politiqueNouveau gouvernement : Gabriel Attal nomme l'anti-PMA Rachida Dati

Par Thomas Vampouille le 11/01/2024
Rachida Dati, ministre de la Culture du nouveau gouvernement de Gabriel Attal

La présidence de la République a annoncé la première version du gouvernement composé par Gabriel Attal et Emmanuel Macron. Surprise des chefs : Rachida Dati est nommée ministre de la Culture, rejoignant la liste de plus en plus longue des ministres macronistes qui se sont opposés à l'avancée de droits LGBTQI+.

À droite toute. La composition du nouveau gouvernement, présentée ce jeudi 11 janvier par le secrétaire général de l'Élysée, montre que la mue de Gabriel Attal est bel et bien achevée : le jeune Premier ministre, qui avait débuté son engagement politique au Parti socialiste (PS), s'est entouré de ministres – les secrétaires d'État seront annoncés dans un second temps – essentiellement venus du camp de ses anciens adversaires politiques.

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En sus du maintien de Bruno Le Maire (Économie), Gérald Darmanin (Intérieur), Sébastien Lecornu (Armées), Christophe Béchu (Transition écologique), Aurore Bergé passe de la Famille à l'Égalité femmes/hommes et à la Lutte contre les discriminations. Dans les entrants, Catherine Vautrin, pressentie à Matignon lors du remaniement de mai 2022 jusqu'à ce que le souvenir de son vote contre le mariage pour tous en 2013 ne l'en prive, se voit confier le portefeuille du Travail, de la Santé et des Solidarités. Pour parfaire le tout, la surprise du soir : Rachida Dati, ex-ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy, prend le portefeuille de la Culture.

Rachida pas convaincue par le mariage pour tous

C'est donc établi : le premier chef du gouvernement ouvertement gay de notre histoire ne garde pas la dent dure contre les personnalités qui se sont engagées dans le passé contre l'avancée des droits LGBTQI+. Rachida Dati, maire du 7e arrondissement de Paris, âgée de 58 ans, n'a toutefois pas soutenu La Manif pour tous comme l'avaient fait ses collègues Catherine Vautrin, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Christophe Béchu, Aurore Bergé (avant de changer d'avis entre 2012 et 2013) ou l'ex-ministre Caroline Cayeux. "Que les personnes du même sexe qui vivent ensemble souhaitent avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels, c'est une évidence, c'est normal", avait-elle ainsi déclaré en juin 2012 sur BFMTV, avant l'ouverture du débat auquel elle s'était dite "totalement favorable" à condition de ne "pas le dissocier de la notion d'adoption", expliquant : "Dès lors que vous touchez au mariage, vous touchez à la famille et la famille veut dire aux enfants." Une objection qui préparait le terrain à la suite…

L'année suivant l'adoption de la loi Taubira, La Manif pour tous n'a pas plié les gaules. Fin 2014, son émanation politique, Sens commun, tient meeting à Paris, invitant les ténors de la droite à venir éclaircir leur position sur l'avenir qu'ils comptent donner au mariage pour tous quand la droite reviendra au pouvoir. C'est là que l'ancien président Nicolas Sarkozy lâche à la tribune son accord pour une abrogation : "Si ça vous fait plaisir, franchement, ça coûte pas très cher." Dans le débat qui s'ensuit, son ancienne garde des Sceaux vole à son secours sur France 2 : "En ce qui me concerne, je pense que la loi effectivement doit être abrogée dans certaines dispositions, et totalement réécrite sur d'autres. Par exemple, d'interdire vraiment, fermement, clairement, GPA, PMA, et de ne pas rendre l'adoption automatique puisque ça devient un droit à l'enfant, décrypte Rachida Dati. Ensuite si on enlève des droits (…), est-ce qu'on garde le mot mariage ou pas ? Le mariage implique la filiation, donc si on garde le mot mariage, vous ne pourrez pas faire un mariage à deux vitesses, alors est-ce qu'on enlève le mot mariage ? La question elle est là."

Rebelote sur le plateau de Laurent Ruquier (On n'est pas couché), où Rachida Dati confirme qu'à ses yeux, ni la légalisation de la GPA ni même l'ouverture de la PMA ne sont négociables. Son soutien de 2012 au principe de l'égalité des couples homosexuels devant la loi prend au passage un coup dans l'aile : "Sur le mariage pour tous (…), on a fracturé la société française sur un mot, peut-être qu'on aurait pu éviter cette fracture en mettant un autre mot que mariage…" Et donc, faut-il l'abroger ? "Aujourd'hui de dire, en 2017 on abroge le mariage, on pourrait (…), c'est compliqué juridiquement mais pourquoi pas", tortille l'élue parisienne et eurodéputée, tout en précisant : "Je n'y suis pas favorable parce que ça va créer des imbroglios juridiques épouvantables." On n'est pas passé loin ! En revanche, martèle-t-elle de nouveau : "PMA, GPA, on ne peut pas évoluer."

Dati tente d'effacer son passé anti-PMA

Huit ans plus tard, en 2020, Rachida Dati en a fini avec l'Europe, et a enfin obtenu l'investiture qui lui était passée sous le nez six ans plus tôt : celle de son parti Les Républicains (LR) pour mener la liste de droite aux élections municipales à Paris. Elle sait que les temps ont changé, et surtout que l'électorat de la capitale est plutôt progressiste sur les questions LGBTQI+. Lors d'un débat public avec ses adversaires, la candidate macroniste, Agnès Buzyn, vient la chercher sur ses positions à ce sujet, soulignant : "Moi, j'ai porté la PMA pour toutes les femmes, j'ai porté la PMA au Parlement." Et Rachida Dati de rétorquer sans ciller : "Au Parlement européen, moi aussi je l'ai portée." Incongruité : y aurait-il donc eu une Rachida française opposée à l'ouverture de la PMA et une Dati européenne favorable ?

Le service Checknews de Libération, ainsi que Désintox sur Arte, se penchent sur le dossier, aboutissant tous deux à la même conclusion : non, Rachida Dati n'a pas soutenu la PMA à Bruxelles, bien au contraire. Dans un billet publié sur son blog de députée européenne, voici même ce qu'elle écrivait : "Ce texte invitait en particulier les États membres à permettre aux femmes lesbiennes de bénéficier de services de procréation médicalement assistée. Alors que j'ai été fortement mobilisée en France contre un tel projet lors des débats entourant l'adoption de la loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels, je ne pouvais pas accepter que le Parlement européen exprime sa volonté de l'introduire par la petite porte partout en Europe." CQFD. Mais dans le progressisme revendiqué par les troupes d'Emmanuel Macron, on ne cesse de le constater depuis 2017 : tout est pardonné.

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Crédit photo : Ludovic Marin / AFP