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cinéma"Madres paralelas", le chef-d'œuvre réconciliateur de Pedro Almodóvar

Par Franck Finance-Madureira le 30/11/2021
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Pour Madres paralelas, son 22e long-métrage, Pedro Almodóvar conserve les fondamentaux de son cinéma : l’Espagne, les motifs du mélo, des personnages féminins aux commandes et, comme toujours, la bonne distance.

La pré-affiche du film, refusée par Instagram, était absolument fidèle au projet de Madres paralelas : on y voyait, au centre d’une forme en œil sur fond rouge, un mamelon d’où perlait une goutte de lait maternel. Une image radicale et tendre, singulière, provocante mais pourtant d’une banale quotidienneté. 

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Après Douleur et Gloire, chef d’œuvre autofictionnel d'un artiste en panne, le maître espagnol Pedro Almodóvar démontre qu’il a encore des choses à dire. Celui qui s’était jusqu’alors interdit d’évoquer de façon frontale l’histoire de son pays, définitivement marqué par les années sombres du franquisme réalise avec son nouvel opus, Madres paralelas, un film éminemment politique sans se départir de ce qui fait son cinéma.

Penélope Cruz au sommet

Le mélo, d’abord, son motif préféré qui se fait ici trait d’union entre la profondeur du grand mélo américain à la Douglas Sirk et le kitsch des telenovelas hispaniques. En mettant au centre du film cette histoire relativement classique de bébés échangés à la naissance, Almodóvar construit son récit sur un fil émotionnel incontestable, créant un lien indéfectible entre les destins de ses héroïnes. Entre les deux mères, Ana, une très jeune femme (Milena Smit, découverte à suivre) et Janis, une photographe quadra (Penélope Cruz dans son meilleur rôle), chaque interaction devient un élément perturbateur, autant synonyme de bouleversements forts que de rapprochements inattendus. 

Une fois de plus, Pedro Almodóvar met au cœur de son film des personnages féminins libres, qui représentent ici, en filigrane, des milieux sociaux et politiques extrêmement différents, voire antagonistes. D’un côté la mère d’Ana, actrice en fin de carrière, représentante d’une bourgeoisie qui ne dit pas son nom et qui tient à régenter la vie de sa fille selon les codes établis, de l’autre Janis qui doit son prénom à une mère militante de gauche fan de Janis Joplin et qui incarne le parangon de la femme libre, indépendante.

En impliquant d’une part l’histoire de son pays, le spectre du franquisme et sa perception par les Espagnol·es et, d’autre part, une relation amoureuse entre ces deux femmes, Almodóvar utilise la radicalité de ses débuts dans la Movida des années 1980 (notamment son affirmation sans jamais s’excuser des sexualités et des genres alternatifs et son féminisme) au service de la réconciliation des êtres, d’un peuple, de l’humanité. Le film oppose des expériences de vie à la binarité de la pensée, au manichéisme qu’induisent de nombreux débats actuels, mettant au jour les désirs multiples, la construction perpétuelle de l’identité, le droit à l’erreur et le devoir du doute. Madres paralelas démontre avec force, émotion et un optimisme nouveau que la somme des points communs qui nous unissent sera toujours plus forte que tout ce qui nous sépare.

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>> [VIDÉO] La bande-annonce de Madres paralelas :

Crédit : El Deseo / Iglesias Mas

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