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famillesGPA : la justice dénonce les délais pour adopter et reconnaît un état civil étranger

Par Nicolas Scheffer le 25/09/2023
GPA,justice,famille

Puisque la procédure d'adoption est trop longue, reconnaissons directement la filiation des enfants nés d'une GPA, demande le tribunal de Nantes dans une décision inédite.

"C'est une première depuis la loi de 2021 !" s'enthousiasme l'avocate Caroline Mecary. Le tribunal judiciaire de Nantes a rendu un jugement inédit, passé relativement inaperçu, ce 7 septembre 2023, autorisant la transcription de l'état civil d'un enfant conçu grâce à une gestation pour autrui (GPA). Ce jugement contredit la dernière loi bioéthique – qui demande aux parents d'adopter l'enfant – au motif que la procédure d'adoption serait particulièrement longue. "Au regard de l'état d'encombrement des tribunaux dont les justiciables n'ont pas à pâtir, [la procédure d'adoption] placerait l'enfant dans une situation particulièrement insécurisante", insistent les juges.

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Lorsqu'on recourt à une GPA à l'étranger, la question de la reconnaissance de la filiation devient parfois un parcours du combattant. Votée en 2021, la loi bioéthique (celle qui ouvre la PMA aux lesbiennes) a compliqué la démarche. Jusqu'alors, la justice reconnaissait le caractère automatique de la transcription de l'état civil. En d'autres termes, lorsqu'un enfant disposait d'un état civil réalisé par exemple aux États-Unis, il suffisait de le traduire pour qu'il soit valable en France.

Mais pendant les débats au Parlement, les macronistes ont interdit cette pratique sécurisante pour les familles homoparentales. "La ligne rouge du gouvernement, c'est non à la GPA", soulignait alors le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Depuis, seul le parent biologique est reconnu par la France, le second parent devant donc adopter son propre enfant.

Intérêt de l'enfant

Sauf que dans le cas soumis au tribunal de Nantes, l'enfant est né en Russie en 2019 (avant la guerre avec l'Ukraine), et cela fait déjà quatre ans que ses parents – un couple hétéro – ont saisi la justice pour que la famille soit reconnue. À cela, il faut ajouter un an de procédure d'adoption, le tout formant une période de cinq ans "durant laquelle l'enfant a été exposé au risque de perdre le seul parent titulaire de l'autorité parentale ou de subir une séparation du couple", pointent les juges. C'est trop long, au détriment de l'enfant, disent en substance les magistrats.

"Le parent à l'égard duquel la filiation n'a pas été établie dès l'origine ne [peut] faire valoir aucun droit, ni supporter aucune obligation envers l'enfant alors qu'il l'a pourtant élevé depuis plusieurs années et dont le développement harmonieux est conditionné par le maintien des relations affectives", estiment les juges, qui considèrent également la filiation avec les deux parents de l'enfant comme "un élément primordial de son identité". C'est donc pour protéger l'enfant qu'il faut reconnaître ses parents, et vite !

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Crédit photo : Pxhere.