Dans un livre, le sociologue Josselin Tricou, qui a par ailleurs participé à la commission Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église, étrille le rapport de cette dernière à la masculinité et à la sexualité. Rencontre.
Dans son livre Des Soutanes et des Hommes (PUF), le sociologue et ex-frère enseignant Josselin Tricou propose une analyse éclairante de la masculinité singulière des prêtres catholiques et de leur sexualité. Cloisonnée derrière les portes du placard de l’institution, cette dernière se vit dans des espaces à la liberté paradoxale au sein d’une Église tantôt violente tantôt paternaliste à l’égard de l’homosexualité. "Folles de sacristie" ouvertement homophobes, prêtres gays en couple monogame, liturgies aux tonalités "camp", l’ouvrage esquisse un monde complexe où la menace de l’outing devient une arme politique dans une institution en crise secouée par les scandales de violences sexuelles. Une lecture nécessaire qui révèle tout le poids et les conséquences de ce régime du secret. Son auteur a par ailleurs participé à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, dirigée par Jean-Marc Sauvé et dont le rapport sur la pédophilie au sein de l'Église catholique a fait l'effet d'une déflagration.
L’un des angles principaux de votre travail est de mettre en avant la singularité de la figure du prêtre au sein de l’Église catholique. Vous parlez notamment du "catholic gaze", d’une perception catholique qui est portée sur lui, qu’entendez-vous par cette expression ?
Il s’agit du regard porté par les fidèles catholiques sur leurs prêtres, façonné par la manière dont l’Église a construit historiquement les normes et les pratiques qu'on attend d’un prêtre, à savoir, bien sûr, le célibat mais aussi la performance d'un certain nombre de vertus comme la non-violence, la douceur, l’écoute, et aussi – on l’oublie – l’exclusion du prêtre des champs politique et économique, alors que ce sont là deux espaces majeurs d’expression et de légitimation de la domination masculine....