, mais qui est sorti en même que Intouchables... Ceci dit, ça frémit ! En janvier, je tourne avec Klapisch, en février avec Lisa Azuelos où je serai la maman d’Alexandra Lamy. En tout cas j’aimerais beaucoup réaliser, comme je vous l’ai dit. Et tourner dans des comédies. Je pense que je peux avoir cette prétention, en tout cas cette place, je me sens légitime autant que d’autres. Alors comme on ne me fait pas trop signe, je vais avancer moi, mais c’est vrai qu’il y a peut-être une embellie, quelque chose qui est en train de se décoincer.

Dans votre dernier spectacle, Isabelle Huppert avait créé la surprise en venant jouer votre sketch La Solitude. Vous la feriez jouer dans un film ?

Il faut voir comme elle parle de nos textes ! Selon elle on est de grands auteurs, elle les adore, c’est incroyable, c’est bouleversant. C’est formidable de réunir des personnalités tous genres confondus grâce à ce film. Je me dis que pour l’avenir, si j’ai un scénario, je ne serais peut-être pas trop embêtée sur le casting !

 

I love you coiffure de Muriel Robin

TF1, lundi 21 décembre

Par Adrien Naselli le 19/12/2020