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interviewMaïa Mazaurette présente "eXtase" : "Nous assumons de vouloir exciter les auditeurs"

Par Thomas Pouilly le 27/01/2023
Lundi 30 janvier 2023, Maïa Mazaurette anime "la première nuit érotique de France Inter".

Envie de faire monter la température sous votre couette en ces soirées d'hiver ? Rien de plus simple : lundi 30 janvier, allumez la radio sur France inter : la journaliste Maïa Mazaurette (Quotidien) anime eXtase, émission mêlant libre antenne et lectures érotiques proposées par Guillaume Gallienne et Marina Hands. Rencontre avec la sexperte qui sait mettre de côté nos pudeurs sans jamais oublier la douceur, et l'écoute.

Tu nous présentes aujourd’hui eXtase, une émission présentée comme "la première nuit érotique de France Inter", lundi 30 janvier de 22h à 2h du matin… Il va te falloir prévoir du café !

Maïa Mazaurette : Au moins jusqu’à 2h du matin ! Mais nous sommes prêts à aller jusqu’au bout de la nuit si jamais du monde nous appelle… En fait, grâce à la libre antenne, nous voulons proposer une nuit de partage avec les auditeurs et auditrices.

Un partage érotique, donc, c'est-à-dire ?

Il n’y aura pas d’expert ni d’interview, il ne s’agit pas d’expliquer l’histoire de l’érotisme. Nous nous en tiendrons à quelque chose de charnel, d’explicite. Nous faisons le choix assumé de vouloir exciter les auditeurs sans nous cacher derrière une façade intello. L’idée qui m’a guidée dans ma sélection des textes qui seront lus à l'antenne, c’était avant tout de retenir ceux qu'on trouve excitant, moi, le réalisateur, la direction de France Inter… En fin de compte, il y a plein de textes que nous avions présélectionnés et que nous n’avons pas retenus parce que pas assez "sexe".

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C'est assez inattendu, sur France Inter…

Au début, je m’étais même un peu autocensurée en me disant que cette émission était pour France Inter et que je me devais donc d’être raisonnable ! Mais finalement, à chaque fois, les retours que j’ai eus ont été "Non, non, vas-y, prends les textes les plus explicites, les plus érotiques" !

On entend souvent parler du désir ou du plaisir, mais finalement assez peu de l’extase, qui donne son nom à l'émission. Quelle en est ta définition ?

Je ne lierais pas forcément l'extase à l’orgasme, mais plutôt à la jouissance, c’est-à-dire à une émotion beaucoup plus large qu’une réaction purement mécanique, physiologique. Par extase, j’entends aussi quelque chose de très transcendant.

"On peut très bien rester dans une littérature du consentement sans que cela soit ennuyeux une seule seconde."

Quel genre de textes ont été choisis pour être lus à l'antenne ?

Au départ, j’ai hésité à ne retenir que des textes contemporains, car j’avais peur que ceux issus de la littérature classique, de par leur style, le vocabulaire employé ou le contexte dans lequel ils s’inscrivent, empêchent les auditeurs de se projeter. Finalement, en redécouvrant ces textes, je me suis rendue compte qu'Oscar Wilde ou Apollinaire se relisent très bien, et sans qu’on ait l’impression de subir un vieux cours d’histoire sur l’érotisme. Je ne voulais pas non plus mettre les textes classiques sur un piédestal et écarter les autres. C’était très important pour moi de réussir à mettre sur le même plan les classiques de la littérature érotique, en commençant par le Kamasutra, pour arriver jusqu’en 2022 à Zoé Vintimille…

Il y a aussi, dans certains textes, des écueils concernant le consentement, la culture du viol…

En effet, on ne peut pas tout réhabiliter. Il y a des textes qui sont incompréhensibles aujourd’hui. Je pense, par exemple, à ceux de Pierre Louÿs, que j’aime bien, mais où il y a tellement d’inceste à chaque page que ce n’est pas possible de les retenir. Il y a suffisamment de bonne littérature érotique pour qu’on n’ait pas besoin de s’aventurer du côté des textes qui parlent de viol – alors qu’il en existe plein –, d’inceste ou d’autres choses qui sont pénalement répréhensibles. Mais on peut très bien rester dans une littérature du consentement sans que cela soit ennuyeux une seule seconde !

La littérature érotique, même quand elle a du succès, comme 50 nuances de Grey, peut aussi être critiquée pour sa qualité.

Il est vrai qu’on peut juger, comme je le fais, que 50 nuances de Grey a récemment fait beaucoup de mal à la littérature érotique. En même temps, dès qu’on se permet de juger de la qualité d’un texte, notamment par rapport à la richesse de son vocabulaire, on tombe aussi dans un jugement qui n’est plus uniquement basé sur l’excitation, mais qui peut être un jugement de classe, par rapport à ce que l’on considère comme étant la bonne ou la mauvaise manière d’écrire. Ces lectures sont surtout une manière de faire découvrir aux auditeurs que la littérature érotique ne s’arrête pas au marquis de Sade ou à 50 nuances de Grey, et d’essayer de les rabibocher avec un genre décrié de la littérature.

"On commence seulement à pouvoir parler à peu près librement de la sexualité, à condition encore de porter dessus un regard analytique."

Toi qui traites le sujet du sexe à la fois à la radio, à la télévision et dans la presse écrite, tu as le sentiment que les médias manquent d'érotisme ?

Oui, on commence seulement à pouvoir parler à peu près librement de la sexualité, à condition encore de porter dessus un regard analytique. Dès lors qu’il s’agit de proposer une excitation, voire une jouissance aux auditeurs ou téléspectateurs, c’est comme si on franchissait une énorme limite journalistique, que cela ne pouvait plus être de l’ordre du service public. Il est vrai que cela nous fait sortir du champ de l’information au profit de l’émotionnel, mais je trouve que nous en avons besoin.

C'est aussi une manière de nous réconcilier avec le sexe et les violences qu'il peut engendrer ?

La dernière décennie a jeté sur tout le champ de la sexualité un soupçon d’abus de pouvoir, de zone piégée où il ne faut pas mettre les pieds. En gros, si l'on n’est pas assez expert en sexualité, on se dit que la pornographie fera mieux le travail, et si on l’est trop, on prend le risque de choquer. C’est notamment contre cela que cette nuit sur France Inter va se battre. Clairement, si vous vous sentez offensé par des contenus liés au sexe, il vaut mieux ne pas écouter eXtase !

Cette nuit de "lectures érotiques" sera prolongée d'une série de podcasts, avec des lectures inédites pour le podcast ?

Les podcasts seront les lectures érotiques qui auront été proposées au cours de l’émission par Marina Hands et Guillaume Gallienne mais qui pourront, cette fois, être écoutées individuellement, pour les auditeurs qui n’auront pas veillé avec nous toute la nuit. Des textes supplémentaires sont à venir mais, pour l’heure, nous concentrons nos efforts sur la nuit érotique. Nous y allons étape par étape.

"C’est très difficile de lire quelque chose de manière érotique."

L'érotisme est évidemment un exercice spécial comment l'avez-vous abordé ?

C’est très difficile de lire quelque chose de manière érotique ! Un des principaux écueils, par exemple, c'est de parler trop vite. L’interprétation est aussi une des clés : aussi magnifiquement écrit soit le texte, il suffit qu’il soit mal lu pour qu'en quelques secondes cela devienne ridicule. L’avantage de France Inter, c’est de pouvoir solliciter des personnes qui savent faire ça, en l’occurrence des artistes de la Comédie-Française.

Dans les alternatives au porno, on constate un engouement pour le podcast érotique. Comment l'expliques-tu  ?

Il faut savoir que ces podcasts ont un auditorat plutôt féminin. Et même si, d’après Pornhub, la pornographie visuelle en France est consommée par un quart de femmes, j’ai l’impression que les codes de la pornographie vidéo sont tellement hardcore que lorsqu’on est une femme, c’est quasiment impossible à regarder. Personnellement, je n’y arrive pas, même pour le travail, cela me met terriblement mal à l’aise. Les couples ne me ressemblent pas, même chose pour les pratiques. Je n’ai pas envie, en plus, de cautionner une industrie qui vole des contenus et détruit la vie de nombreuses personnes.

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Tu aurais des podcasts érotiques à conseiller ?

Je n’écoute pas de podcasts érotiques français. En revanche, j’ai découvert le pouvoir de l’audio érotique grâce à Reddit, à travers une des sections qui s’appelle "Gone Wild Audio", où les internautes mettent en commun leurs fantasmes, leurs textes, leurs voix et leurs micros pour créer ensemble des fichiers audios que l’on peut écouter en ligne. Cela fait partie des meilleures choses que j’ai pu entendre en la matière, alors que ce n’est pas du tout professionnel mais repose uniquement sur l’intelligence merveilleuse d’internet.

Et en podcasts queers ?

Celui auquel je pense immédiatement est COXXX, par les mêmes qui proposent VOXXX, mais pour les garçons et ceux qui aiment les autres garçons. Sinon, il en existe aussi un qui s’appelle "Le son du désir", mais je ne crois pas qu’il soit également queer.

>> eXtase, sur France Inter, lundi 30 janvier à partir de 22h.

Crédit photo : Christophe Abramowitz, Radio France.