L'histoire de Gai Pied se confond avec celle de la communauté LGBT. Soutenu par Michel Foucault et animé par une poignée de journalistes passionnés, ce magazine, considéré comme le premier hebdomadaire gay au monde, a couvert et accompagné les moments cruciaux de son époque, dont la dépénalisation de l'homosexualité en France et les débuts de l'épidémie de sida.
Août 1978. Une trentaine de personnes participent à un camp d’été au Mazel, en Ardèche. Les nuits sont longues, chaudes, festives, et les discussions, qui ont pour objet la création d’un journal, vives et animées. Cette rencontre, qui fut annoncée par une petite annonce dans Libération, est placée sous surveillance par les forces de l’ordre locales, lesquelles ont stationné un véhicule sur la place du village. Mais peu importe. Rien ne saurait ternir l’enthousiasme de la petite bande de militants qui entoure Jean le Bitoux, initiateur du projet, et s’apprête à marquer l’histoire de la presse gay.
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La vague d’interdictions que les publications communautaires ont subie en début d’année ne suffit d’ailleurs pas à les décourager. Et pour cause : suivant le modèle de Libération, créé en 1973 sous le patronage de Jean-Paul Sartre, Jean Le Bitoux a sollicité Michel Foucault, qu’il a rencontré un mois auparavant, lequel a accepté de se joindre à l’aventure. "On n’interdit pas Foucault", expliquera-t-il des années plus tard, en 2010, dans Le Gai Tapant, documentaire lui étant consacré.
Mais, pour l’heure, la quinzaine ardéchoise touche à sa fin. C’est le troisième été que ces militants consacrent à la création de ce qui deviendra Le Gai Pied (puis simplement Gai Pied à partir d’avril 1980, et Gay Pied Hebdo en 1982) – nom proposé par Foucault, et dont le numéro 0, qui paraît en février 1979, propose l’explication suivante : "Pourquoi Gai Pied ? Pour être gai et pour le pied, et pour échapper au guêpier des ghettos" –, parution dont l’histoire est intimement liée à celle du militantisme gay des années 1970, où le Fhar (Front homosexuel d’action révolutionnaire), puis les GLH (Groupes de libération homosexuelle), auxquels appartiennent Le Bitoux et ses camarades, vont jouer un rôle crucial. ...