La procureure a requis des peines de prison avec sursis contre les 17 prévenus jugés pour le harcèlement en ligne du chanteur gay Eddy de Pretto après un concert dans une église.
"Je ne vois pas quel est le problème que je sois un sodomite qui chante dans une église." Lundi 3 octobre 2022, au tribunal judiciaire de Paris, Eddy de Pretto fait face pour la première fois à ses harceleurs. Dix-sept personnes ont été renvoyées en procès pour le cyberharcèlement aggravé contre le chanteur originaire de Créteil, en juin 2021, après que celui-ci a été invité à se produire en l'église Saint-Eustache de Paris. Il y avait interprété "À quoi bon", un morceau dédié aux difficultés de concilier sa foi et son homosexualité. Mais après sa performance, retransmise sur Instagram, l'artiste avait reçu quelque 3.000 messages d'insultes ainsi que des menaces de mort.
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À l'issue des audiences, la procureure a requis, vendredi 7 octobre, de trois à six mois d'emprisonnement avec sursis pour l'ensemble des prévenus. Dans le détail, le parquet réclame six mois à l'encontre de dix prévenus qui ont envoyé des messages à caractère homophobe, trois mois pour les quatre prévenus "ayant amorcé un début de réflexion sur les actes commis", et quatre mois pour les trois autres "présents (à l'audience) sans aggravation des faits". La défense avait demandé la relaxe, jugeant la qualité de l'enquête de "décevante" et remettant en cause la véracité de messages reçus par l'artiste.
Homophobie et foi
Pour justifier leur homophobie, les prévenus, des jeunes hommes âgés de 20 à 26 ans et sans antécédents judiciaires, ont revendiqué pour la plupart leur foi catholique. Sur Instagram, ils avaient qualifié la prestation du "Kid" de la chanson française de "provocation", de "crachat au visage" contre "la religion historique de la France". D'autres messages étaient plus fleuris : "Espèce de gigantesque fiotte", "crève en en enfer sale chien", "gros sac à merde à souiller notre religion" ou encore "à bas la République qui nous fabrique des sous-hommes de cette espèce".
Après cette vague de cyberharcèlement homophobe, le chanteur avait affronté ses contempteurs, assurant : "Je continuerai à chanter mes mots partout où l’on m’invitera à le faire". À la barre du tribunal, il a témoigné des effets de ce cyberharcèlement sur sa santé mentale : "J'ai eu très peur de sortir de chez moi, des troubles du sommeil, (...) des troubles dépressifs, je n'arrivais pas à comprendre cette violence".
Dans son réquisitoire, la procureure a rappelé aux prévenus qu'en France, le blasphème ou les atteintes à la religion "ne sont pas réprimés par le droit". Avant de leur faire remarquer : "Vous auriez pu écrire 'la communauté catholique est outrée, vous faites ça pour le buzz c'est indécent, nous allons mettre en oeuvre les moyens juridiques pour répondre à ce blasphème'." Aux magistrats du siège désormais de suivre ou non ses réquisitions dans leur décision, attendue pour le 12 décembre.
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