[Rencontre à retrouver dans le magazine têtu· du printemps] Avec dix albums studio (dont le dernier, Chansons de là où l’œil se pose, est sorti en février) et cinquante ans de lesbianisme, on peut dire que la chanteuse Juliette a de bouteille. Interview iconique.
Interview : Maurine Charrier et Florian Ques
À chaque numéro de têtu·, son interview iconique ! Ce printemps, c'est Juliette qui s'est prêtée au jeu. À 60 ans, la chanteuse et compositrice française partage avec nous ses techniques de drague, et nous en dit plus sur son rapport à l'amour et à la communauté lesbienne…
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C’est quoi ton date idéal ?
“Deux verres et une bouteille”, c’est mon date idéal ! Je le dis dans “La Petite Messe solennelle”. C’est ouvrir une bouteille de vin qui nous entraîne, en général, jusqu’au bout de la nuit. Je suis très vin du soleil alors je suis une grande fan des Côtes du Roussillon : j’aime bien le vin qui défonce un peu. J’ai plus de plaisir avec les super charpentés. En revanche, il faut des grands verres et qu’ils soient bien remplis !
Pour une nuit, on prévoit combien de bouteilles ?
À un moment, on arrête. Deux, c’est bien.
Par personne !
On partage l’une, et après on partage l’autre.
Moi, pour chiner des meufs, je like une photo sur les réseaux sociaux. On faisait comment avant internet ?
Ahahah, c’est rigolo. Nous on ne faisait pas comme ça : on se rencontrait, on se faisait du gringue, on s’invitait à boire un verre ou au resto, on se disait les choses. Moi, je n’ai pas de raison de le cacher : si tu me plais, je le dis, et si c’est réciproque, ben en avant quoi ! Je suis assez cœur d’artichaut, j’ai eu une vie sentimentale assez remplie…
"J'ai convaincu un certain nombre d’hétéros ahah ! Au moins le temps de notre relation."
Ah bah oui, on ne va pas se priver des bonnes choses !
Bon, maintenant je me suis calmée, hein. Mais quand même, j’étais un peu consommatrice, on va dire. Comment dire ça élégamment… J’ai convaincu un certain nombre d’hétéros ahah ! Au moins le temps de notre relation. Après, je n’allais jamais dans des lieux spécifiques pour draguer.
Les bars lesbiens, par exemple, très peu pour toi ?
Je comprends très bien que les gens – que ce soit pour ma génération, celle d’avant ou celle d’aujourd’hui – préfèrent essayer de se rencontrer dans des lieux LGBTQI+. Il y a une forme de paix, de tranquillité, pas de jugement et pas d’emmerdes. Je comprends très bien qu’on cherche ce confort, et cette sécurité en fait. Mais ce n’est pas pour moi. Je ne pense pas avoir des points communs avec tout le monde juste parce qu’on a les mêmes attirances…
Pourtant, tu as fait ton coming out à 13 ans, dans les années 1970 ! Tu ne te sentais pas seule ?
Quand j’étais ado, je me suis dit qu’il y avait un truc chez moi un peu différent des autres. Mes copines étaient toutes en train de dire “oh il est mignon Patrick !”, mais moi, bon, ça ne me touchait pas. Je regardais plutôt Patricia ahah ! On se sent un peu toute seule à ce moment-là. À la télé, on n’en parlait pas non plus, il n’y avait pas d’émission, pas de représentation. J’ai senti un basculement – notamment pour mes copains garçons dans le même cas – avec la presse gay, notamment Gai Pied. D’un seul coup, il y avait quelque chose qui disait : “T’es pas tout seul, ça existe.” Ce mouvement, à partir de la fin des années 1970, a été très salutaire, notamment pour les gens en province ; c’était courageux et nécessaire.
Tu parles de grandes icônes féminines dans tes textes. Avec qui tu voudrais prendre un café ?
Colette, je pense. Elle devait être assez drôle. On partage cette chose, fort modestement, d’être ce qu’on est sans militantisme. Et son époque était encore plus compliquée que la mienne.
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Crédit photo : Maurine Charrier pour têtu·