Abo

politiqueRemaniement : Attal à l'école, Bergé à la Famille, et les LGBT seront bien gardés ?

Par Nicolas Scheffer le 20/07/2023
Gabriel Attal et Aurore Bergé

Le troisième gouvernement d'Élisabeth Borne, dont le changement le plus important est le remplacement de Pap Ndiaye par Gabriel Attal au poste de ministre de l'Éducation, ne marque toujours pas le virage à gauche d'Emmanuel Macron que d'aucuns fantasment à chaque remaniement. C'est par exemple Aurore Bergé, venue de la droite Fillon puis Sarkozy, qui hérite du portefeuille de la Famille…

Un "simple ajustement". C'est ainsi qu'a été présenté le remaniement du gouvernement annoncé ce jeudi 20 juillet, et pourtant ce fut laborieux, les nominations tombant inhabituellement au compte-goutte tout au long de la journée. Une séquence censée clore une année d'orage, secouée par la réforme des retraites, l'inflation galopante puis les émeutes urbaines qui ont suivi la mort de Nahel, 17 ans, tué à bout portant par un policier à Nanterre. Après 100 jours dans le purgatoire initialement conçu par Emmanuel Macron en vue d'un "apaisement", Élisabeth Borne s'est vue donner une deuxième chance pour poursuivre un mandat finalement placé sous le signe de la "stabilité". Et tant pis pour Gérald Darmanin, par exemple, qui lorgnait sur le poste mais qui ne pouvait guère plus y compter dans ce contexte (il reste ministre de l'Intérieur).

À lire aussi : Plan LGBT+ 2023-2026 : beaucoup de formations mais pas de nouveaux droits

Pap Ndiaye remplacé par Gabriel Attal

Principal changement, le trentenaire Gabriel Attal a été annoncé pour remplacer le ministre de l'Éducation Pap Ndiaye. C'est la première fois que ce ministère est dirigé par un homme ouvertement gay. Un portefeuille clef à l'heure où l'institution prend conscience du harcèlement scolaire, en particulier LGBTphobe, notamment après les suicides récents de Lucas et Dinah, et où le lobby réac milite activement pour que les questions LGBTQI+ ne soient plus évoquées dans les classes.

Concerné, Gabriel Attal est sensibilisé aux questions LGBTQI+, il était d'ailleurs récemment à la soirée d'anniversaire de la fondation Le Refuge – mais ira-t-il plus loin que son prédécesseur ? Venu de la gauche et chercheur spécialiste des discriminations raciales, Pap Ndiaye s'était montré ému aux larmes après le suicide du jeune Lucas et connaissait bien les chantiers essentiels sur lesquels têtu· l'avait interviewé en début d'année. "Je veux être le ministre qui fera franchir une étape décisive dans la prise en compte des personnes LGBT+", assumait-il.

Gabriel Attal est quant à lui toujours resté assez discret sur les questions LGBTQI+, même quand sa collègue Caroline Cayeux s'illustrait par une sortie homophobe, tandis que Clément Beaune, chargé des Transports, avait lui pris position. "La lutte contre le harcèlement scolaire est une exigence morale absolue. Comment accepter que des enfants viennent à l'école avec la boule au ventre ? Comment accepter que des enfants se donnent la mort à cause de ce qu'ils vivent ?", a-t-il déclaré ce jeudi soir dans son discours de passation de pouvoir, avant d'affirmer comme "premier objectif le respect de l'autorité et des savoirs fondamentaux au cœur de l'école".

Aurore Bergé, la droite à la Famille

Autre changement de siège, Aurore Bergé, jusqu'alors cheffe de file des macronistes à l'Assemblée nationale, devient ministre des Solidarités et de la Famille. Un portefeuille qui a donc la charge de la réforme de l'autorité parentale, promesse de campagne d'Emmanuel Macron faite auprès de têtu·, pour notamment donner davantage de clarté aux familles en co-parentalité. Si son prédécesseur Jean-Christophe Combe, ouvertement gay, avait fait savoir son enthousiasme pour cette réforme, rien n'est moins sur concernant la nouvelle ministre…

Aurore Bergé fut ainsi une supportrice de François Fillon en 2012, puis de Nicolas Sarkozy en 2014, et d'Alain Juppé en 2017. La députée des Yvelines s'est d'abord opposée au mariage pour tous en 2012, affirmant être "contre le mariage et l'adoption par les couples homos et contre la bêtise crasse et l'homophobie", avant en 2013 de faire partie des cortèges en faveur de la loi Taubira, démontrant déjà un art du en même temps : "Je ne suis pas une fervente partisane du projet de loi présenté par le gouvernement, je reste à convaincre sur certaines de ses dispositions. J’aurais soutenu sans hésitation et avec enthousiasme un texte sur l'union civile et des droits pour les beaux-parents tel qu'envisagé par Nicolas Sarkozy en 2007 mais auquel il avait dû renoncer devant les frilosités de sa majorité".

Bérangère Couillard à l'Égalité

Aujourd'hui, la députée dont la circonscription fut longtemps dévolue à Jean-Frédéric Poisson, le fondateur de Sens Commun, ne cache pas son scepticisme sur le sujet de la transidentité. Aurore Bergé est ainsi l'une des seules élues à avoir reçu Dora Moutot, qui forme avec Marguerite Stern un duo que les médias s'arrachent pour défendre un féminisme "femelliste" hostile à l'inclusion des personnes trans. Portant, en novembre dernier, une proposition de loi destinée à constitutionnaliser le droit à l'IVG, Aurore Bergé avait d'ailleurs pris soin d'amender son propre texte afin d'en exclure les hommes trans.

Le nouveau gouvernement a enfin évincé Isabelle Lonvis-Rome, ministre en charge de l'Égalité, remplacée par Bérangère Couillard, jusqu'ici secrétaire d'État à la Biodiversité. Si cette dernière s'est fait entendre en tant que parlementaire sur les sujets de féminisme, son visage n'est pas familier dans la sphère LGBTQI+. Lors de la dernière campagne présidentielle, elle avait tout de même été envoyée au dernier moment pour représenter le camp macroniste lors d'un débat organisé par l'Inter-LGBT. Elle souhaitait alors que la PMA pour toutes soit ouverte aux hommes trans, une idée toujours d'actualité !

À lire aussi : "Bien sûr qu'il pense à Matignon" : Darmanin et les LGBT, coulisses d'une mue politique

Crédit photo : Thomas Coex / AFP