Camille Spire succède à Aurélien Beaucamp à la présidence de Aides. Elle indique à TÊTU vouloir "monter d'un cran l'activisme" de l'asso de lutte contre le VIH.
Scrollez son profil Instagram et vous trouverez la lecture de Camille Spire : Daniel Defert, Une vie politique. Le fondateur de Aides y raconte comment la colère - la mort du sida de Michel Foucault, son compagnon - l'a poussé à créer l'association de lutte contre le VIH en 1984. Quarante ans plus tard, c'est également une femme en colère qui prend la présidence de l'association. Camille Spire succède à Aurélien Beaucamp, président depuis six ans, qui sera désormais vice-président.
"Aides doit transformer la société", dit-elle à TÊTU. En visio, elle promet de "monter d'un cran l'activisme", de l'association. Car si "les militants de Aides ne sont pas tous séropositifs, ils ont tous la rage", souffle-t-elle, répétant le slogan de sa campagne préférée. Et cette exaspération, elle la montre régulièrement, comme en 2019, lors qu'elle manifeste, dans les fontaines du Louvre à Paris pour protester contre le baptême d'une aile du musée du nom de la famille Sackler, propriétaires d'un laboratoire accusé d'avoir encouragé la crise des opioïdes aux États-Unis. "Le Louvre a plié, cela prouve que les actions coup de poing sont efficaces", souffle la nouvelle présidente.
L'écoute comme méthode
Quid de l'élection présidentielle dans un an ? "Cette campagne va être difficile. Si on pouvait ne pas avoir un énième débat sur la sécurité, ce serait bien. Si on peut obtenir la légalisation de l'usage des drogues, c'est mieux", se désole-t-elle. Son programme présidentiel à elle : innovation dans le VIH, structuration des acteurs contre le chemsex, remobilisation autour de l'objectif "zéro contamination en 2030", accès aux soins des malades étrangers... Mais ce qu'elle souhaite avant tout : qu'on écoute les personnes concernées. "Les gens ont des parcours de ouf et on ne prend pas la peine de les écouter".
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Écoute, c'est d'ailleurs le mot qui revient le plus souvent lorsqu'elle parle. "Il n'y a que comme cela que les outils peuvent être efficaces", assure-t-elle. En cela, elle a bien retenue la leçon de Defert. Le compagnon du philosophe a installé les personnes porteuses du VIH (PPVIH) au cœur du système de soin. "On tenait à manifester que cette association à objet médical n’était pas dirigée par un médecin", écrit-il dans le livre.
Une femme hétéroflexible
Pour la première fois, l'association n'est pas présidée par un homme gay. Camille Spire se définit comme hétéroflexible. "C'est la reconnaissance de la mobilisation des femmes dans la lutte contre le VIH, qui ne date pas d'aujourd'hui", selon elle. Elle rappelle que 50% des personnes qui vivent avec le VIH dans le monde sont des femmes et qu'un tiers des contaminations en France sont des femmes. "Le virus n'est pas un virus de gay. Il touche des communautés stigmatisées et discriminées : les femmes migrantes, les usagers de drogue, les personnes qui vivent en prison...".
Quasi du Defert dans le texte. "Dès le début, nous voulions faire une association pour la santé de toutes les personnes touchées par le sida. Nous ne voulions pas faire une association uniquement pour les homos, mais aussi pour les migrants, les hétéros, les travailleurs du sexe, etc. Parce que la lutte contre le sida est indissociable des droits humains", disait l'octogénaire à TÊTU.
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Camille Spire a rejoint la section de Bobigny en 2007, à la sortie de ses études à Sciences Po. Pratique : elle travaille à deux minutes à pied, à la Maison de départementale de personnes handicapées (MDPH) de Seine-Saint-Denis. "Ça lui permettait de venir sur sa pause déjeuner pour tracter ou faire une action", salue Louis Millimouno, animateur à Bobigny. Après onze ans à la MDPH, elle dirige le service de l'accès aux droits. Du coup, quand elle manifeste à 5h30 devant la préfecture de Seine-Saint-Denis, où il faut attendre quelque 12 heures pour accéder à un rendez-vous, on ne sait pas si c'est en tant que militante de Aides ou de fonctionnaire du département. Qu'importe, "tu sens que c'est quelque chose qui la révoltait", glisse Louis Millimouno.
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Crédit photo : Aides / K. Strek