Devant les protestations internationales provoquées par l'adoption d'une nouvelle loi de répression de l'homosexualité, le président de l'Ouganda, en Afrique de l'Est, avait demandé au Parlement de revoir sa copie. Celui-ci s'est exécuté…
C'est un faux pas en arrière que vient d'orchestrer le Parlement de l'Ouganda. Face à la contestation internationale suscitée par l'adoption fin mars d'une nouvelle loi homophobe, prévoyant la prison à vie pour "homosexualité" voire la peine de mort en cas de récidive, le président depuis 1986 de ce pays d'Afrique de l'Est, Yoweri Museveni, ne l'avait pas promulguée et demandé le 26 avril aux parlementaires de revoir leur copie. C'est chose faite, mais l'esprit de la première version demeure…
À lire aussi : La Hongrie d'Orbán se rit ouvertement de l'Europe avec une nouvelle loi anti-LGBT
Les législateurs ont en effet adopté, ce mardi 2 mai à une majorité de 388 parlementaires sur 389, une version à peine modifiée de la loi homophobe prévoyant de relever les peines encourues pour homosexualité. Seule différence par rapport au texte précédent : ce ne sont plus les homosexuels qui peuvent être condamnés, mais… les personnes coupables d'actes homosexuels, ou celles qui en font la "promotion". "Nous avons une culture à protéger. Le monde occidental ne viendra pas gouverner l'Ouganda", a déclaré la présidente du Parlement, Annet Anita Among, après le vote.
"L'homosexualité aggravée"
Dans sa première version, cette loi avait provoqué un tollé diplomatique. Les Nations unies avaient qualifié le texte de "violation flagrante des droits humains", les États-Unis avaient promis des "conséquences" économiques si elle entrait en application, et le Parlement européen a réagi en adoptant une résolution appelant à la dépénalisation universelle de l'homosexualité... Le président ougandais avait alors paru faire marche arrière en demandant aux parlementaires de réexaminer la loi, précisant que "le fait d'être homosexuel" n'est pas un crime mais que les relations homosexuelles le sont.
La nouvelle version reconnaît donc qu'"une personne qui est présumée ou soupçonnée d'être homosexuelle, qui n'a pas commis d'acte sexuel avec une autre personne de même sexe, ne commet pas le délit d'homosexualité". Mais les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont passibles d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à la perpétuité. Les parlementaires ont par ailleurs maintenu une disposition faisant de "l'homosexualité aggravée" un crime capital, ce qui signifie que les récidivistes pourront être condamnés à mort. De même, indique Reuters, si un homme couche avec un homme porteur du VIH. Incluse dans la législation ougandaise, la peine capitale n'est toutefois plus appliquée depuis des années. Autre sujet d'inquiétude, notamment pour les associations, la "promotion de l'homosexualité" peut conduire à 20 ans d'emprisonnement.
Si la distinction entre l'acte et la personne correspond à la doctrine catholique – la religion chrétienne est majoritaire dans le pays –, l'Ouganda n'a donc manifestement pas entendu la dernière mise à jour du pape François, qui a enjoint en janvier les États de mettre fin aux lois criminalisant l'homosexualité. "En pratique, la police n'en n'a rien à faire de savoir si vous avez ou non pratiqué l'homosexualité, relève d'ailleurs Adrian Jjuuko, défenseur ougandais des droits humains, auprès de Reuters. Ils vous arrêterons parce que vous avez l'air gay." À cette heure, l'entourage du président Museveni n'a pas fait savoir si celui-ci comptait promulguer le texte dans sa version amendée. Au Royaume-Uni, une pétition a été lancée pour que les parlementaires et les représentants du clergé ayant participé à l'élaboration de cette loi soient frappés d'une interdiction de voyage.
À lire aussi : [Exclusif] La première interview du nouvel ambassadeur aux droits LGBT+
À lire aussi : Vive émotion aux obsèques d'Edwin Chiloba, le militant LGBT assassiné au Kenya
Crédit photo : Phill Magakoe / AFP