histoireLe discours de Robert Badinter à l'Assemblée contre la pénalisation de l'homosexualité

Par têtu· le 12/02/2024
Robert Badinter défendant l'abolition de la peine de mort à l'Assemblée nationale, 1981.

Trois mois après l'abolition de la peine de mort, Robert Badinter défend devant l'Assemblée nationale, aux côtés des député·es Raymond Falorni et Gisèle Halimi, la proposition de loi abrogeant tout délit d'homosexualité en France. Archive.

"Il n'est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels." Le 20 décembre 1981, Robert Badinter prend la parole à l'Assemblée nationale, en tant que ministre de la Justice du gouvernement dirigé par Pierre Mauroy et nommé par François Mitterrand, pour soutenir la proposition de loi portée par le député du Territoire de Belfort et président de la Commission des lois Raymond Forni (socialiste) – qui fut rapporteur du projet de loi d'abolition de la peine de mort, adopté trois mois plus tôt, le 18 septembre 1981.

Rapporté dans l'hémicycle par la députée de l'Isère Gisèle Halimi (apparentée socialiste ; son discours est retranscrit ici), le texte propose d'abroger le deuxième alinéa de l'article 331 du Code pénal, introduit sous le régime de Vichy et qui, en établissant un âge supérieur de la majorité sexuelle pour les homos par rapport aux hétéros, sert de justification à la persécution policière et pénale des homosexuels en France.

La loi Forni sera promulguée le 4 août 1982, abrogeant définitivement tout délit d'homosexualité en France. À l'occasion de la mort de Robert Badinter, nous reproduisons ci-dessous le discours intégral (le compte-rendu complet de la séance est disponible dans les archives de l'Assemblée) de son intervention devant les députés, après la présentation du texte par Gisèle Halimi, un dimanche de décembre 1981.

À lire aussi : Pourquoi parler de "dépénalisation de l'homosexualité" en 1982

M. Robert Badinter, garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi qui vous est soumise est de celles auxquelles le Gouvernement s'associe pleinement, comme il a eu d'ailleurs, récemment l'occasion de le faire à propos de deux initiatives émanant de la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'une entraînant l'abrogation de la loi anti-casseurs, aujourd'hui acquise dans notre droit, l'autre concernant la preuve de la filiation naturelle déjà votée par votre assemblée.

Si le Gouvernement souscrit ainsi pleinement à l'initiative de votre commission demandant la suppression du deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal relatif à ce que l'on appelle le délit d'homosexualité, c'est qu'il s'agit là d'une incrimination d'exception dont rien, même pas la tradition historique, ne justifie le maintien dans notre droit pénal.

L'exposé très complet qui a été fait par Mme le rapporteur de la commission des lois [Gisèle Halimi, ndlr] me permettra d'aller à l'essentiel. Deux questions se posent. Premièrement, la disparition du deuxième alinéa de l'article 331 est-elle de nature à affaiblir notre arsenal répressif s'agissant d'atteintes à l'intégrité et à la dignité de la personne des mineurs de quinze à dix-huit ans ? Deuxièmement, l'abrogation de cet article contribue-t-elle au contraire à libérer notre droit des pesanteurs oppressives qui l'affectent encore ?

A la première question – affaiblirions-nous notre droit pénal par la suppression de l'alinéa 2 de l'article 331 ? — la réponse du Gouvernement est négative, et ce pour deux raisons.

La première est d'ordre juridique. Nous disposons dans nos lois d'un ensemble très complet et très rigoureux de textes permettant d'assurer la protection des mineurs de quinze à dix-huit ans contre toutes les formes d'attentats aux mœurs. Sans reprendre le détail des textes, je rappellerai simplement à l'Assemblée que des peines sévères punissent, dans notre droit : le proxénétisme sous toutes ses formes, et notamment à l'égard de mineurs : l'incitation de mineurs à la débauche ; le détournement de mineur ; l'attentat à la pudeur commis avec violence contre des mineurs ; l'attentat à la pudeur commis sans violence à l'égard d'un mineur de plus de quinze ans par un ascendant ou par une personne ayant autorité sur lui ; enfin, depuis la loi du 23 décembre 1980, le viol lui-même, dans sa nouvelle définition – qui s'applique aussi bien lorsque auteur et victime sont du même sexe.

Affirmer donc que l'abrogation du deuxième alinéa de l'article 331 livrerait nos adolescents sans défense aux atteintes à leur intégrité ou à leur dignité est encore une contrevérité juridique, ou une hypocrisie, selon que le propos relève de l'ignorance ou du mensonge.

Il suffit d'ailleurs d'évoquer à cet égard la pratique judiciaire elle-même, dans sa réalité.

La répression du délit d'homosexualité, tel que prévu par l'article 331, deuxième alinéa, est, en fait, considérablement réduite ; elle a même atteint un niveau symbolique. Les condamnations évoquées par Mme le rapporteur, de l'ordre de 150 par an, telles qu'elles figurent dans le compte général de la justice, relevaient pour l'essentiel – tous les praticiens le savent – de l'outrage public à la pudeur, aggravé par I'ancien article 330, alinéa 2, qui fut abrogé par la loi de 1980. Je précise que, dans les huit premiers mois de 1981, les parquets, sur le seul fondement de l'article 331, n'ont entamé que très rarement des poursuites. En rappelant, à cet égard, au parquet que les poursuites ne devaient être envisagées que dans des cas tout à fait exceptionnels et seulement avec l'accord de la chancellerie, je ne faisais que rappeler un état de fait et annoncer l'abrogation imminente d'un texte inutile.

Qu'on me permette d'ailleurs, sur l'intitulé de ce texte, de rappeler deux faits, ou plutôt une évidence et une pratique historique.

Une évidence s'impose : pendant cent cinquante ans, comme l'a rappelé Mme le rapporteur, de 1791 à 1942, la loi pénale française a refusé la répression de l'homosexualité en tant que telle, c'est-à-dire entre personnes consentantes, y compris si l'une d'elles ou les deux étaient des mineurs de plus de quinze ans.

Les années 1791 à 1942 ne sont pourtant pas, historiquement, ce qu'on peut appeler une période de libertinage ou de laxisme dans les mœurs ; c'est l'époque du triomphe de la morale bourgeoise, avec ce qu'elle comportait de valeurs et de rigueur au moins proclamées dans le domaine des mœurs.

Croit-on vraiment que si, au XIXe siècle, les champions de l'ordre moral si exigeants du XIXe siècle – qu'ils s'appellent Odilon Barrot, Molé ou le duc de Broglie – avaient considéré que la sauvegarde des mineurs contre ce qu'ils appelaient le « désordre des mœurs », passait par la répression pénale de l'homosexualité, ils n'auraient pas saisi les assemblées parlementaires, alors composées en majeure partie de notables, de projets de textes répressifs identiques à l'article 331, deuxième alinéa ?

Rendons-leur, à cet égard, témoignage ; si Oscar Wilde a été condamné par la justice anglaise pour avoir séduit Lord Douglas, nous savons que Verlaine ne pouvait être poursuivi par la justice française pour avoir séduit Rimbaud, âgé de dix-sept ans, à moins, d'ailleurs, que la séduction ne fût en sens contraire. Tous les rapports de police de l'époque témoignent que la liaison était notoire.

Alors, interrogeons-nous ! La justice anglaise s'est-elle trouvée grandie d'avoir détruit moralement et physiquement Oscar Wilde ? Et l'homosexualité chez les jeunes gens de l'aristocratie anglaise s'est-elle trouvée réduite par ces pratiques répressives ? A lire les mémoires de l'époque, il est permis d'en douter.

En réalité, ces législateurs du XIXe siècle savaient fort bien – je n'ose pas dire par expérience séculaire — que jamais la répression pénale n'a eu, à l'égard de l'homosexualité, la moindre efficacité. Nul d'ailleurs ne le savait mieux que notre éminent prédécesseur, l'archi-chancelier de l'Empire, M. Cambacérès, l'un des auteurs du code pénal, bien connu au Palais Royal sous le sobriquet de « Tante Urlurette ». (Rires sur les bancs des socialistes.)

Juriste de la fin du XVIIIe siècle, il avait vécu, comme ses pairs, dans une société où on lisait, notamment dans le Grand traité de la justice criminelle de France, de Jousse, édition de 1771, tome IV, au chapitre intitulé : « De la sodomie et autres crimes contre natures » : « La peine de ce crime est de condamner à être brûlés vifs tous ceux qui sont coupables de ce crime – Tum agentem quam patientem – quelquefois de condamner simplement les coupables à mort et ensuite à être brûlés, ce qui dépend des circonstances. » Texte terrible !

Mais les juristes de l'Empire, tous formés sous l'Ancien régime, savaient que derrière ces fulminations, héritage de l'Inquisition, se cachait, en réalité, une pratique judiciaire tout à fait différente et très révélatrice. Cette pratique est, jusqu'au XVIIIe siècle, presque impossible à apprécier, parce que, en principe, compte tenu du scandale, les pièces du procès du sodomite, sinon l'auteur de l'infraction lui-même, devaient être brûlées. La documentation est donc rare. Mais elle devient plus complète et très précise à partir du XVIIIe siècle. La jurisprudence du Parlement de Paris, juridiction d'appel obligatoire, nous est connue. Sur douze condamnés à de fortes peines en première instance, six furent acquittés par le Parlement et, parmi les condamnés, seuls ceux qui avaient commis des crime graves, hors toute infraction de sodomie, connurent les rigueurs de la loi. En particulier, si le 1er octobre 1783, le capucin Pascal fut rompu et brûlé vif, c'est que, outre la séduction et la sodomie, il avait commis sur la victime, un jeune homme de dix-sept ans, une tentative d'assassinat en lui portant quatorze coups de couteau.

En réalité, au-delà de la justice solennelle du XVIIIe siècle des parlements, que les auteurs du code pénal connaissaient parfaitement, s'exerçait une répression policière, totalement arbitraire, de l'homosexualité, dont le pouvoir royal et surtout le lieutenant général de police étaient les maîtres. Si les coupables étaient de grands seigneurs, cela s'arrangeait, même si le scandale était patent à la Cour, par des lettres de cachet de brève durée.

Mais si le chevalier de la manchette était de moindre origine, alors les « mouches » de la police le guettaient et le provoquaient dans les cabarets et les promenades – aux Percherons, aux Tuileries, à la Demi-Lune. Ensuite, c'était l'arrestation au nom du roi et la conduite au Petit Châtelet. Après quoi, la femme ou les amis négociaient avec le lieutenant de police la libération du détenu, laquelle intervenait au bout de quelques semaines.

Les rapports de police du XVIIIe fourmillent de renseignements sur cette « police de mœurs ». Le fichage était pratiqué avec minutie et la surveillance étroite.

Selon un mémorialiste de l'époque, qui se qualifiait volontiers de moraliste, « un certain commissaire Foucault tenait un livre où étaient inscrits les noms de tous les pédérastes : 40.000 environ, c'est-à-dire presque autant que de filles à Paris ». Laissons de côté le chiffre. Ne retenons que le contraste saisissant entre, d'un côté, des textes qui proclamaient le principe d'une répression exemplaire et, de l'autre, la réalité policière quotidienne, qui réprimait moins l'homosexualité qu'elle ne la persécutait, sans que jamais, pour autant, l'homosexualité, fût-ce avec les mineurs consentants, ait, où que ce soit, diminué.

C'est en connaissance de cause de cette répression policière et judiciaire, que les législateurs du XIXe siècle ont refusé de faire de l'homosexualité un délit.

II aura fallu cent cinquante ans, il aura fallu le désastre de 1940 et la proclamation d'une idéologie officielle contraire à nos principes républicains de liberté pour qu'apparaisse dans notre droit moderne le délit d'homosexualité avec un mineur consentant de plus de quinze ans. Et il est singulier que l'on n'ait pas osé l'abroger jusqu'à ce jour, même quand on en mesurait l'inutilité, ainsi que le reconnaissait dans cette même enceinte Mme Pelletier en 1930.

La leçon de l'histoire et celle de la réalité judiciaire se rejoignent ainsi. L'incrimination pénale de l'homosexualité, même s'agissant des mineurs de quinze à dix-huit ans, ne relève pas des exigences de la sûreté publique. Elle relève bien d'un choix idéologique.

Des deux fonctions qui sont celles du droit pénal – la fonction répressive et la fonction expressive – seule demeure la seconde s'agissant du délit d'homosexualité. En effet, on a voulu donner au problème du comportement homosexuel, qui ne peut se poser qu'en termes de choix individuel, c'est-à-dire en termes de liberté, une réponse normative, assortie de sanctions pénales.

Certains qualifient encore l'homosexualité de perversion. L'Assemblée permettra au juriste que je suis de lui faire observer qu'une telle application constitue une véritable perversion du droit, car le législateur ne peut apporter de réponse pénale à un problème d'ordre moral, qui relève d'un choix individuel.

A quoi tend, en effet, l'article 331, alinéa 2 ? A interdire, sous la menace d'une peine pouvant aller jusqu'à trois années d'emprisonnement, ce que la loi, retrouvant la terminologie de l'Ancien Régime, celle du traité de justice criminelle de Jousse, appelle des actes impudiques ou contre nature, c'est-à-dire, pour parler clair, des relations sexuelles entre personnes du même sexe, si l'une d'elles a plus de quinze ans et moins de dix-huit ans, alors qu'elle y consent.

Ce dernier point est essentiel. Il s'agit de rapports pratiqués de plein gré par le mineur, car si le consentement était arraché par la violence physique ou la contrainte morale, alors des poursuites pénales plus graves, notamment pour viol, s'imposeraient.

L'article 331, alinéa 2, ne tend donc qu'à interdire à quiconque d'avoir des relations homosexuelles avec un mineur de quinze à dix-huit ans qui y consent. Je dis bien : « à quiconque », car la loi ne distingue pas, à cet égard, le mineur du majeur, et ce sont aussi bien les amitiés particulières entre adolescents que les relations particulières entre un adulte et un mineur de plus de quinze ans qui y consent que la loi punit en France de prison. Les mêmes actes, les mêmes rapports étant parfaitement licites entre mineurs ou adultes et mineurs de plus de quinze ans, de sexe différent, c'est donc bien l'homosexualité qui est interdite en France avant dix-huit ans sous peine d'emprisonnement.

L'inspiration du texte est donc claire : il s'agit tout simplement de transformer la justice en agent de répression contre l'homosexualité, c'est-à-dire d'en faire un instrument de police des mœurs – et plus part particulièrement pour les adolescents de quinze à dix-huit ans – ou, si l'un préfère, de « normalisation », au sens le plus répressif du mot, de leur comportement sexuel.

Au-dessous de quinze ans, le législateur considère, par une sorte de présomption irréfragable, qu'un mineur ne peut donner un consentement valable à des actes ou des rapports sexuels quels qu'ils soient, hétéro ou homosexuels, mais à partir de quinze ans et jusqu'à dix-huit ans, chacun devient libre de disposer de son corps, dans le secret de sa vie privée, à la condition que ce ne soit pas avec une personne du même sexe. Par exemple, Chéri à dix-sept ans peut aujourd'hui aimer Léa en toute sûreté – mais sûrement pas Charlus, sous peine
d'emprisonnement. C'est donc bien la sexualité adolescente que la loi entend protéger, disent les uns, réprimer disent les autres, mais en tout cas, définir, normaliser. Quel dommage que nul psychanalyste n'ait encore entrepris la psychanalyse de nos codes !

II demeure en tout cas qu'une telle disposition répressive – dans son inspiration, sinon dans sa lettre, je le reconnais volontiers – est contraire à deux principes fondamentaux du droit dont le respect est essentiel pour la liberté de chacun : le principe de non-discrimination, et celui du respect de l'intimité de la vie privée.

La règle générale de la prohibition de toute discrimination fondée sur le sexe est consacrée par plusieurs textes internationaux, notamment par l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies, par
l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, et par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

On me dira qu'il ne s'agit pas de discrimination fondée sur le sexe mais de protection au regard d'actes qui sont de nature différentes. En vous interrogeant, vous constaterez cependant que même si la disposition de l'article 331, alinéa 2, ne contrarie en rien la Constitution, elle comporte quand même une inspiration de discrimination qui est fondée sur le sexe.

Je rappelle que tout mineur de quinze à dix-huit ans peut avoir librement avec toute personne d'un autre sexe qui y consent des relations sexuelles, mais si cette personne consentante est du même sexe, ces relations sont interdites sous peine d'emprisonnement. De même, tout majeur se voit interdire des relations librement consenties avec un mineur du même sexe de quinze à dix-huit ans, alors qu'elles lui sont permises avec un mineur du même âge, mais d'un autre sexe. C'est donc bien le sexe qui demeure le fondement de la discrimination légale. Et à ce titre, l'inspiration de notre législateur est bien évidemment contraire au principe de non-discrimination.

Par ailleurs, la disposition de l'article 331-2 comporte une atteinte au principe fondamental du respect de la vie privée de chacun. Celle-ci, surtout dans ce domaine, relève du libre choix de tout être humain, à partir du moment où il n'attente pas à la liberté d'autrui. Or, l'interdiction formulée par l'article 331, alinéa 2, vise bien des actes sexuels qui sort librement consentis, sinon, je le rappelle, ils tomberaient sous le coup de la loi pénale. Il n'appartient pas au législateur qui reconnaît à chacun, à partir de quinze ans, une conscience suffisante pour avoir des relations sexuelles avec la personne de son choix, de définir ce que doivent être les normes de sa vie sexuelle. C'est bien attenter à la vie privée que de vouloir régenter aussi le comportement sexuel de ceux qui sont réputés pouvoir librement et en connaissance de cause en décider.

En réalité, la disposition de l'article 331, alinéa 2, héritée de Vichy, n'est que l'ultime survivance, dans notre droit, de la très ancienne mise hors-la-loi de l'homosexualité, qui a disparu après la Révolution. Elle constitue une discrimination légale, qui n'est certes pas anticonstitutionnelle, mais qui s'inscrit dans le domaine des mœurs.

Une telle discrimination dans un pays qui, en matière de liberté et de droits de la personne humaine, doit être exemplaire, n'est plus admissible. Le choix pour chacun de son comportement sexuel à partir de l'âge où il est présumé pouvoir y consentir et l'accomplir en connaissance de cause, ne doit relever que de sa libre appréciation et non pas de normes législatives. L'appréciation de ce comportement, dès lors qu'il n'attente pas à la liberté et à la dignité d'autrui, ne peut relever que d'un choix moral et non pas de sanctions pénales.

L'Assemblée sait quel type de société, toujours marquée par l'arbitraire, l'intolérance, le fanatisme ou le racisme, a constamment pratiqué la chasse à l'homosexualité. Cette discrimination et cette répression sont incompatibles avec les principes d'un grand pays de liberté comme le nôtre. Il n'est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels, comme à tous ses autres citoyens dans tant de domaines.

La discrimination, la flétrissure qu'implique à leur égard l'existence d'une infraction particulière d'homosexualité les atteint – nous atteint tous – à travers une loi qui exprime l'idéologie, la pesanteur d'une époque odieuse de notre histoire.

Le moment est venu, pour l'Assemblée, d'en finir avec ces discriminations, comme avec toutes les autres qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la France. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et des communistes.)

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Photo d'illustration : Robert Badinter défendant l'abolition de la peine de mort à l'Assemblée nationale, le 17 septembre 1981. Crédit : Dominique Faget / AFP