Malgré ses facilités scénaristiques, Love, Victor s'était érigée comme l'une des séries gays les plus attendrissantes du cru 2020. Elle confirme avec une saison 2 un cran plus mature et un peu moins lisse, à savourer en France sur la plateforme de streaming Disney+.
Quelques années plus tôt, personne n'aurait parié sur Disney pour proposer la série gay la plus touchante et feel good du moment. Et pourtant, Love, Victor existe bel et bien. Presque tout pile un an après la mise en ligne de la saison 1, la comédie adolescente est déjà de retour sur Disney+. Dès ce vendredi 18 juin en France, la plateforme de streaming dévoile une deuxième salve d'épisodes plus complexe, avec une tonalité un brin plus mature. Autrement dit : oui, Victor et Benji passent enfin aux choses sérieuses… Mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, cette intrigue est loin d'être la plus intéressante de cette nouvelle saison.
Love, Victor : bienveillance à toute épreuve
Plutôt pudibonde à ses débuts, Love, Victor avait fait le choix d'aseptiser ses personnages. Enfin, un choix qui avait été imposé aux scénaristes puisque, rappelons-le, la saison 1 avait été initialement conçue pour Disney+ aux États-Unis. Les thèmes explorés dans la série avaient alors été jugés "trop adultes" pour le public ciblé par la plateforme. C'est ainsi qu'elle fut refourguée à Hulu, un autre service de SVoD américain à l'offre bien plus variée (bien qu'en France la série soit proposée sur Disney+, via son catalogue Star). Pas de doute cela dit : sa nouvelle maison permet désormais à Love, Victor de creuser ce qu'elle n'avait même pas survoler durant sa première saison : la sexualité de ses personnages.
LIRE AUSSI >> « Love, Victor » saison 2 : la chaleur monte d’un cran dans la nouvelle bande-annonce
Dans un épisode intitulé "The Sex Cabin", Victor et tous ses potes décident de s'offrir un petit week-end loin de leurs tracas citadins. Direction : la maison secondaire des parents de Benji. C'est dans ce chalet dans les bois que les hormones travaillent nos ados. Le hic, c'est que Victor craint sa première fois, d'autant plus que son boyfriend possède déjà de l'expérience en la matière. La série n'oublie alors pas que, malgré tout, son cœur de cible reste la jeunesse : elle fait preuve de pédagogie, en soulignant que la sexualité n'est pas qu'une affaire de parties intimes qui s'emboîtent. C'est avant tout une histoire d'écoute, de confiance et de patience. Des valeurs qui surplombent cette deuxième saison dans son ensemble.
C'est particulièrement vrai au niveau de la relation de Victor avec sa mère. À l'issue du précédent season finale, notre héros sortait du placard, annonçant son homosexualité à ses parents d'un simple "je suis gay" ! Si son père fait vite preuve d'acceptation pour ne pas ternir leur relation, la mère de Victor éprouve plus de difficultés à le reconnaître. Biaisée par les préceptes religieux qu'on lui a inculqués depuis son plus jeune âge, elle peine à mettre de côté sa croyance pour accepter son fils. Cette saison 2 s'apparente alors à un chemin de croix pour le personnage – brillamment incarnée par Ana Ortiz, aux antipodes de son rôle de maman aimante dans Ugly Betty – mais aussi à un exemple à suivre pour certains parents d'enfants LGBTQI+.
Car finalement, c'est bien ce que semble être Love, Victor : un modèle. Même si le parcours du héros est semé de diverses embûches – comme, par exemple, certains de ses coéquipiers du basket qui refusent de partager leurs vestiaires avec lui parce qu'il est gay –, la série offre toujours des pistes de résolution. Et donc, de l'espoir, invitant constamment à voir le verre à moitié plein. Beaucoup lui reprocheraient d'être trop gentillette ou fantasmée pour être crédible. C'est pourtant cette candeur qui fait son charme et son efficacité. Love, Victor n'existe pas pour refléter la réalité mais pour nous aider à tendre vers un futur meilleur.
Une justesse implacable
Cependant, le spin-off de Love, Simon s'efforce par moments de retranscrire au mieux le vécu gay. Et parce que ce dernier est pluriel, cette saison 2 incorpore le personnage de Rahim. Un peu plus jeune que Victor, Rahim est issu d'une famille musulmane. Il est gay et encore dans le placard. À la différence du héros de la série, son homosexualité est davantage perceptible : il paraît maniéré, cumule les références pop, a des centres d'intérêt vite catalogués comme "féminins"... Grosso modo, il correspond au cliché que la société s'est longtemps fait du garçon homosexuel. Son inclusion est particulièrement importante parce qu'elle permet de montrer qu'une expérience gay universelle n'existe pas et que certains sont plus privilégiés que d'autres.
Cela aboutit notamment à une scène déchirante où Rahim se réjouit de rencontrer un garçon d'un autre lycée, avec lequel il discute depuis un moment sur Grindr. Mais alors qu'ils se retrouvent, son crush paraît rebuté par les manières de Rahim et préfère le laisser en plan, précisant qu'il ne le pensait pas "comme ça"… Si elle joue souvent la carte de la légèreté, Love, Victor examine ici un des biais de la communauté gay : la répression de la féminité au profit d'une sacro-sainte virilité.
LIRE AUSSI >> « Gossip Girl », le reboot : la bande-annonce (très queer) est enfin là
On n'aurait pas forcément misé sur Love, Victor pour aborder le phénomène des "masc4masc" – ces gays "follophobes" qui rejettent les hommes ne correspondant à une vision étroite de la virilité – mais la série nous prouve qu'elle est pleine de surprises. En optant pour un ton plus mûr tout en conservant une part d'innocence qui est sa marque de fabrique, elle permet à ses adolescents de respirer et de gagner en complexité. Elle n'oublie surtout pas d'être vraiment drôle, notamment grâce à la truculente Lake et ses punchlines sur mesure. En clair, Love, Victor est une douceur dont vous auriez tort de vous priver.
LIRE AUSSI >> « Si tu n’aimes pas les gays, ne regarde pas la série » : rencontre avec Josh Thomas
Crédit photo : Disney+