CSAPropos transphobes d'Élisabeth Roudinesco : le CSA ne voit pas le problème

Par Nicolas Scheffer le 08/07/2021
CSA

Dans Quotidien, l'historienne et psychanalyste avait comparé les personnes trangenres à une "épidémie". Elle a énoncé des contre-vérités sur la transidentité. Mais le CSA n'y voit pas de manquement.

Attention, cela peut choquer. "Il y a un peu une épidémie de transgenres. Il y en a beaucoup trop". La phrase a été prononcée par l'historienne de la psychanalyse Élisabeth Roudinesco, sur le plateau de Quotidien le 10 mars dernier. À l'époque, ces propos transphobes avaient été dénoncés par des députés, qui avaient dès lors saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Dans une décision rendue le 7 juillet, le gendarme de l'audiovisuel estime que "ces propos s’inscrivaient dans le cadre d’un débat d’intérêt général sur la transidentité".

"Il n'y a pas un troisième sexe. Il y a une bisexualité, il y a un genre. Le transgenre (sic) a été inventé à partir de personnes qui avaient des problèmes avec l'identité (sic), ce qu'on a appelé le transexualisme (sic). Il ne faut pas les discriminer, ça existe, mais je trouve qu'il y a un peu une épidémie de transgenres. Il y en a beaucoup trop", dit l'universitaire. "Quand un enfant de huit ans dit qu'il est de l'autre sexe, en quoi est-il habilité ?", interroge-t-elle devant un plateau choqué, mais qui ne la reprend pas.

Le Conseil n'a pas relevé de manquement

"Ces propos portent atteinte à la dignité des personnes transgenres en renouant avec une longue tradition de pathologisation des corps et des identités transgenres et appellent, de manière détournée, à leur effacement", écrivait au CSA le député LREM Raphaël Gérard le lendemain de l'émission. "Il n’apparait pas, au vu de l’ensemble des échanges, que leur auteure ait entendu encourager à des comportements discriminatoires envers les personnes transgenres. (...) le Conseil n’a pas relevé de manquement de l’éditeur à ses obligations", répond le CSA.

"L'acculturation des institutions à la lutte contre la transphobie prend du temps, regrette le député aujourd'hui. Le droit protégeant les personnes trans face aux discours de haine est récent. Laissons la jurisprudence enrichir le cadre de ce qui peut être qualifié de transphobe". Lors des débats concernant le projet de loi audiovisuel, le député a fait voter un amendement ajoutant la transphobie dans les discours de haine pouvant être sanctionnés par le CSA.

Des contre-vérités

Ce n'est pas la première fois qu'Élisabeth Roudinesco tient des propos jugés discriminants. En 2001, dans la revue Cliniques Méditerranéennes, elle semblait préconiser l'usage de "cures" pour "faire en sorte que l'enfant évolue vers un autre choix sexuel". Depuis la sortie de son dernier livre, la psychanalyste - qui a défendu le mariage, la PMA pour tous·te·s ou encore la GPA -, s'en prend aux militant·e·s des droits des personnes trans.

Dans les colonnes de l'Opinion, elle appelait à refuser les bloqueurs de puberté aux moins de 16 ans. "En France, la demande de transition pour des enfants a quintuplé en quelques années et elle va continuer d’augmenter au fur et à mesure des revendications transgenres. Des enfants vont croire qu’ils sont transgenres alors qu’ils ne le sont pas vraiment. Je trouve dangereux de les 'préparer' ainsi par des traitements lourds.", dit-elle énonçant des contre-vérités. L'historienne oublie que l'augmentation des consultations est due à une offre de soin enrichie.

Aucune opération, aucun bloqueur de puberté n’est donné à des enfants prépubères, tient à préciser Agnès Condat, pédopsychiatre à la Pitié-Salpêtrière et spécialiste des parcours des mineur·es trans. "Pour un·e mineur·e trans, le plus important est avant tout de pouvoir accéder à la transition sociale, explique Jenna Selle, militante à Espace Santé Trans (EST) et fondatrice du podcast Nos voix transDéjà, ça, ce n’est possible que si l’entourage n’est pas pénible…". Un discours qu'on aimerait entendre dans Quotidien.

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Crédit photo : Capture d'écran / TMC