mondeAu Sénégal, le Parlement juge l'homosexualité suffisamment pénalisée

Par Nicolas Scheffer le 06/01/2022
senegal,afrique,sénégal,homosexualité en afrique,homosexualité au sénégal,pénalisation de l'homosexualité,homosexualité et islam,afrique de l'ouest,homophobie

Si le Parlement du Sénégal a rejeté ce mercredi une proposition de loi visant à renforcer la législation homophobe, ce n'est pas au nom des droits humains mais parce que… l'Assemblée nationale a jugé l'homosexualité suffisamment réprimée par le Code pénal en vigueur.

Le texte a été déclaré "irrecevable" avant même de passer en séance plénière. Onze députés sénégalais, dont au moins un de la majorité du président Macky Sall, voulaient encourager davantage la répression de l'homosexualité dans ce pays d'Afrique de l'Ouest qui la pénalise déjà. La proposition a finalement été rejetée ce mercredi 5 janvier sans être débattue, rapporte l'AFP citée par Le Monde.

À lire aussi : "Apologie de l'homosexualité" : le prix Goncourt Mohamed Mbougar Sarr au centre d'une polémique homophobe au Sénégal

La nouvelle pourrait passer pour bonne, sauf que pour motiver le rejet de la proposition, le bureau de l'Assemblée nationale n'a pas avancé les droits humains, au contraire. En effet ce bureau, composé des personnalités les plus importantes du Parlement, juge dans son communiqué "pertinent" le refus de dépénaliser l'homosexualité, mais rappelle que le Code pénal punit déjà "sévèrement" l'homosexualité comme tous "les actes contre-nature et les attentats à la pudeur"… Il y aurait donc simplement eu redite.

L'homosexualité prohibée au Sénégal

La loi en vigueur dans ce pays majoritairement musulman prévoit ainsi que "sera puni d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 100.000 à 1.500.000 francs CFA [de 150 à plus de 2.000 euros, ndlr] quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature avec un individu de son sexe". Le texte proposé souhaitait porter la peine à 10 ans d'emprisonnement ferme et augmenter l'amende jusqu'à 5 millions de francs-CFA [7.500 euros]. Et prenait soin de cibler dans le même sac homosexualité, "lesbianisme, bisexualité, transsexualité (sic), intersexualité, zoophilie, nécrophilie et autres pratiques assimilées".

"Nous les tuerons ou nous les brûlerons vifs. Nous n'accepterons jamais l'homosexualité".

La proposition de loi a été portée par le Collectif "And Samm Jikko", signifiant "ensemble pour la sauvegarde des valeurs" en wolof. Le collectif, fondé notamment par l’ONG islamique Jamra, avait déjà réussi à mobiliser des centaines de personnes le 23 mai dernier dans la capitale, Dakar, au nom des "valeurs correctes". Ses représentants y ont assumé leur homophobie, n'hésitant pas à lancer à la tribune : "Nous les tuerons ou nous les brûlerons vifs [les homos, ndlr]. Nous n'accepterons jamais l'homosexualité". Après cette manifestations, des actes homophobes ont été recensés dans le pays.

"L’objectif est de lutter contre toute perversion dans l’espace public. Ces personnes doivent respecter la société dans laquelle elles vivent et faire ce qu’elles veulent en privé. La liberté a ses limites", argumente dans Le Monde Moustapha Guirassy, qui a participé à l’écriture du texte. Dans un premier temps, celui-ci prévoyait ni plus ni moins que de retirer les droits civiques, civils et politiques aux personnes jugées coupables d'homosexualité.

Si la proposition n'a pas été examinée, le président Macky Sall en a profité pour promettre qu'il ne dépénaliserait pas l'homosexualité, au cas où un doute subsisterait. "Il faut que les gens apprennent à respecter nos croyances et nos convictions. Au nom de quoi, l'homosexualité dépénalisée doit être une loi universelle ?", déclarait-il déjà en 2015. La polémique née en novembre dernier après l'attribution du prix Goncourt à Mohamed Mbougar Sarr, auteur d'un précédent livre sur le sort fait aux gays au Sénégal, a rappelé que la dépénalisation de l'homosexualité y reste un horizon lointain…

À lire aussi : Au Sénégal, l’invisibilité, une question de survie pour les gays et lesbiennes

Crédit photo : Capture d'écran Africanews