Abo

streaming"A League of Their Own" : la nouvelle série lesbienne d'Amazon Prime frappe juste

Par Marion Olité le 19/08/2022
a league of their own,série lesbienne,amazon prime video,prime,streaming,amazon

Après les annulations de First Kill et The Wilds, l’arrivée de l’excellente A League of Their Own sur Amazon Prime Video remonte le moral lesbien !

1943. Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, la ligue majeure de baseball est désertée par les hommes, partis au front. Pour maintenir l’intérêt du public, une ligue féminine est créée. Réinvention du film de 1992 réalisé par Penny Marshall – succès critique et public aux États-Unis –, la série raconte l’histoire vraie des débuts de cette "All-American Girls Professional Baseball League" (AAGPBL) et de ses joueuses, qui ont dû s’imposer à une époque où la misogynie était la norme.

À lire aussi : Voici les séries LGBTQI+ à ne pas rater en août

"Nous essayons vraiment de raconter les histoires qui manquaient au film, et à propos de cette ligue en particulier", a expliqué Abbi Jacobson, co-créatrice de la série avec Will Graham. Si la comédie initiale avec Geena Davis, Madonna et Rosie O’Donnell tient une place au panthéon de la culture queer, ses personnages n’étaient pas explicitement lesbiens. Une erreur historique que se charge de corriger la série.

Histoire queer

Maybelle Blair, ancienne joueuse de baseball dans cette ligue, qui a existé jusqu'en 1954, a confirmé les faits avec humour lors d’une projection en avant-première du show. "Sur 650, je parierais que 400 étaient lesbiennes. Beaucoup de ces filles arrivaient de la campagne et des quatre coins des États-Unis. Et beaucoup d’entre elles pensaient être seules [à être gays]. Nous avons passé un si bon moment. Il y avait tellement de lesbiennes dans la ligue ! C'était incroyable. Oh, mais, avouons-le, nous sommes de bonnes athlètes."

Co-créatrice, mais aussi co-réalisatrice et actrice principale de A League of Their Own, Abbi Jacobson incarne Carson Shaw, une femme mariée qui tente sa chance avec succès dans les sélections. Avec une dizaine d’autres femmes, elle intègre l’équipe des Rockford Peaches. Parallèlement, on suit la trajectoire de Maxine Chapman (Chanté Adams), une femme noire qui rêve de devenir joueuse de baseball professionnelle. Elle se heurte à une double discrimination : le racisme et le sexisme de l’époque. Ce personnage a aussi des fondements historiques : il est inspiré par Toni Stone, Mamie Johnson et Connie Morgan, les trois seules femmes noires qui ont réussi à intégrer la ligue de baseball noire américaine, qui a existé jusqu’à la fin des années 50. L’émancipation de cette poignée de personnages attachants passe par les terrains de baseball et, pour certaines d’entre elles, par leurs sexualités.   

Visibilité lesbienne

Voilà une série à la hauteur de l’exploit de ces pionnières. Si elle présente une facture classique pour un drame d'époque sportif qui la rend plutôt prévisible, A League of Their Own brille par son sens de la comédie – Abbi Jacobson infuse son humour décalé déjà présent dans Broad City – et le développement de ses personnages imparfaits et humains, inédits sur les écrans. En proposant des représentations historiques longtemps restées invisibles dans la pop culture, Abbi Jacobson s’inscrit dans la lignée d’une Gentleman Jack, série historique qui raconte l’histoire d’Anne Lister, l’une des premières lesbiennes connues.

a league of their own,série lesbienne,amazon prime video,prime,streaming,amazon
Crédit photo : Amazon Prime Video

Au contact de camarades aussi passionnées qu’elles, Carson s’épanouit, à tous les niveaux. Elle découvre sa sexualité quand elle tombe sous le charme d’une coéquipière, la glamour Greta, incarnée par la fantastique D'Arcy Carden (Janet dans The Good Place). La complicité entre ces deux-là crève l’écran, et pour cause : dans la vie, elles sont amies depuis plus de 15 ans.

À lire aussi : "Uncoupled" sur Netflix : un "Sex and the City" gay peu convaincant

En plus d’être une fantastique épopée sportive, A League of Their Own dépeint les vies des femmes lesbiennes dans les années 40, la peur d’être "découvertes" et punies par la police ou leur famille. Après avoir embrassé Carson, Greta se rue au bras d’un homme dans la scène suivante, au grand dam de son crush qui n’y comprend rien. Plus tard, Greta lui explique que cela fait partie des règles qu’elle a mises en place pour se protéger : toujours avoir une "couverture masculine" quand elle fréquente une femme.

De son côté, Max figure l’expérience d’être queer et noire : elle fait face à une pression familiale éreintante d’un côté, essuyant de l'autre rejet sur rejet dans sa tentative d’intégrer une équipe de baseball. Elle noue une amitié avec Carson, un poil irréaliste pour l’époque mais qui permet de mettre leurs parcours en parallèle. "Peu importe que je joue au baseball ou non, il n’y a pas de place dans ce monde pour quelqu’un comme moi", constate Max. La rencontre avec une tante bannie de la famille car "invertie" va l’aider. Elle découvre que Bert (Lea Robinson) est en fait un homme trans heureux, qui s’est construit une belle vie malgré les obstacles.   

Une série réjouissante

A League of Their Own a trouvé le bon équilibre entre raconter la ségrégation et le sexisme – les joueuses doivent porter du maquillage, un uniforme rose avec jupe et se comporter en "vraies femmes" sous peine de se voir renvoyées de la ligue car jugées "pas assez féminines" –, mais aussi l'émancipation de ses personnage et la joie qui en découle. Celle des amitiés féminines, des amours lesbiennes et du goût du sport. La joie de faire la fête dans les bars queers clandestins, mais aussi d’être sur un terrain de baseball ou de trouver sa voix. Carson apprend à être une meneuse qui la joue collectif plutôt que de reproduire une autorité masculine verticale, proposant aux joueuses de faire, chacune leur tour, le fameux discours de motivation d’avant-match dans les vestiaires.

a league of their own,série lesbienne,amazon prime video,prime,streaming,amazon
Crédit photo : Amazon Prime Video

Et pour nous, devant l'écran, la joie de voir ces corps féminins en action, filmés au ralenti, voler dans les airs pour atteindre une base ou récupérer une balle. Les séquences de liesse des joueuses témoignent de la puissance transcendantale du sport. Cette première saison s’achève en apothéose, sur un très beau moment de sororité. On n'a qu’une envie : retrouver nos Peaches pour une nouvelle saison ! 

Le succès critique et public de la série, qui séduit la communauté lesbienne, est de bon augure pour l’annonce d’une saison 2. Abbi Jacobson, qui a fait son coming out bi en 2018, est en passe de devenir une icône du Gouinistan. Elle confie à Them : "La série résonne en moi parce que c’est vraiment mon histoire. Je suis entrée dans ma sexualité très tard, bien que vous puissiez effectuer votre coming out en étant bien plus âgé que moi." Cerise sur le gâteau lesbien, elle a profité d’une avant-première de la série pour officialiser ses fiançailles avec Jodi Balfour, actrice qu’elle fréquente depuis un an. Félicitations, et longue vie aux Peaches !

À lire aussi : "Anything's Possible" : une rom-com queer et exemplaire

Crédit photo : Amazon Prime Video